×
The Good Factory : Vacheron Constantin, l’ultrachic manufacture
The Good Factory : Vacheron Constantin, l’ultrachic manufacture
jchassagne

The Good Business

The Good Factory : Vacheron Constantin, l’ultrachic manufacture

The Good Business

Plus ancienne manufacture horlogère au monde, la genevoise Vacheron Constantin a développé une manière très particulière de concevoir les montres. Une façon de raconter des histoires à travers la mécanique et les métiers d’art. Plongée dans cet univers à part, où les objets sont plus précieux que leur valeur marchande.

Un néophyte dirait que c’est une usine de montres. De ce sculptural bâtiment de Planles- Ouates, dans la périphérie genevoise, sortent entre 20 000 et 26 000 pièces par an, selon qu’on s’appuie sur l’étude 2017 de Vontobel ou sur celle de Morgan Stanley – le chiffre exact reste secret, comme beaucoup de choses dans l’horlogerie suisse. Un érudit pourrait ajouter qu’elle est la manufacture horlogère la plus ancienne au monde à ne jamais s’être arrêtée. Fondée en 1755 par Jean- Marc Vacheron, elle fut longtemps établie au cœur de Genève, avant que ne soit construit son nouveau siège international, en 2004.

Elle a aujourd’hui pour voisines directes Piaget, Patek Philippe ou encore Harry Winston. Un connaisseur préciserait sans hésiter que Vacheron Constantin est une fabrique de rêves. Ou plutôt de substance onirique, ce supplément d’âme capable de rendre désirable une mécanique ordinairement si froide, de faire d’une montre un objet bien plus précieux que sa valeur marchande.

Le siège de Vacheron Constantin à Plan-les-Ouates, dans la périphérie genevoise, a été inauguré en 2004. Les 17 000 m2 d’acier, de bois et de verre abritent la quasi-totalité des métiers de la montre, soit une quarantaine de professions.
Le siège de Vacheron Constantin à Plan-les-Ouates, dans la périphérie genevoise, a été inauguré en 2004. Les 17 000 m2 d’acier, de bois et de verre abritent la quasi-totalité des métiers de la montre, soit une quarantaine de professions. MAUD GUYE

Un défi de tous les instants, qui demande des compétences et des talents jalousement protégés. Rachetée par le groupe Richemont en 1996, l’entreprise fut l’une des premières à afficher sa volonté de redéployer l’ensemble des savoir-faire horlogers acquis depuis le XVIe siècle, souvent perdus au détour de la crise du quartz des années 70.

Sur 17 000 m2 d’acier, de bois et de verre, la manufacture accueille aujourd’hui la quasi-totalité des métiers de la montre, soit une quarantaine de professions. Y compris la fabrication des spiraux, ces fameux petits cœurs mécaniques que seule une poignée de marques est capable de maîtriser. Au rythme de 500 millions d’oscillations par an, faire en sorte que ce frêle ressort conserve son intégrité et ses propriétés n’est pas une mince affaire.

Maintenue durant des décennies, cette ligne stratégique a fait de Vacheron Constantin une manufacture verticalisée, c’est-à-dire autonome. Le siège de Plan-les-Ouates abrite l’administration, la création, la R&D, la formation ainsi que les départements Patrimoine, Service clients et Restauration. La production, quant à elle, se partage en deux zones bien distinctes : la réalisation et la décoration des composants du mouvement de la montre – une étape que l’on nomme, dans le jargon horloger, « les copeaux » ; et l’assemblage de ces éléments qui, lui, requiert une atmosphère contrôlée, de manière à bannir tout grain de poussière. Deux ambiances, deux univers même, si différents et pourtant si intimement liés.

