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Signes des temps, les horlogers revoient leur modèle de retail. Pop-up stores, distributeurs automatiques ou encore appartements privés supplantent les classiques boutiques de montres.
Une Vespa blanche trône près du bar très art déco. Au comptoir, on peut commander un expresso italien. Bien serré, per favore ! Bienvenue dans l’une des boutiques de montres Panerai, rue du Rhône, au cœur de Genève, et non à Florence (berceau de la marque). Cette expérience d’achat immersive, c’est la nouvelle tendance du retail horloger, une approche inédite de la distribution qui place le parcours sensoriel au-dessus de la relation commerciale.
Ainsi, avec son concept baptisé « Modularità Expressiva », Panerai permet à ses clients de s’immerger dans l’univers de la marque autrement : via du mobilier italien donc et aussi avec le Laboratorio di idee, un mur parsemé de hublots qui « permettent aux visiteurs de toucher les créations et de découvrir la philosophie de Panerai à l’origine de la réalisation et du développement innovant et durable de nouveaux matériaux et mouvements », explique Alvaro Maggini, le directeur artistique de la marque. C’est ludique et inclusif.
Ce modèle hybride de retail a séduit de nombreux acteurs du secteur. IWC convie de la sorte ses clients à boucler leur ceinture dans l’IWC Racing Mercedes 300 SL au sein de sa boutique de Zurich (David Coultard et Bernd Schneider ont posé leurs mains sur le volant, excusez du peu) et à la conduire via la réalité virtuelle.
Dans un autre registre, TAG Heuer mise sur un concept-store. Avec « Drive Me Crazy », elle a installé une station-service en plein cœur du Bon Marché à Paris et capitalisé sur le double intérêt du propos : éveiller la curiosité du consommateur par son côté immédiat et éphémère. Et que dire de Tudor qui a installé un distributeur de montre dans son pop-up store de 237m² sur les Champs Elysées ?
Ruse d’approche
La mue s’est faite en plusieurs étapes, sous différentes formes. Elle a débuté quand les grands groupes – Richemont, Swatch Group, LVMH, PPR (désormais Kering) – ont racheté les marques horlogères dans les années 1990/2000 et ont supprimé les intermédiaires, agents et détaillants. Des boutiques en nom propres ont alors vu le jour un peu partout dans villes et quartiers stratégiques, rendant possible la relation directe avec le client.
Ce moyen de créer du lien a évolué avec deux faits : l’avènement d’une clientèle très connectée et la pandémie. Les millennials, qui représenteront 45 % des clients du luxe en 2025 (chiffres du Cabinet Bain & Co), sont devenus en quelques années les nouveaux prescripteurs de tendances. Le Covid-19 s’est ensuite invité dans les réflexions autour de la consommation, suggérant que celle-ci soit plus fondamentale, comme une quête d’épanouissement de soi. Défiées, les marques ont donc réagi.
Exit la boutique très chic, feutrée, prolongement luxueux de la manufacture et synonyme de préciosité autant que d’angoisse. Pousser l’immense (et très lourde) porte d’entrée n’est désormais plus source de stress – « Suis-je bien habillé ? Ai-je les codes pour me comporter ? » – puisque la relation commerciale est désormais supplantée par l’expérientiel.
Le digital est l’un des supports et l’un des moyens de ce luxe, comme dans la boutique new-yorkaise de Vacheron Constantin où le visiteur découvre l’histoire de la marque à la croix de Malte sur grand écran grâce au Chronogram, un outil développé par l’EPFL (l’Ecole Polytechnique de Lausanne) reliant monde virtuel et réel. L’autre levier, c’est l’humain. Dans ces lieux, il est question de rencontres. Le vendeur est un ami (professionnel), le client est un hôte (solvable). Et, si l’échange se conclut par une transaction, c’est que les deux parties ont réussi, pour l’un à faire passer et, pour l’autre à ressentir, ce Graal du luxe en 2022 : de l’émotion.
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