Getaway
The Good Guide
Énième séjour ou premier week-end dans la Cité des Doges, on n’en reste pas moins à l’affût du bon carnet d’adresses sur place. Venise, droit au but.
La Biennale et la Mostra lui offrent, chaque année, un petit supplément d’âme. Et aux plus snobs, le prétexte tout trouvé pour céder à nouveau au charme de Venise un temps boudée pour son image tarte à la crème.
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Venise dans les règles de l’art
« Je reste insensible au ridicule d’écrire sur Venise, à l’heure où les centres nerveux du monde sont des lieux sauvages. […] Je me sens décharmé de toute la planète, sauf de Venise, sauf de Saint-Marc… » soutenait l’écrivain et diplomate Paul Morand, en 1971, dans Venises.
Une douzaine de séjours ne suffiraient pas à celui qui caresse l’espoir de connaître la ville jusque dans ses moindres recoins, heureusement. Il suffit d’expérimenter l’ivresse du décor cinématographique au soleil couchant, de se perdre dans le dédale de ruelles à la nuit tombée pour renoncer à vouloir percer la magie d’une cité composée d’une cent-vingtaine d’îles, de 177 canaux et 435 petits ponts.
Un séjour à Venise ressemble à une quête perpétuelle, avec son lot de frustrations – les recos se collectent au compte-gouttes et jamais à temps. Et si les fausses bonnes adresses, l’affluence et les prix exorbitants font souvent partie de l’expérience, les valeurs sûres ont ici, un peu plus qu’ailleurs, la patine du temps. Entre artisans séculaires, tables « locales » et incontournables. La « best to-do list » une bonne fois pour toutes.
Se réveiller au rythme du grand canal
The Gritti Palace
À l’opposé des palais au lustre parfois poussiéreux, ce joyau aristocratique construit en 1475 entretient sa légende. Désormais Luxury Collection Hotel au sein du groupe Hyatt, il témoigne d’un passé prestigieux dans les moindres détails de ses rénovations.
Tapisseries anciennes, peintures de l’école titienne acquises chez Sotheby’s, luminaires spectaculaires en verre de Murano, suites inspirées d’Ernest Hemingway, Somerset Maugham ou John Ruskin et salles de bains intégralement habillées de marbre de Carrare… chaque détail compte, et l’atmosphère tout entière de cette adresse au chic old school, mais au luxe ultracontemporain, plonge les hôtes dans une Venise qui traverse les époques. Éminemment élégante et intemporelle.
Unique en son genre, c’est le rituel du petit déjeuner qui concentre à lui seul toute la magie d’un séjour chez cette vieille dame qu’est le Gritti. On le prend sur le plus beau balcon de Venise, aux premières loges du Grand Canal, face au musée de la Punta della Dogana et la basilique Santa Maria della Salute. Un œil sur la presse italienne, l’autre à observer le ballet incessant des vaporetti de transport de marchandises et des premiers gondoliers qui se croisent.
Un verre ? Au coucher du soleil, c’est encore ici que l’on profite de la Golden Hour qui dore les façades ocre des palais d’en face : installés au Riva Lounge, la terrasse la plus prisée de la ville, liftée au design des fifties et aux couleurs (bleu et blanc) des emblématiques bateaux vénitiens. Sièges profilés en métal et cuir, tables en bois miel et Aquariva Super Il Doge amarré juste devant. On y déguste les meilleurs negronis de Venise, servis par des barmans aux allures de 007.
Un plat ? Le nouveau chef, Alberto Fol, ajoute aux recettes authentiques sa vision moderne, le tout dicté par un sourcing ultralocal, comme en témoigne son potager sur l’île de Mazzorbetto. Parmi ses best : le risotto à la Hemingway (le plat fétiche de l’écrivain, qui a séjourné ici), les castraure (petits artichauts violets d’une île voisine), le carpaccio à la truffe et espuma de parmesan, le tiramisu supergénéreux servi dans sa cabosse de cacao XXL.
À plusieurs, on réserve une master classe pour apprendre à cuisiner le risotto et on s’installe autour de la table d’hôte à l’esthétique traditionnelle, digne d’une nonna vénitienne. Une suite ? Au Redentore, avec un toit terrasse privé de 250 m2 et une vue spectaculaire sur toute la lagune.
