Voyage
Entre gastronomie, architecture, arts et audiovisuel, c’est dans le quartier de Palermo Hollywood que se dessinent les tendances cosmopolites qui marquent Buenos Aires.
Il est un quartier de la capitale argentine où le monde entier se donne rendez-vous, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Palermo Hollywood est un petit jardin d’exotisme chic et de cosmopolitisme exacerbé à Buenos Aires. Ses rues pavées, son enchevêtrement de tours modernes et de vieilles façades de maisons basses, ses vitrines opulentes et sa poignée de commerces d’antan. Ses trottoirs en travaux, qui témoignent de continuels investissements immobiliers et viennent rompre la quiétude de ses rues, épargnées par la fureur des grandes avenues…
Le tableau invite à se frayer un chemin entre les us et coutumes branchés du village planétaire et les vestiges d’une ville qui se modernise manzana por manzana (pâté de maisons par pâté de maisons). La promesse d’un quartier qui bouge a été formulée dès la fin des années 90 par une poignée de jeunes entrepreneurs. Parmi eux, Darío Muhafara, 47 ans, patron du restaurant Green Bamboo, autour duquel ont poussé, depuis, plusieurs échoppes et cafés hipster.
En 1999, Darío Muhafara revient tout juste des États-Unis, où il était parti étudier le design graphique : « À New York, les quartiers qui allaient devenir branchés, ça se sentait, ça flottait dans l’air. À mon retour, je me suis dit qu’on pouvait faire quelque chose à notre mesure. » Après une étude de marché et grâce au concours de l’ambassade du Viêtnam, ce qui devait être un bar à sushi se mue finalement en un restaurant spécialisé dans la gastronomie du Sud-Est asiatique.
C’est sur ce genre de paris culturels que se construit l’esprit audacieux de Palermo Hollywood, car, à cette époque, l’offre gastronomique de Buenos Aires se limite à la viande, la pizza et les pâtes. Le régime alimentaire du pays des gauchos et ses influences italiennes dans toute sa splendeur ! Pionnier parmi les pionniers, le restaurant Christophe, ouvert de 1997 à 2009, a fait du chef français Christophe Krywonis une star locale.
À Buenos Aires, les nuits sans fin de Palermo Hollywood
Amorcée par l’installation de restaurants exotiques, bars branchés et autres commerces disruptifs, la mutation du quartier s’accélère avec la formation d’un district audiovisuel. América TV est la première chaîne à s’y installer, au milieu des années 90. Elle sera suivie par des dizaines de chaînes de télé, de radio et de maisons de production cinématographique et musicale, incitées à prendre racine par les avantages fiscaux offerts par la municipalité.
« Nous nous sommes mis à parler de Palermo Hollywood quand les rues ont commencé à se remplir de célébrités », se souvient Mercedes Jerkovic, 40 ans, qui a géré pendant onze ans une auberge de jeunesse à deux pas d’América TV. La jeune femme a grandi dans le quartier, puis a surfé sur sa vague créative, en évoluant dans les secteurs du tourisme et de la publicité. « À Palermo Hollywood, tu peux passer trois ou quatre castings par jour explique-t-elle. Il y a les plus belles vitrines de magasin, les gens sortent très lookés. Les tendances qui se répandent dans Buenos Aires et dans tout le pays germent ici. »
Cet écosystème jeune et branché a aussi placé le quartier à la pointe des loisirs nocturnes. Portègnes et étrangers aiment s’y perdre pour mieux se (re)trouver. Dans son album Palermo Hollywood, sorti en 2016, Benjamin Biolay déclare son amour aux nuits sans fin de ce bout de Buenos Aires où il a résidé plusieurs années : « Le jour se lève enfin sur Palermo Hollywood / Ou Palermo Soho / Que sais-je / Ma tête tourne / Je pourrais me coucher peut-être / Mais j’ai de l’amour plein la tête / Je pourrais me coucher peut-être / Mais j’ai peur de ne pas renaître. »
Si Benjamin Biolay s’y perd un peu, entre Soho et Hollywood, c’est que ces deux « Palermo » sont seulement séparés par l’avenue Juan Bautista Justo, que les fêtards traversent dans un sens ou un autre (presque) sans s’en rendre compte. La marque se vend et se décline à l’infini : Palermo Viejo, Alto, Botánico…
Palermo Hollywood compte parmi ses atouts un éclectisme architectural grandissant.
L’immeuble Summers, signé du bureau d’étude français Architecturestudio, a récemment remporté le grand prix Afex. Cette tour vitrée se fera une place dans la calle Soler où, comme dans les rues voisines, poussent des immeubles modernes et sobres, aux façades de béton, ornées de grandes surfaces vitrées.
C’est toutefois au cœur des maisons chorizo (saucisse), datant de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, que se cache son âme. Leur construction tout en long contribue aujourd’hui encore à cet harmonieux agencement entre le neuf et l’ancien qui fait le charme des lieux. « Parmi les maisons chorizo, celles qui sont situées au milieu de la rue sont en général beaucoup plus profondes (jusqu’à 50 mètres) que celles situées aux croisements de deux rues », explique Gustavo Bianchi, 32 ans, architecte et résident de Palermo Hollywood. Résultat ? « Il n’y a quasiment pas de tours aux angles des rues, ce qui conserve une bonne luminosité et laisse la place aux terrasses des bars et des restaurants. » La preuve irréfutable que la dolce vita de Palermo se nourrit de ce mariage entre tradition et modernité.
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