Voyage
Il n’est guère facile d’entrer dans la légende de Venise. Trop de verrous, d’étrangetés. Pourtant, le Palazzo Papadopoli, magnifié par le groupe Aman, a réussi cette gageure. Avec discrétion, sans un bruit...
D’abord, c’est comme une devinette. Trouver la porte de l’Aman Venice, c’est un peu comme un jeu de piste. Au détour de deux-trois ruelles, si vous n’avez pas pris le bateau-taxi, apparait un portail. Il n’est guère bavard. Ce n’est pas son style.
Son style, son propos remonte si loin : 1550. Le palazzo fut construit par une famille de riches commerçants et marins, venus de Bergame. La suite n’est que rebondissements, glissant de la famille Tiepolo en Papadopoli (1837) qui possédait également le Palazzo Grassi. On procéda alors à de somptueuses décorations dirigées par Michelangelo Guggenheim avec cet esprit rococo et néo-renaissance caractéristique de cet escalier magistral menant au premier étage. C’est ici qu’apparurent les premiers ascenseurs de Venise, les lustres électriques et le téléphone interne.
Le palais se donna alors dans sa vocation récréative : grandes fêtes, belles robes, haute société. Aujourd’hui, le comte Giberto Arrivabene Valenti Gonzaga ; la comtesse Bianca et sa famille y habitent. Du reste, celui-ci lit son journal ce matin, au soleil, dans le jardin donnant sur le Grand Canal. Il a suivi avec étonnement et intérêt l’incroyable travail de restauration du bâtiment, respectant tout en apportant quelques touches contemporaines épurées. Voici un admirable équilibre où la modernité affleure à peine. La spectaculaire lanterne de Lépanta, souvenir de la bataille de Lépante (1571) trône dans une entrée à l’élégance dépouillée : juste un guéridon d’accueil, une frêle lampe et voila pour une réception allusive.
C’est du reste l’hymne de cette adresse hautement élégante, sans l’apparat du luxe et ses messages encombrants, mais fonctionnant à la subtilité, l’estompé. Le palazzo a tellement de choses à dire qu’il suffit d’écouter. De partout des fresques, des plafonds si hauts, des perspectives sensées et régulièrement le Grand Canal qui revient comme une rythmique, un hymne argenté. La salle du dîner est magnifique dans son travelling, son plafond ovale décoré de fresques de Cesare Rotta distillant ses cupidons, déesses, instruments de musiques et masques. Il est alors temps de s’apaiser dans la bibliothèque dans son style néobaroque éclectique, avec des tapisseries de cuir de Cordoue.
Retardez le moment de regagner votre chambre car vous risquez de ne plus en ressortir : lit king size, canapés pensifs, profonds fauteuils, murs tendus de soie verte (suite Maddalena Stanza), fresques toujours et salle de bains éclairée par un chandelier. On petit déjeune, déjeune et dîne au restaurant (yellow dining room et blue dining room). Les nourritures ont la bonne idée de se glisser dans l’esprit du palais : élégance, substances, profondeur mais sans effets intempestifs, juste l’intitulé et un maintien appréciable…
Bien sûr, les prix de ce Palazzo sublime ont beaucoup de résonance, voire de vibrations (à partir de 950 €), mais le chic de ces maisons nobles, c’est aussi de s’entrouvrir non seulement aux fêtes, mais aussi aux petits déjeuners, verre au bar, déjeuner et dîner. Maintenant, c’est à vous de trouver la porte d’entrée…
Aman Venice
Palazzo Papadopoli
1364, Calle Tiepolo – vaporetto San Silvestro.
Tél. : +39 041 270 7333
www.amanresorts.com
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