The Good Culture
Vins et spiritueux
Avec Ortolan, le designer Louis‑Marie de Castelbajac, dont la famille est originaire du Gers, veut transmettre une vision contemporaine du plus vieux spiritueux français. Pour relancer cette eau‑de‑vie, d’autres producteurs s’emploient à séduire de nouveaux amateurs.
Le petit oiseau avait été rendu célèbre par le président François Mitterrand, qui appréciait sa chair délicate dégustée dans un cérémonial solennel, à pleins doigts, le visage caché sous une serviette blanche. Une autre époque. Avant d’être rôti, l’ortolan était aussi plongé dans l’armagnac.
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L’or de Gascogne
L’espèce est désormais protégée, interdite de consommation, mais il reste l’armagnac et l’une des marques du renouveau du plus vieux spiritueux français a justement choisi de se nommer Ortolan. Une référence géographique et culturelle au Gers authentique et généreux, dont la famille de son promoteur, Louis-Marie de Castelbajac, est originaire.
Le designer de 41 ans a collaboré à l’identité visuelle de plusieurs marques, travaillé avec son père, le créateur Jean-Charles de Castelbajac. De fait, il a su créer une image d’Ortolan, lancé en 2020 dans des flacons très stylisés, mais son engagement pour la relance de l’eau-de-vie est sincère, amorcé il y a dix ans déjà avec un jus classique nommé 700.
Quelques acteurs plus traditionnels font également bouger l’armagnac. Poids lourd à succès de la région par ses vins de qualité accessibles, le domaine Tariquet exerce son savoir-faire depuis plusieurs siècles. Il propose, cette fin d’année, trois VSOP et XO en magnum et pot gascon, une bouteille de 3 litres aux formes généreuses purement gersoises.
Le domaine familial Laballe clame « Armagnac is back » et vient de lancer Vital, une blanche bio non filtrée à déguster sur glace ou en cocktail. Le nom renvoie au prieur Vital Dufour, qui développa les 40 vertus de l’armagnac dans un ouvrage datant de 1310, aujourd’hui conservé au Vatican.
Loin des puristes, l’entrepreneur iconoclaste Raj Bhakta, créateur du whisky WhistlePig, a contribué à propulser l’armagnac aux États-Unis avec des jus finis en fûts de whisky, en dehors, donc, des canons de l’appellation.
Rendre l’armagnac contemporain
Avec Ortolan, l’intention de casser les codes est patente. « Nous avons compris qu’il faudrait un produit rebelle, pousse Castelbajac. Se mettre en avant n’est pas dans la culture locale mais il faut être impactant aujourd’hui, rendre l’armagnac contemporain et décomplexer la consommation en misant sur la mixologie. »
La démarche est fréquente quand il s’agit de dépoussiérer un spiritueux : le cognac l’a tenté dans le passé et a investi à nouveau le créneau pour relancer l’intérêt sur le marché français, qui représente toujours une part très marginale des ventes.
L’armagnac possède un atout que n’a pas son grand frère des Charentes : sa dimension restée artisanale alors que le craft a la cote. « C’est du taylor‑made », suggère le designer qui ose une analogie : « Nous devons être au cognac ce que le mezcal est à la tequila. »
Avec son maître de chai, il a décliné Ortolan en quatre expressions qui sont autant d’approches gustatives, recettes de cocktails à l’appui. Au sommet, l’XO représente les valeurs de la Gascogne. « Que l’armagnac soit le porte-parole d’un savoir-faire français ancestral, s’emballe Louis‑Marie de Castelbajac. En version punchy ! » Voilà qui est dit.
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