Dîner dans un décor de carte postale
Trattoria Dona Onesta
Avec sa microterrasse fleurie de trois ou quatre tables suspendues au‑dessus d’un petit canal du Dorsoduro, le romantisme de cette adresse en serait presque caricatural… si ce n’était que la gentillesse du service et l’excellent rapport qualité‑prix le distingue de tous les attrape‑touristes. On y va pour le fritto misto varié, les superbes risottos et les non moins fameuses pâtes à l’encre de seiche.
Réserver une soirée dans le plus beau théâtre du monde
La Fenice
Pas de romance à l’italienne sans une soirée à l’opéra, dans l’un des plus emblématiques au monde. Sauvé d’un premier incendie en 1774, celui qui fut le cœur battant de toute une vie aristocratique est aujourd’hui un petit bijou restauré dans les moindres détails par la crème des artisans vénitiens.
Outre la salle de 1 126 places à la beauté spectaculaire, qui accueille encore et toujours les meilleurs opéras et artistes, on peut admirer, dans les différentes pièces du rez‑de‑chaussée, les sols en terrazzo, les colonnes de marbre et les trumeaux rose poudré… À défaut d’assister à une représentation, peu de touristes savent que l’on peut s’offrir une visite (guidée) mémorable.
S’inviter chez le dernier maître verrier
Orsoni
Connu pour être l’un des plus grands nuanciers de mosaïques de verre avec plus de 3 500 couleurs, cet atelier installé depuis 1888 utilise le dernier four à feu autorisé dans la Cité des Doges. L’histoire veut qu’Angelo Orsoni, premier de la dynastie, soit allé à l’Exposition universelle de 1900, à Paris, avec son nuancier et qu’il s’y soit immédiatement fait un carnet d’adresses.
En 2024, l’atelier travaille avec différentes universités de design dans le monde, multiplie les collaborations prestigieuses et accueille de nombreux artistes en résidence. Parmi leurs œuvres les plus spectaculaires, l’artisan compte la cathédrale du Salut‑de‑la‑Nation, à Bucarest, la plus grande cathédrale orthodoxe du monde (inaugurée en 2018), ornée de 25 000 m2 de mosaïques. L’atelier, accessible au public sur réservation, permet de voir les petites mains au travail et l’impressionnante bibliothèque de couleurs.
Trouver sa paire de chaussons vénitiens
Piedaterre
D’après la légende, les gondoliers portaient ces chaussures pour ne pas abîmer la peinture de leur embarcation grâce à la semelle en caoutchouc, la friulana est devenue emblématique de Venise, pour marcher des heures comme dans des chaussons, mais avec un chic intemporel. Détenue par une famille italienne pendant plus de 30 ans avant d’être rachetée en 2021 par Paul Deneve et Stuart Parr – qui en sont copropriétaires à parts égales -, cette fabrique artisanale de Frioul‑Vénétie propose des dizaines de modèles mixtes et de combinaisons de velours (fluo, pastel, denim, etc.), avec une ganse de couleur cousue pour un effet relax et couture. Idéal pour battre le pavé, de Venise et d’ailleurs, sans fatiguer.
Dîner avec les locaux
Osteria Alla Frasca
Loin de l’agitation, dans un quartier résidentiel non loin de Cannaregio, cette osteria à la salle à manger minuscule (une dizaine de couverts) déploie, sous la vigne et sur la petite place Corte de la Carità, une terrasse magique. Fréquenté en partie par des Vénitiens, qui s’attablent pour les antipasti de la lagune (poulpe, gamberoni, fruits de mer…) ultrafrais et des strozzapreti (petites pâtées torsadées) au ragoût de canard ou pour la pêche du jour cuite au four, ce repaire local semble échapper aux clichés.
Tel. +39 041 241 2585
Offrir un bijou hommage
Nardi
Réputé pour ses têtes de Maures, ce joaillier emblématique de la Cité des Doges, porté par la troisième génération, perpétue les gestes et techniques de l’orfèvrerie d’art. Aux Moretti, Veneziani et autres pièces uniques ornées de sublimes pierres fines et précieuses, Alberto a ajouté récemment une ligne combinant émaux et pierres sur des créations naïves très couture et contemporaines dans leur dessin paquerettes, camélias, boutons de rose…
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