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Mille et une complications au musée Patek Philippe - the good life
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Horlogerie

Mille et une complications au musée Patek Philippe

Horlogerie

Direction le musée Patek Philippe ouvert à Genève, en 2001, par la prestigieuse marque suisse.

Nul besoin d’être un geek de l’horlogerie ou un collectionneur pour visiter le musée Patek Philippe. Il suffit d’aimer les beaux objets et savoir s’enthousiasmer pour l’inventivité de ceux qui, depuis des siècles, aiment les complications…

Une complication. C’est ainsi qu’on nomme, en horlogerie, les fonctions qui s’ajoutent à celle qui consiste à donner l’heure. Mais encore fallait-il d’abord s’atteler à cette simple tâche, qui se faisait, il y a environ 1 500 ans av. J.-C., à l’aide de cadrans solaires. Il aura fallu attendre la fin du XIIIe siècle pour voir apparaître les premiers systèmes d’horlogerie (poids et rouages, horloges à eau…) et le XIVe pour les horloges mécaniques. À partir de là, tout s’accélère et certains se lancent dans la miniaturisation des systèmes.

Ce qui permet d’envisager de porter l’heure sur soi, en signe de puissance. À partir du XVe siècle, les innovations se succèdent, mais la montre demeure, jusqu’au début du XXe siècle, réservée à l’élite. Pour se démarquer, aucune limite, aucune restriction, les horlogers s’adjoignent les talents des meilleurs orfèvres, joailliers, émailleurs, et il se trouve qu’un grand nombre de ces artisans sont en Suisse, contraints par la Réforme, qui bannit les signes ostentatoires de richesse, d’utiliser autrement leurs talents.

Elles sont là, par centaines, par milliers, disposées dans les vitrines, ces montres précieuses témoignant du lien entre science et art. Depuis les premières, à la précision discutable, équipées d’une unique aiguille, jusqu’aux plus innovantes, avec des systèmes toujours plus précis, toujours plus compliqués.

Musée Patek Philippe, 7, rue des Vieux-Grenadiers, Genève. patek.com
Musée Patek Philippe, 7, rue des Vieux-Grenadiers, Genève. patek.com Benjamin Schmuck

Il y a les extravagantes montres- bijoux, montres-automates, montres d’apparat, destinées à faire étalage de sa richesse, de son bon goût ou de son sens de la modernité. Elles viennent de Suisse, bien sûr, d’Angleterre, autre grand pays de l’horlogerie, de France, des Pays-Bas… Toutes ou presque ont été acquises par Philippe Stern qui, dans un premier temps, achète les montres de la maison que sa famille dirige depuis 1932.

Puis il s’intéresse à toutes les autres, constituant la plus grande collection au monde. Que ce soit dans la partie historique du musée ou dans celle consacrée aux montres de la marque qui, pour avoir le droit d’être exposées, doivent avoir été créées il y a plus de vingt ans, un guide s’impose pour en profiter pleinement. Un accompagnateur qui, en personne, raconte l’histoire des pièces les plus marquantes, ou encore un Audioguide sur tablette, où elles sont répertoriées et commentées.

3 questions à Peter Friess, directeur et conservateur du musée Patek Philippe

Maître horloger et détenteur d’un doctorat en histoire de l’art, Peter Friess avait le profil idéal pour piloter le musée Patek Philippe. Nommé en 2012, il a, pour ce poste, quitté la Californie, où il dirigeait le Science Museum de la Silicon Valley.

Quelle fut votre première impression du musée ? Ce qui manquait à ce musée, c’était une personne qui sache mettre des cartels sur les vitrines. D’un point de vue muséologique, ce n’était pas très professionnel. L’une des premières choses que j’ai proposées c’est de créer une base de données. Un vaste projet, car nous possédons environ 3 000 pièces. Nous les avons photographiées sous tous les angles, avons édité des catalogues et nous les avons intégrées dans notre Audioguide. Nous ne collectionnons pas les montres pour les laisser dans des coffres, mais pour les exposer.

Que souhaitez-vous transmettre aux visiteurs ? D’abord, j’aimerais qu’ils réalisent que l’horlogerie fait partie de l’histoire de l’Europe. Bien sûr, certaines montres ont été conçues aux États-Unis, mais les bases sont européennes. Notre volonté est aussi de rendre hommage aux fondateurs de cette manufacture, monsieur Patek et monsieur Philippe. Ce dernier a inventé le remontoir par couronne, qui a permis de remplacer la clé. Il leur a fallu trente ans pour l’imposer sur le marché, mais, après 1868, impossible pour un fabricant de faire une montre sans ce mécanisme. Ils ont changé la donne et j’aimerais que chacun se souvienne, en regardant une montre mécanique et même une Apple Watch, que le remontoir vient de monsieur Philippe !

Musée Patek Philippe, 7, rue des Vieux-Grenadiers, Genève. patek.com
Musée Patek Philippe, 7, rue des Vieux-Grenadiers, Genève. patek.com Benjamin Schmuck

Continuez-vous à enrichir la collection ? Même si la grande époque des acquisitions est derrière nous, il reste des pièces à acheter. Nous possédons la plupart des montres importantes, mais il arrive que nous en achetions une que personne n’a vue venir. Ça fait aussi partie de mon travail de savoir avant les autres quand certaines montres sont sur le marché. Un jour, j’ai reçu un appel d’un célèbre site spécialisé américain me disant : « Peter, nous venons d’en rater une ». J’ai répondu : « Oui, c’est vrai… et j’en suis content, parce que sur votre site elle aurait été affichée cinquante fois plus chère que le prix que j’ai payé ! »


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