Voyage
Restauration de l’existant, recréation de ce qui avait disparu, remise aux normes… Après quatre ans de travaux, le joyau de Saint-Germain-des-Prés, dans le 6e arrondissement de Paris, seul grand hôtel de la rive gauche, a rouvert ses portes. Jean-Michel Wilmotte et Perrot & Richard Architectes ont effectué ici un travail approfondi sur la mémoire.
Le travail fut colossal, et finalement payant. Mais il fut surtout architectural, car il s’agissait de redonner à ce paquebot échoué boulevard Raspail (et devenu propriété de The Set Hotels, un groupe israélien également propriétaire du Café Royal à Londres et du Conservatorium à Amsterdam), non pas l’élégance qu’il n’avait jamais vraiment perdue, mais surtout sa lumière, afin de l’inscrire dans le catalogue des grands hôtels d’aujourd’hui.
Premier impératif, la lumière, donc, qui faisait cruellement défaut. Elle a surtout été retravaillée au rez-de-chaussée par la création, entre autres, d’un patio qui relie le salon Saint-Germain, la bibliothèque et le restaurant L’Orangerie. « La brasserie, qui ouvrira cet automne, est également un espace important de l’hôtel, indique Jean-Michel Wilmotte. Nous y avons retrouvé la double hauteur sous plafond qui existait à l’origine du bâtiment. »
Deuxième chantier, et pas des moindres : une nouvelle circulation, avec une réorganisation du lobby et la création d’espaces de vie. Quant au troisième challenge, il consistait à mettre le Lutetia aux normes – y compris écologiques – de la réglementation actuelle, en gérant l’énergie et le recyclage des eaux, ce qui ne fut pas une mince affaire.
Restait la restauration des peintures décoratives, des fresques, des mosaïques, qui avaient disparu sous des dizaines de couches de peinture, des sculptures et des vitraux qui font partie de la légende du lieu, sachant que ce dernier oscillait, dès l’origine, entre Art nouveau et Art déco. Un véritable travail d’orfèvrerie afin de changer le décor tout en gardant son esprit.
« Nous avons découvert le travail magnifique d’ornementation réalisé sur les fenêtres, les corniches et les balustres, reprend Wilmotte. C’est comme si nous avions retrouvé un morceau de l’histoire du bâtiment de 1910. Le reste, nous l’avons inventé. » Il a été magique d’exhumer, dans le Bar Joséphine (autrefois salon Borghèse), la fresque du peintre et décorateur français Adrien Karbowsky (1855-1945), dont la restauration a été assurée par l’Atelier de Ricou. Dix-sept mille heures de travail… « C’est l’artiste qui me touche le plus, avoue Alain-Charles Perrot. Ses fresques ont créé la vie, ramené la nature, les oiseaux. Tout ce qui anime les salons et crée une continuité entre les décors de façade et les intérieurs. »
Esprit rive gauche
Le restaurant le Saint-Germain est le lieu mythique de l’hôtel, avec le bar Joséphine. La brasserie Le Lutetia, avec Gérald Passédat aux commandes, n’ouvrira que début 2019. Sous la magnifique verrière peinte par Francis Hyber, le mur bibliothèque sert de repère : on est à Saint-germain ! Le bleu est très Wilmotte, avec une interprétation maîtrisée des codes Art déco. La cuisine ne se prend pas la tête, avec l’incontournable club‑sandwich (appelé ici le Club Raspail) ou une délicieuse volaille pochée aux asperges. Les desserts à tomber sont signés Gaëtan Fiard, vainqueur du mondial des arts sucrés en 2014. Belle table ! L. B.
Fresques bucoliques et palette marine
Même spectaculaire remise en lumière pour les vitraux, assurée par les Ateliers Duchemin, selon une technique qui remonte au Moyen Age. Et surtout pour les frises et les bas-reliefs de la galerie du rez-de-chaussée. Comme à l’époque de sa création, on a commandé des œuvres pour l’hôtel à des artistes d’aujourd’hui, comme Fabrice Hyber, qui a réalisé la peinture onirique sur la verrière de style Eiffel du Saint-Germain, ou encore Jean Le Gac, qui raconte cent ans d’histoire sur les fresques qui décorent les colonnes de la future brasserie.
Autre point fort de la rénovation, les matières, dont le bois, et tout particulièrement l’eucalyptus, qui habille les espaces de circulation. Mais également le marbre de Calacatta pour les salles de bains et le bronze pour les chambres, dont le nombre est passé de 233 à 184, avec 47 suites, dont sept labellisées « Signature ».
Dans ces chambres dont les revêtements muraux ont été réalisés sur mesure par la société italienne Lema, c’est le bleu marine, la couleur fétiche de Jean-Michel Wilmotte, qui prédomine. Enfin, comme palace (appellation que l’hôtel obtiendra probablement vite) rime aujourd’hui avec bien-être, un spa Akasha et une piscine en marbre ont été créés au sous-sol, éclairé par un puits de lumière naturelle, celle de Saint- Germain-des-Prés… S. G.
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