Voyage
Ce fut l’un des lieux les plus mythiques de Miami, dans les années 30, puis 50… Après l’heure du déclin, voici celle de la renaissance. Bienvenue dans le spot le plus élégant de North Miami Beach, mis en scène par le designer français Joseph Dirand.
Le soleil se lève à l’est. C’est justement face à l’océan, sur la côte est de Miami Beach, que se trouve le Four Seasons at the Surf Club. Et lorsque le soleil se lève face à l’une de ses chambres, il joue avec les reliefs des murs et des plafonds, il accroche les matières des meubles, teintant leur blancheur d’un peu d’or avant de les éclabousser de son ardeur.
Le décalage horaire a pour avantage de vous permettre de profiter de ce splendide spectacle. C’est ce soleil toujours brillant que tous viennent chercher ici, et ce depuis longtemps. Le soleil le jour, et la fête la nuit. Une formule qui prévaut encore aujourd’hui.
Le Surf Club est né en 1930. Inauguré précisément la veille du jour de l’an. Pas nécessairement une bonne année pour l’Amérique, alors à l’aube de la grande dépression. Mais qu’importe, on y fait la fête et, malgré la prohibition, l’alcool coule toujours à flots au Surf Club, acheminé par les contrebandiers.
A la tête de ce club de plage très sélect, qui fut longtemps interdit aux Juifs et aux Noirs : Harvey Firestone (celui des pneus) qui repère, depuis son yacht, ce terrain inoccupé et à distance des institutions déjà en place à South Beach. Il imagine un club dans lequel ses riches amis et lui seraient libérés de toute contrainte.
Il commence par y faire construire une grande bâtisse de style méditerranéen, avec restaurant, lounge, piscine, et y installe des rangées de cabanas, des ministudios de plage meublés et décorés, situés en dessous et sur les côtés du bâtiment. On s’y abrite du soleil, on s’y change, on y fait une sieste, on y boit et mange, ou, comme Winston Churchill dans les années 40, on y peint.
Les soirées sont grandioses et à thèmes : vénitienne avec un palais des Doges reconstitué au bord de la piscine, fête foraine avec une grande roue, indienne avec des éléphants, hawaïenne ou chercheurs d’or… Même durant la guerre, le Surf Club, alors réquisitionné par l’armée, ne perd rien de son glamour, et ce sont le duc et la duchesse de Windsor qui, en quelque sorte, l’adoubent par leur présence.
Frank Sinatra, Dean Martin, Elizabeth Taylor, Bob Hope… la liste de ses hôtes prestigieux est trop longue pour les citer tous. L’heure de gloire du Surf Club dure jusque dans les années 70. Puis c’est un lent déclin qui commence – comme pour tout Miami Beach –, et il devient difficile de maintenir le lustre des lieux.
En 2012, l’homme d’affaires Nadim Ashi et ses partenaires le rachètent à ses 122 membres propriétaires. Auprès de la commission de préservation du patrimoine, Nadim Ashi présente son projet de construction d’hôtel et de résidences en promettant d’épargner le bâtiment d’origine. Mieux, pour le mettre en valeur, il défend l’idée d’un écrin de verre dessiné par l’architecte newyorkais Richard Meier. Finalement, ce seront trois édifices qui encadreront le Surf Club original, un pour les 77 chambres de l’hôtel, et les deux autres pour des appartements, dont le prix oscille aujourd’hui entre 5 et 22 millions de dollars (30 millions pour les penthouses…). Enfin, il persuade Four Seasons de fournir les services hôteliers haut de gamme que requiert le site.
Un dimanche soir au Four Seasons
L’hôtel est calme, en ce dimanche soir d’automne. Dans la salle du restaurant italien Le Sirenuse sont attablés quelques familles en vacances, des amoureux en sortie, des couples d’amis. Pour certains, c’est une grande occasion, pour d’autres, propriétaires d’un appartement, une routine.
Un enfant rechigne à manger ses pâtes, sa mère se contentant d’un énorme saladier de verdure, un ado se régale d’huîtres, une jeune femme au décolleté plongeant écoute attentivement les conseils du sommelier. L’ambiance est feutrée, le service, diligent. Le décor, est signé par le chic-issime designer français Joseph Dirand. Sous les hauts plafonds d’origine, il y décline les codes d’une grande salle de restaurant méditerranéen, dans une forme contemporaine. Quelques subtiles références à l’Art déco, des tons de verts qui s’accordent au bleu de l’océan et à la jolie lumière de Miami.
Un club dans le club
Aucun tape-à-l’œil, aucune surcharge, les vastes espaces se traversent autant en sandales qu’en talons hauts. Direction la plage, où ne se trouve que le minimum de chaises longues et de parasols – on y est bien plus au calme qu’à South Beach.
On peut choisir aussi l’une des piscines avec, pourquoi pas, un accès à l’un des ministudios équipés d’un salon et d’une salle de bains. Les enfants ont droit à un Kid’s Club de rêve, les grands, à un très beau spa baigné de lumière naturelle. Plus tard, c’est autour d’un Negroni ou d’un Mangareva (cocktail historique du Surf Club) qu’on se retrouve au bar du Sirenuse, avant de dîner dans le restaurant flambant neuf de Thomas Keller. Le chef américain, qui a cédé aux avances de Nadim Ashi, a ouvert ici une table très courue.
Enfin, une partie du bâtiment ancien sera bientôt mise à la disposition des membres d’un nouveau Surf Club. Un club dans le club, en quelque sorte, pour des adhérents triés sur le volet. L’exclusivité n’a pas de prix… ou presque. Du moins en ignore-t-on encore le montant.
Malgré ce grand luxe, de l’ancien Surf Club subsiste l’esprit de villégiature relaxe qui sied à un resort de bord de mer. Cela tient au charme de cette demeure élégante dont les éléments principaux ont été préservés, à la justesse de son design d’aujourd’hui et à la qualité de son service. Et puis, il y a au Surf Club, comme dans quelques autres hôtels mythiques de Miami, cette impalpable et bienveillante présence de prestigieux fantômes du passé.
Four Seasons Hotel at the Surf Club
9011 Collins Avenue, Surfside, Miami.
Tél. +1 (305) 381-3333.
www.fourseasons.com