Lifestyle
Unisexe, végan ou composé d’ingrédients naturels : à l’instar de l’industrie cosmétique, l’industrie du parfum opère sa révolution verte et sociétale.
De CK One à Bal d’Afrique, le parfum unisexe
Les plus de trente ans s’en souviennent comme si c’était hier : en 1995, Calvin Klein lançait CK One, fragrance mixte pionnière imaginée par le parfumeur Alberto Morillas. Parfum culte d’une nouvelle génération androgyne et sexy et véritable raz-de-marée commercial, CK One ringardise à l’époque les poncifs inhérents à l’univers du parfum, qui cantonnaient jusqu’alors les hommes aux jus testostéronés et la gent féminine aux produits gourmands jusqu’à l’écœurement.
Un peu plus de deux décennies plus tard, le parfum poursuit sa révolution. Les fragrances mixtes sont devenues une nouvelle norme et les marques s’affranchissent des stéréotypes de genre. Malgré la baisse considérable du pouvoir d’achat, l’industrie ne connait guère la crise : avec une hausse spectaculaire de 20% au cours des huit premiers mois de 2022, le secteur de la parfumerie est le premier à dépasser ses chiffres pré-pandémie, comme l’indique un rapport de l’institut d’études de marché The NPD Group.
Avec une hausse spectaculaire de 20% au cours des huit premiers mois de 2022, le secteur de la parfumerie est le premier à dépasser ses chiffres pré-pandémie.
Signe des temps, certaines marques inscrivent même le facteur genderless au coeur de leur ADN. C’est le cas de l’enseigne Aesop sur son site internet, qui le revendique « nous développons de nouveaux parfums dans le but de créer des arômes complexes et distincts, adaptés à tous les genres et échappant aux stéréotypes des préférences démographiques ». Une démarche similaire à celle de Byredo, marque pointue crée par Ben Gorham aux parfums exclusivement mixtes dont certains sont devenus de véritables hits olfactifs, à l’image des envoûtants Mojave Ghost, Bibliothèque ou Bal d’Afrique dont les déclinaisons en bougies parfumées trônent en bonne place dans les boutiques de luxe et chez les insiders de la mode.
L’éco-responsabilité, véritable renouveau de l’industrie
Tandis que les clichés sexués se voient chamboulés, le renouveau, le vrai, se joue surtout sur le terrain de l’éco-responsabilité. Davantage respectueux de l’environnement, le parfum s’adapte ces dernières années aux exigences d’une jeune génération plus regardante que son aînée quant à l’éthique des marques qu’elle choisit d’acheter.
C’est dire. Même les mastodontes du secteur vendus chez Sephora assainissent leurs formules et leurs contenants : Issey Miyake propose une version végane et composée à 91% d’ingrédients naturels de sa célèbre Eau d’Issey, de même que Rochas et son parfum Girl au flacon composé à 40% de verre recyclé. Rechargeable et garanti sans ingrédient d’origine animale, Phantom de Paco Rabanne revendique lui aussi 90% d’ingrédients naturels. Les marques plus confidentielles ne sont pas en reste : Malin & Goetz propose des parfums végans, non testés sur les animaux.
Davantage respectueux de l’environnement, le parfum s’adapte ces dernières années aux exigences d’une jeune génération plus regardante que son aînée quant à l’éthique des marques qu’elle choisit d’acheter.
La parfumerie dite « sélective » a connu un bond de 9% en 2021, grimpant à 2,689 milliards, toujours selon The NPD Group. Innovantes et plus intransigeantes concernant la transparence de leur mode de production, les maisons de parfums de niche prônent une production raisonnée et des lancements au compte-goutte. C’est notamment le cas de Bon Parfumeur. Créé par le passionné Ludovic Bonneton, la marque de fabrication française célèbre la parfumerie d’antan, tout en lui insufflant une dimension contemporaine et créative. les fragrances y sont durables et composées jusqu’à 97% d’ingrédients naturels, garanties sans phénoxyéthanol, formaldéhydes, Lyral, BHT et autres huile de palme et colorants artificiels. L’enseigne vise également une transition vers le 100% rechargeable grâce aux fontaines à parfums disponibles en boutiques, et ce sur l’ensemble de ses formats.
Vendu chez le très sélectif Dover Street Parfums Market niché au cœur du Marais, à Paris, le label anglais Haeckels créé par Dom Bridges fait lui aussi le pari du tout naturel, y compris pour ses fragrances. « Les ingrédients des parfums Haeckels sont récoltés en Grande-Bretagne, sur la côte du Kent, explique Charlie Vickery, managing director de l’enseigne. Nos bougies parfumées sont même dotées d’une localisation GPS des lieux de provenance des ingrédients, pour offrir à nos consommateurs une visite immersive à travers nos composants naturels. Nos fragrances sont toutes des parfums, avec les classifications les plus élevées en matière de puissance et de longévité. Nos huiles naturelles composent 30% des formules, ce qui permet une tenue qui dure toute la journée ». Un argument qui tord le cou à la principale réserve adressée aux parfums naturels, souvent critiqués pour leur volatilité et leur manque de longévité sur la peau.
Le parfum naturel, Baptiste Bouygues en a pour sa part fait son business plan. Passionné de fragrances et de senteurs, il crée avec sa mère Marie-Lise Jonak la maison Ormaie, qui s’est imposée en quelques années comme une valeur sûre, y compris auprès des nez les plus exigeants. Une collection de neuf parfums entièrement composés d’ingrédients naturels soigneusement sourcés, concoctés main dans la main avec des artisans de renom. Identifiables à leurs flacons-écrins qui puisent leur inspiration dans les formes géométriques de Constantin Brancusi, les parfums Ormaie racontent une genèse familiale, à mille lieues des best-sellers de parfumerie lancés froidement par les industriels du secteur à grand renforts d’études marketing.
« Lorsque j’ai créé Ormaie, je voulais faire part d’histoires profondément personnelles, explique Baptiste Bouygues. C’est pour cela qu’une de nos fragrances s’appelle Yvonne, le prénom de ma grand mère, ou Le Passant, le parfum qui me rappelle mon père. J’ai voulu utiliser les plus belles matières, qui pour moi sont naturelles. Elles ont une complexité unique, des facettes. Elles provoquent des émotions différentes. Le naturel demande beaucoup plus de temps, il a d’abord fallu retrouver ce savoir-faire oublié. C’était comme peindre avec une nouvelle palette de couleurs ! Lorsque vous travaillez avec du naturel, il faut attendre quelques jours pour que les matières s’assemblent vraiment et révèlent toutes leurs dimensions olfactives. Idem lors de la production du parfum, les temps de macération et de maturation de la fragrance sont beaucoup plus longs. Il faut donner le temps aux matières de s’exprimer. »
Un retour au temps long des techniques artisanales qui peut sembler paradoxal quand on connait la soif de nouveauté perpétuelle qui anime les consommateurs millenials, mais qui rejoint néanmoins pleinement les préceptes de la slow beauty, ce mouvement éco-conscient qui réclame une cosmétique plus vraie, à la production moins effrénée.
M.M
Lire aussi
The Good Perfumes : 11 parfums iconiques
Cosmétique masculine : Soins, crèmes, marques, état des lieux