Tous les composants, même invisibles à l’oeil, sont embellis. Le soin extrême porté aux finitions n’est pas seulement une question de beauté, mais aussi une façon de garantir la perfection technique. Les différents éléments constitutifs du mouvement prennent ainsi des semaines à parvenir aux ateliers d’assemblage.
Tous les composants, même invisibles à l’oeil, sont embellis. Le soin extrême porté aux finitions n’est pas seulement une question de beauté, mais aussi une façon de garantir la perfection technique. Les différents éléments constitutifs du mouvement prennent ainsi des semaines à parvenir aux ateliers d’assemblage. DR

Dans un environnement très mécanisé, le département Manufacturing façonne ainsi quelque 700 000 composants par an, de quoi réaliser 5 000 mouvements. Le reste provient de la vallée de Joux, haut lieu de l’horlogerie suisse, où Vacheron Constantin possède une deuxième manufacture. Si les opérations de découpe et de fraisage sont effectuées automatiquement par les machines les plus modernes, les différentes terminaisons nécessitent, à ce stade déjà, de grands savoir-faire : pignons, roues dentées et ponts sont polis manuellement, de manière à éliminer la moindre trace d’usinage.

Certaines petites mains habiles et patientes peuvent ainsi passer jusqu’à une heure à frotter un élément sur une plaque de verre recouverte d’une feuille diamantée. Toutes les surfaces sont ainsi travaillées, jusqu’aux dentelures qui reçoivent le traitement d’une meule en bois de poirier, pour un rendu brillant parfait.

Vacheron Constantin, la perfection technique

La décoration, elle aussi, fait l’objet d’une attention toute particulière. Chez Vacheron Constantin, tous les composants, même invisibles à l’œil, sont embellis. Le soin extrême porté aux finitions n’est pas seulement une question de beauté, mais aussi une façon de garantir la perfection technique.

Perlage, soleillage, colimaçonnage ou encore cerclage sont autant de méthodes pour capter la lumière de manière idéale, en jouant avec les contrastes. Quant aux arêtes, elles sont adoucies, c’est-à-dire anglées et polies, en rentrant les coins – une technique très difficile à réaliser. L’anglage d’une cage de tourbillon, une pièce de moins d’un gramme, peut ainsi prendre jusqu’à une semaine. Un métier à part entière.

Tous les composants, même invisibles à l’oeil, sont embellis. Le soin extrême porté aux finitions n’est pas seulement une question de beauté, mais aussi une façon de garantir la perfection technique. Les différents éléments constitutifs du mouvement prennent ainsi des semaines à parvenir aux ateliers d’assemblage.
Tous les composants, même invisibles à l’oeil, sont embellis. Le soin extrême porté aux finitions n’est pas seulement une question de beauté, mais aussi une façon de garantir la perfection technique. Les différents éléments constitutifs du mouvement prennent ainsi des semaines à parvenir aux ateliers d’assemblage. DR

Quelle que soit leur nature, les différents éléments constitutifs du mouvement prennent ainsi des semaines à parvenir aux ateliers d’assemblage. Ils y arrivent en kits, répartis dans des assortiments prédéfinis afin de faciliter le travail des horlogers. Il y a les spécialistes des chronotourbillons, ceux des complications ou des grandes complications… En ces lieux, ces dernières constituent la discipline reine.

Qu’il s’agisse d’une répétition minutes, d’un calibre extraplat ou d’une équation du temps, c’est chaque fois un unique horloger qui se charge de la construction complète d’une montre : dans une ambiance de monastère, le mouvement est d’abord monté en blanc, c’est-à-dire une première fois assemblé, avant d’être entièrement démonté. Les composants sont ensuite ajustés, puis réassemblés. L’étape se termine par une série de tests et l’emboîtage définitif, au bout de deux mois d’efforts.

Avant de s’en aller, les montres à sonnerie sont encore enregistrées, de manière à conserver leur signature sonore en cas de réparation ultérieure. Cette maîtrise s’épanouit également au sein du département Les Cabinotiers, saint des saints créé pour répondre aux demandes de pièces uniques et spéciales.

