Voyage
Minorque était encore un écrin auquel il manquait un joyau pour mettre en valeur ses secrets les mieux gardés. Véritable hôtel de charme au luxe ultradiscret, cette ancienne ferme est l’atout dont avait besoin la plus mystérieuse des îles des Baléares.
Dieu qu’elle est savoureuse, la première bouffée d’air au sortir de cet avion hors d’âge, digne d’un vol de nuit avec Saint-Exupéry ! Un passage obligé, sorte de rite initiatique, pour rejoindre l’île une fois la haute saison bouclée. On le savoure, on en redemande, de ce souffle moite, presque sucré, tout droit venu des terres, parfumé sur sa route de ces milliers d’essences si chères à Minorque.
A côté de ses grandes sœurs, Ibiza et Majorque, les plus extraverties de l’archipel, offertes en pâture aux touristes avides de soleil facile, la petite dernière a su se faire désirer, et comment ! Une nature luxuriante classée réserve mondiale de la biosphère par l’Unesco, en 1993 ; des liaisons aériennes plus que sporadiques avec le reste du monde ; quelques vagues hôtels à oublier, comme pour mieux repousser le touriste intrépide venu s’y aventurer…
Un écrin qui sublime le diamant
Il n’en fallait pas moins pour préserver de tels atouts : 200 kilomètres de côtes, des plages par dizaines, dont la plupart encore inexploitées, une mer couleur émeraude à faire pâlir les îles Turques-et-Caïques, le tout doré par un soleil presque éternel. Un soleil béni, même aux heures les plus chaudes de l’été, par ce perpétuel courant d’air venu caresser les sens, nous enveloppant tel un chant de sirène, si doux qu’on le croirait façonné sur mesure pour ne jamais nous laisser repartir. Ah ! Minorque !
Un paradis longtemps resté sauvage, comme un diamant laissé à l’état brut, dont seuls quelques curieux avaient osé s’approcher. Mais à quoi bon le brillant, sans l’écrin pour le sublimer ? la plage paradisiaque sous les tropiques, sans le parasol pour s’y abriter ? le décor de carte postale, sans l’hôtel pour s’y lover à deux ? De ce constat est né Torralbenc, le premier boutique- hôtel minorquin.
Une déco à l’image de l’île
L’histoire commence il y a onze ans. Une famille de riches vignerons de La Rioja – qui préserve encore jalousement son anonymat – débarque sur l’île pour découvrir les vertus de ce terroir à la réputation légendaire. Le soleil, la tramontane et la terre remplie d’oligoéléments apportés par la mer, omniprésente, auraient rendu ce sol prodigieux capable de donner vie à des raisins aux propriétés gustatives exceptionnelles.
Mais, plus que ces vignes bien ordonnées, gorgées de jus, entourées de ces murets impeccablement dressés si caractéristiques de l’île, c’est la finca (ferme) qui tape dans l’œil du vigneron. Cette grande bâtisse blanche aux murs épais, encore empreinte de l’âme des anciens propriétaires et de leurs paysans, domine les terres et les vignobles alentours.
La mer, en toile de fond, impose son bleu puissant. Il n’y a pas encore d’hôtel de luxe sur l’île, le businessman y voit une occasion unique, l’affaire est conclue. Un an et demi plus tard, Torralbenc ouvre ses portes, façonné à l’image de l’île, sans chichi et sans tape-à-l’oeil, par l’architecte Antonio Esteva, en sublimant simplement l’authentique, telle une goutte de No 5 de Chanel versée au creux du cou d’une Marilyn lascive.
Ici, rien n’est ostentatoire. La nature, demeurée reine sur ses terres, est prédominante, offrant au lieu une rare impression de sérénité. « Notre philosophie : faire de cet endroit un lieu de paix, de volupté et de luxe, sans bousculer ce qui existe depuis des millénaires », raconte Mária Abad Latorre, la directrice de l’hôtel, présente depuis le début du projet. « C’était à nous de nous adapter, de faire de chaque arbre, de chaque pièce et de chaque muret un élément du décor, afin que n’importe lequel de ces éléments participe au cocon que nous avons voulu recréer pour nos visiteurs. »
Paradis des sens
Le voyage sensoriel débute dès la descente du taxi. Happés par des effluves de lavande, d’oranger, puis de romarin, nous nous dirigeons vers le lobby, simplement guidés par nos sens. Sur le chemin, les anciennes mangeoires, transformées en fontaines d’un contemporain rare, se chargent de nous rappeler que le passé agricole n’est pas loin.
Dès qu’on arrive dans la maison principale, le vent prend le relais, s’engouffrant dans les pièces en enfilade d’un blanc immaculé, parsemées, çà et là, de voilages et de meubles d’époque en bois brut. A l’étage, l’ode à l’authenticité se poursuit dans les chambres. La suite des maîtres, surplombant les vignes, est restée dans son plus simple apparat : poutres anciennes, tons neutres, tissus fluides, terrasse minimaliste…
Seuls des détails comme le moelleux de l’oreiller et la puissance de la douche se chargent de nous rappeler qu’ici rien n’est laissé au hasard. « Le propriétaire ignorait tout des hôtels de luxe, si bien que nous avons confié la gestion du lieu aux spécialistes de la société Marugal. Dès la genèse du projet, ils sont intervenus pour que le confort en soit le cœur », souligne Mária Abad Latorre. Ici, une penderie éclairée dans laquelle sont suspendus de confortables peignoirs, là, une sonnette pour appeler le personnel qui exauce vos moindres souhaits dans la minute et, comble de l’enchantement, le petit déjeuner est servi à demeure dans un simple panier en osier empli des meilleurs produits de l’île, à déguster sur sa terrasse privée.
Autant d’attentions discrètement distillées qui rendent Torralbenc encore plus savoureux, prouvant derechef que si la communion entre la simplicité et le luxe existe, ce lieu en est l’essence même.
Torralbenc
Carretera Maó, Cala’n Porter, km 10,
Alaior, Menorca.
Tél. +34 971 37 72 11.
www.torralbenc.com
Le groupe Marugal
Créée en 2003 par Pablo Carrington, ancien consultant chez Roland Berger, rejoint par Edouard-Jean Daehn, diplômé de l’Ecole hôtelière de Lausanne, l’entreprise Marugal a fait des hôtels de luxe sa spécialité, de la conception du projet jusqu’à son exploitation au quotidien. Son créneau : concevoir des lieux uniques en leur genre pour le compte d’investisseurs privés. Outre ses adresses espagnoles – dont Torralbenc, Cap Rocat (Majorque), Gecko (Formentera), Urso et Totem (Madrid) –, Marugal a récemment mis un pied en France, avec le Relais de Chambord, l’hôtel-restaurant installé au coeur du domaine national de Chambord et dont la rénovation a été confiée à Jean-Michel Wilmotte.
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