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Gastón Acurio
Gastón Acurio, chef cuisinier.
melanie

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Trois questions à Gastón Acurio, l’ambassadeur de la cuisine péruvienne

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The Good Life à rencontré le chef converti en businessman qui incarne le formidable boom de la cuisine péruvienne.

Même les chauffeurs de taxi vous parlent de Gastón Acurio à la première occasion. Fils de ministre, ce chef archicélèbre dans son pays et connu dans le reste du monde a bien tenté de suivre une autre route en étudiant le droit, mais il a vite abandonné. Cela fait vingt-cinq ans qu’il cuisine, mais, ces dix dernières années, son rôle d’ambassadeur de la cuisine péruvienne doublé de celui de businessman (son groupe possède une trentaine de restaurants) l’a éloigné de Lima. A presque 50 ans, il passe désormais le flambeau aux jeunes, tout en continuant son expansion grâce à de nouveaux concepts. Posé chez lui, dans son restaurant phare Astrid & Gastón, il redéfinit son rôle et celui de sa cuisine.

Gastón Acurio, chef cuisinier.
Gastón Acurio, chef cuisinier. Stevens Frémont

The Good Life : M. Acurio, comment votre cuisine a-t-elle évolué ?

Gastón Acurio (@gastonacurio) : Ce dont je veux parler aujourd’hui, c’est la multiculturalité de Lima. Nous sommes une société mélangée, et la cuisine liménienne est le résultat des multiples migrations qu’a connues ce pays. C’est ce que j’appelle le triomphe de l’amour. Il y a ici, depuis longtemps, des familles qu’il était impossible de voir ailleurs : des gens avec un père japonais et une mère chinoise, par exemple. Toutes les familles de Lima sont composées comme ça. J’ai moi-même un père inca et une mère espagnole. Alors pourquoi ne pas le montrer, mettre ce constat dans l’assiette ? Au-delà des cuisines nikkei [nippo-péruvienne, NDLR] et chifa [sino-péruvienne, NDLR], j’imagine des plats péruviens qui seraient faits par des Chinois d’une autre région que Canton. Ou par des Vietnamiens. Ou bien par des Génois, des Vénitiens

Lima, une capitale multiculturelle. Ici, le port polyvalent du Callao qui connaît une forte hausse du trafic.
Lima, une capitale multiculturelle. Ici, le port polyvalent du Callao qui connaît une forte hausse du trafic. Stevens Frémont

TGL : Quel est votre rôle aujourd’hui ?

G. A. : Le monde est tombé amoureux de la cuisine péruvienne. Lima est devenue une destination gastronomique. Nous avons donné une nouvelle image de notre pays. Tout ça est accompli. Nous sommes maintenant quatre générations de chefs à travailler sur ces sujets. Ma génération, les 40-50 ans, ceux qui ont dix ans de moins, comme Virgilio Martínez et Mitsuharu Tsumura, les moins-de-30-ans qui ouvrent maintenant leur restaurant, et les étudiants qui se préparent à nous rejoindre. En 2015, j’ai voyagé 240 jours pour assurer notre promotion. En 2016, 15 jours seulement, car Virgilio Martínez, de Central, et Mitsuharu Tsumura, de Maido, ont pris la relève. En 2017, c’est au tour des plus jeunes, ceux qui ont formé Generación con Causa : 50 chefs péruviens qui voyagent et prennent la parole. Chaque fois que je reçois une invitation, je la passe à la nouvelle génération. C’est maintenant mon rôle : faire le lien. J’ai déjà trop parlé. Mon travail, je veux maintenant le faire ici, in-house. Je ne peux plus continuer à encourager les gens à se fournir auprès des petits producteurs si, dans mes restaurants, je ne le fais que pour 20 % de mes achats. Et j’espère arriver à 80 % dans deux ans.

Le restaurant Astrid & Gastón.
Le restaurant Astrid & Gastón. Stevens Frémont

 

TGL : Souhaitez-vous continuer à développer vos affaires ?

G. A. : Nous sommes arrivés à la conclusion qu’il n’est plus possible de faire des restaurants comme Astrid & Gastón : 3 000 m2 avec 150 employés pour 100 couverts. De plus, il nous a été reproché de faire des restaurants chers. Or, maintenant, beaucoup de gens ont une limitation financière, mais pas une limitation culturelle, et veulent bien manger à très bon prix. Nous avons tenté le coup avec succès avec Barra Chalaca, un petit resto de ceviches où on mange pour 10 €. Nous allons le faire pour d’autres types de cuisine. Avec ces concepts, je prouve à mes actionnaires que nous pouvons ouvrir beaucoup de restaurants, y compris à l’étranger. Par exemple, ouvrir une cevichería La Mar à Londres me coûterait 5,5 M €, alors qu’un Barra Chalaca, seulement 400 000 €. Je suis aussi un entrepreneur et je dois réfléchir à ce qui est bien pour mes actionnaires, pour les gens, pour ma ville. Et pour moi aussi.

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