A gauche, les toutes nouvelles collections Fiftysix Automa tique (or rose 19 200 € et acier 11 600 €). A droite, Overseas Dual Time (acier 41 mm 24 400 € et or rose 41 mm 39 000 €). Des montres sportives et contemporaines.
A gauche, les toutes nouvelles collections Fiftysix Automa tique (or rose 19 200 € et acier 11 600 €). A droite, Overseas Dual Time (acier 41 mm 24 400 € et or rose 41 mm 39 000 €). Des montres sportives et contemporaines. DR

A l’image des maîtres horlogers genevois qui, au XVIIIe siècle, recevaient dans leur « cabinet » les puissants de ce monde et de riches mécènes venus passer commande, la manufacture ne refuse aucune requête, aucun défi. C’est de cet atelier hors du commun qu’est sortie la Référence 57260, montre la plus compliquée jamais réalisée. Présentée au public en 2015, à l’occasion des 260 ans de la marque, cette commande d’un collectionneur américain réunit pas moins de 57 fonctions, parmi lesquelles des développements techniques auparavant inimaginables.

Ce garde-temps de 2 826 composants intègre, par exemple, un calendrier perpétuel hébraïque, une carte stellaire du lieu de domicile du commanditaire ou encore un calendrier ISO 8601 utilisé dans les affaires et la finance internationale. Huit années de développements et la contribution de trois maîtres horlogers ont été nécessaires à cette réalisation.

Expertise mécanique et artistique

Mais chez Vacheron Constantin, la mécanique n’est pas tout. Il y a plus de vingt ans, la marque s’est mise à raconter des histoires, de celles qui créent des liens, qui jettent des ponts à travers le temps et les civilisations. Une création de sens, propre à tisser des liens émotionnels avec les clients, qui tous décèlent dans leur garde-temps, fût-il de série, une énergie très particulière.

Et quel meilleur vecteur, pour exprimer ce matériel humain, que les métiers d’art ? Dans les années 90, la manufacture est ainsi l’une des premières à remettre au goût du jour des techniques ancestrales comme l’émail, la peinture miniature, la gravure ou le guillochage.

Dans les années 90, la manufacture est l’une des premières à remettre au goût du jour des techniques ancestrales, comme le guillochage.
Dans les années 90, la manufacture est l’une des premières à remettre au goût du jour des techniques ancestrales, comme le guillochage. DR

Une initiative qui donnera naissance, en 2006, à la collection Métiers d’Art. Véritable fenêtre sur le monde, grande bouffée d’oxygène, elle sera unanimement saluée par les collectionneurs et éveillera l’intérêt au-delà même du cercle de l’horlogerie. Parmi des dizaines de créations, on se souvient de la série Les Masques (2007) – reproduction en gravure miniature de masques primitifs issus des collections du musée Barbier-Mueller, à Genève –, de La Symbolique des Laques (2010) – qui consacre l’art du Maki‑e, mêlant laque japonaise et poudre d’or –, ou encore des Aérostiers (2018) – gravure des cinq ballons à air chaud les plus célèbres des pionniers du XVIIIe siècle.

La collection Métiers d’Art a vu le jour en 2006. Dernière en date, la série Les Aérostiers a été lancée en 2018. Elle reproduit en gravure les cinq ballons à air chaud les plus célèbres des pionniers du XVIIIe siècle (ici, le Bagnols 1785).
La collection Métiers d’Art a vu le jour en 2006. Dernière en date, la série Les Aérostiers a été lancée en 2018. Elle reproduit en gravure les cinq ballons à air chaud les plus célèbres des pionniers du XVIIIe siècle (ici, le Bagnols 1785). DR

Vendre une montre a de tout temps été une gageure : complexe, délicat et cher, l’objet reste le plus souvent confiné dans sa vitrine, à l’abri des traces de doigts et des tentations indélicates.

Avec cet assemblage harmonieux d’expertises mécanique et artistique, Vacheron Constantin s’est taillé une place à part dans le petit monde de la haute horlogerie helvétique, en parvenant à réconcilier mécanique et aventure humaine. C’est tout ce qui fait l’âme de cette très belle marque.


Voir plus d’articles sur le sujet
Continuer la lecture