Voyage
A mille lieues de la frénésie qui règne à Miami, le quartier de Coconut Grove offre un salutaire havre de paix et d’histoire. Sous ses airs d’irréductible village, sa flore tropicale et luxuriante donne à voir un paysage urbain, aujourd’hui en mutation.
Situé au sud de Brickell et à l’est de Coral Gables, le « Grove », comme l’appellent ses habitants, se déploie le long de la baie de Biscayne. Aujourd’hui, le quartier s’apparente à un village aux airs chic et canaille qui aime cultiver discrètement son image et croire en sa singularité. Le nom officiel de Coconut Grove est adopté en 1919, et son aire actuelle est définitivement établie en 1925, lorsque la municipalité de Miami décide d’annexer la ville, jusqu’alors indépendante.
Au-delà de son existence officielle, Coconut Grove est le quartier habité le plus ancien de Miami : les premières migrations remontent à 1825, avec l’établissement du Cape Florida Light House sur l’île de Key Biscayne. Dans les années 1870, les vagues de peuplement s’intensifient. Elles sont composées d’Américains du Nord-Est, de Britanniques et de Bahaméens. Tous sont motivés par les perspectives offertes par ces terres, certes inhospitalières mais gratuites. Une communauté résolument éclectique se forme. Elle est composée de visionnaires et d’aventuriers, tous mus par un certain idéalisme et ayant foi en leur capacité à fonder une société sur ces terres sauvages envahies de forêts de mangroves et de marécages.
Apogée dans les années 90
En 1882, le Bay View Inn (renommé Peacock Inn par la suite) voit le jour. Les propriétaires Charles et Isabella Peacock, des immigrés anglais, font appel à des travailleurs bahaméens qui s’établissent alors le long de Charles Avenue et constituent la première communauté noire de Coconut Grove. Très vite, le village s’organise et se développe. Ecoles, yacht-club, associations de femmes voient le jour. Tout au long du XXe siècle, Coconut Grove jouit de la popularité grandissante de Miami, et du sud de la Floride en général, pour attirer une population mondaine et cultivée séduite par l’esprit bohème de ses origines.
Cette élite intellectuelle et artistique vient d’abord en villégiature avant de se faire construire de belles villas à l’est du centre-ville, puis de s’installer définitivement. Progressivement, un idéal bourgeois et bohème s’installe. Le quartier connaît un sursaut dans les années 60, lorsqu’il devient l’un des bastions de la contre-culture et du mouvement hippie. La parenthèse est courte et, dès les années 70, Coconut Grove devient le terrain de jeux des promoteurs immobiliers. Le village se dote de complexes résidentiels, et l’activité commerciale se développe.
Le quartier connaît son apogée avec l’inauguration du CocoWalk, dans les années 90. Ce centre commercial en plein air, à l’architecture méditerranéenne, devient le symbole du quartier et l’attraction touristique par excellence. Mais Miami est une ville cruelle pour qui rêve de durer. Les modes se font et se défont à un rythme effréné et, rapidement, Coconut Grove finit par être éclipsé par des quartiers comme Brickell ou Wynwood. Le Grove devient alors synonyme de quartier résidentiel cossu et tranquille, avec sa végétation tropicale omniprésente pour seul grain de folie.
Mutation en cours
Heureusement, les promoteurs immobiliers sont pleins de ressources, et la renaissance de Coconut Grove est aujourd’hui en marche. Lorsqu’on arrive par South Bayshore Drive, impossible de manquer les deux tours en ellipse et le trio d’immeubles en forme de cacahuète signés par les starchitectes des studios BIG et OMA. Les luxueuses résidences font face à la marina et à l’hôtel de ville au style Art déco.
Le bâtiment est érigé sur un impressionnant carrefour, en lieu et place de l’ancien terminal pour hydravions de la Pan Am, construit en 1930. Un ensemble qui rappelle la gloire passée de Coconut Grove et qui semble préfigurer son avenir.
Dans le centre-ville, la mue se concentre sur le triangle formé par Main Highway, Grand Avenue et McFarlane Road. Des steak houses gigantesques alternent avec des bistrots intimistes et des bars à jus diététiques. La concentration de cafés branchés et d’enseignes symboles dénote au milieu des boutiques à la devanture désuète. A la terrasse du Peacock Garden Bistro, une institution, quelques femmes, avec collier de perles et ongles vernis, rient très fort et semblent noyer leur désœuvrement à grand renfort de mimosas.
La jeunesse, elle, fait patiemment la queue au Panther Coffee, un établissement situé à l’origine à Wynwood, mais qui prolifère aujourd’hui dans le reste de Miami et qui sert de caution hipster. Non loin de là, le CocoWalk est en plein chantier. Le mythique centre commercial a été entièrement démoli et renaîtra de ses cendres fin 2019. Sa nouvelle version est supposée s’adapter tant aux nouveaux modes de vie qu’aux dernières exigences architecturales. Au total, plus de 23 000 m2 seront dédiés à un usage mixte mêlant bureaux, loisirs et commerces. L’idée, à terme, est de faire de Coconut Grove une enclave autonome où l’on travaille, on dort, on mange, on consomme et on se divertit.
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