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La marque suédoise, coentreprise de Volvo et de son propriétaire chinois Geely, arrive sur le marché automobile électrique avec de grandes ambitions. Son usine ultramoderne de Chengdu illustre le positionnement durable que ses modèles cherchent à refléter. Un concurrent sérieux pour Tesla ?
Le visiteur a l’impression d’approcher d’un musée dessiné par un architecte star. D’un de ces endroits à la gloire du design qui essaiment dans les métropoles du monde entier. Des courbes parfaites, une harmonie de blancs et de sombres et même un jardin de pierre et de grès qui semble dédié à la méditation. On le dirait japonais s’il n’était situé en Chine, à Chengdu, dans l’usine ultracontemporaine de Polestar, conçue par le cabinet norvégien Snøhetta et inaugurée en août 2019.
Ce néoconstructeur encore méconnu fait de ce site industriel très XXIe siècle une vitrine de sa conquête du marché prometteur de l’électrique. Ici, dans une mégalopole développée autour de l’électronique et de la technologie, sort de ses chaînes d’assemblage robotisées, aussi propres qu’un atelier de haute joaillerie, un coupé GT hautes performances doté d’une carrosserie en fibre de carbone.
C’est la Polestar 1, une hybride rechargeable affichant une autonomie inédite en mode tout électrique de 124 kilomètres (normes WLTP). Son prix se révèle résolument élevé, au-delà de 150 000 euros, et toute ressemblance avec le Roadster – qui avait propulsé Tesla sur la scène automobile il y a une douzaine d’années – n’est pas fortuite. Le challenger reproduit un schéma maintenant éprouvé : proposer d’abord un véhicule de niche à petits volumes et forte marge, avant de maîtriser la production à plus grande échelle de modèles plus abordables.
Moyens chinois, expertise suédoise
Ce rôle est dévolu à la Polestar 2 dont la production a commencé en mars dernier, après le déconfinement des principales régions chinoises. Elle est fabriquée sur le site de Luqiao, dans le Zhejiang, province du miracle économique chinois avec ses sociétés mondiales telles le géant Alibaba. Symbolique de la coentreprise que constitue Polestar, l’usine appartient à Geely et elle est exploitée par Volvo.
En substance, les moyens (importants) sont chinois, l’expertise (électrique) est suédoise, dans un équilibre qui a fait le succès du mariage entre les deux constructeurs depuis dix ans. Les équipes de Volvo conçoivent et développent les véhicules ; l’assemblage bénéficie des synergies générées par Geely. « Le fait de pouvoir produire à Luqiao signifie que nous sommes en mesure de mettre sur le marché un véhicule avec des normes de qualité élevées dès le début », commentait en mars Thomas Ingenlath, le patron de Polestar.
Longtemps responsable du design de Volvo, cet Allemand de 56 ans, nommé en juin 2017, porte la grande ambition de faire d’un modeste préparateur de voitures de sport – le début de la saga suédoise de Polestar dans les années 90 – une marque à part entière dédiée à la mobilité électrique.
Un habitacle garanti végan
La Polestar 2, berline familiale, offre une autonomie de 470 kilomètres. Commercialisée selon les marchés à des tarifs compris entre 55 000 et 60 000 euros, peu ou prou le prix de la Model 3 de Tesla, son pack performance optionnel comprend notamment des bouchons de valves dorés… Une fantaisie moins convaincante que son système d’infodivertissement fonctionnant entièrement sous Android, avec tous les services Google associés.
Au-delà de Maps pour la navigation, le Play Store permet de télécharger, comme sur un smartphone, des applications de radio, de podcast ou de musique qui peuvent être commandées vocalement. « Les clients bénéficient d’une voiture qui s’intègre parfaitement dans leur vie numérique, insiste Thomas Ingenlath. En nous associant à Google, nous nous assurons que le système restera ouvert. Les développeurs peuvent adapter les applications et en créer de nouvelles. »
Partageant à Luqiao la plate-forme du XC40 Recharge, la Polestar 2 hérite de Volvo sa culture de la sécurité, ses systèmes avancés d’assistance à la conduite ou de détection des piétons : la protection des batteries a ainsi été soignée en cas de collision en les logeant dans un boîtier en aluminium. La nouvelle marque peut également compter sur l’image de durabilité de Volvo : l’habitacle est garanti végan, l’option cuir pour les sièges n’est donc plus négociable !
Mieux, les concepteurs de Polestar travaillent sur des matériaux recyclés, comme les housses à base de bouteilles en PET ou les coussins des appuis-tête à partir de liège issu de l’industrie vinicole. Avec un prestataire suisse, Bcomp, ils mettent au point un composite naturel à base de lin qui doit remplacer 80 % des plastiques à l’avenir.
« Pour être vraiment durables, nous devons évaluer chaque élément de nos voitures. C’est bien plus qu’une question de motorisation électrique », justifie Maximilian Missoni, le responsable de la conception. Pour le consultant Philippe Chain, ancien vice-président de Tesla et aujourd’hui cofondateur de Verkor, un fabricant français de batteries, « le modèle d’entreprise de Polestar se montre intéressant. Ils sont partis d’une feuille blanche tout en s’appuyant sur des constructeurs installés : d’un côté, les ressources en ingénierie de Volvo et, de l’autre, la puissance et l’efficacité de Geely qui a une vision très précise du marché. C’est peut-être une troisième voie entre Tesla et les constructeurs historiques. Attention toutefois à rester innovant. »
Precept, l’avenir de Polestar
Le concept-car haut de gamme Precept, qui devait être présenté au dernier Salon de Genève finalement annulé, semble confirmer l’impératif d’innovation : il faut le comprendre comme un précepte, un manifeste de ce qui est à venir chez Polestar. A l’instar du système de suivi des yeux du conducteur qui ajuste la présentation des informations sur les écrans selon l’angle du regard.
« Nous ne montrons pas encore nos modèles futurs, mais nous indiquons la direction que nous allons prendre, nos ambitions en matière de durabilité et d’expérience numérique. Ce n’est pas un film de science- fiction, il s’agit de notre réalité à venir », assure pompeusement la marque. Initiative plutôt maline, Polestar a lancé un concours annuel pour imaginer la voiture du futur, ouvert aux étudiants comme aux professionnels.
Les candidats envoient leur proposition sous forme de croquis ou d’image numérique. Les présélectionnés développeront leur création avec l’aide du service de design de la marque, avant que les vainqueurs soient invités à réaliser une maquette à l’échelle 1/3 au siège de Göteborg. « Nous voulons inciter les concepteurs talentueux à repousser les limites et à penser dans de nouvelles directions, comme nous le faisons », explique Maximilian Missoni.
L’activisme de ce nouvel acteur se retrouve dans le partenariat scellé avec la jeune marque de vélos électriques suédoise Cake, au design très scandinave, ou dans le lancement d’une journée mondiale de la voiture électrique, dont la première édition s’est déroulée le 9 septembre. « Nous devons progresser sur la voie d’un avenir plus durable, professe le patron de la jeune firme suédoise. Et cette journée mondiale représente une belle occasion pour nous de partager notre message et de servir de guide à l’industrie automobile. »
Polestar veut affrmer son engagement d’entreprise quand Tesla est surtout incarné par son guide Elon Musk. En août, le mois de son lancement, la Polestar 2 s’est mieux vendue que la Tesla Model 3 en Norvège, le marché étalon de l’électrique en Europe. Il faudra attendre un contexte moins chaotique pour assurer que l’Américain tient là un sérieux concurrent.
Polestar, un lancement en France fin 2021
Le parcours d’achat de la voiture se veut en tout cas exclusivement numérique, avec livraison du véhicule à domicile. La vente en ligne n’interdit pas les espaces physiques, éphémères souvent et au design minimaliste, qui flirtent davantage avec les Apple Store ou les boutiques Nespresso. Celui de Bergen, la deuxième ville de Norvège, a été installé dans le hall de la salle de concert Edvard Grieg. Une cinquantaine seront ouverts d’ici à la fin de l’année en fonction des marchés.
Polestar insiste : les agents qui accueillent les visiteurs ne sont pas commissionnés comme un vendeur dans une concession habituelle. Sweat à capuche en guise de costume et baskets aux pieds, ils sont là uniquement pour le conseil. Au total, dix marchés ont été retenus pour le lancement, avec la Chine et l’Amérique du Nord. En Europe, après la Suède et la Norvège, suivront l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Aucune date n’a été annoncée pour la France, qui viendrait fin 2021.
D’ici là, l’opus 3 de la marque aura sans doute été dévoilé. Pour refaire en accéléré l’histoire de Tesla, ce devrait être sans surprise un SUV, accessoirement le segment le plus dynamique de l’industrie automobile. Et c’est bien dans cette cour des grands que Polestar compte évoluer.
Dates clés
• 1996 : à l’origine écurie de course indépendante, Polestar est choisie comme écurie d’usine par Volvo.
• 2009 : Polestar devient le préparateur officiel de Volvo pour des versions sportives de ses modèles, à l’instar de ce qu’AMG représente pour Mercedes-Benz.
• 2015 : rachat de Polestar par Volvo pour en faire une marque à part entière dédiée aux voitures électriques performantes.
• 2016 : concepts Volvo 40.1 et 40.2, dont l’évolution donnera le SUV XC40 de la marque suédoise et la Polestar 2.
• 2017 : lancement de la Polestar 1, coupé de grand tourisme hybride rechargeable produite en quantité limitée.
• 2019 : avant-première mondiale de la berline compacte Polestar 2, à l’occasion du Salon de Genève.
• 2020 : premières livraisons en août de la Polestar 2 en Suède et en Norvège.
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