The Good Business
En raison de la bonne santé économique du Chili, l’immigration y a augmenté de 210 % depuis 2006, venue surtout d’Amérique latine, mais aussi d’Europe. Un phénomène qui ne s’était plus vu depuis la fin du… XIXe siècle et qui révolutionne aujourd’hui le pays andin.
Des diplômes sans équivalence
Si la majorité trouve du travail dans des postes non qualifiés, les migrants qui arrivent ont toutefois souvent fait plus d’études que le Chilien moyen – deux ans de plus en moyenne. « Pensez-vous qu’il y ait un gène péruvien de bonne employée de maison ? demande avec provocation Rodrigo Sandoval, directeur du département chargé des régularisations de visas. Ce qui se passe, c’est que beaucoup sont psychologues, pédopsychiatres et que leurs diplômes ne sont pas reconnus ici ! » La loi chilienne sur l’immigration date de 1975 ; c’est la plus ancienne du continent américain.
« Elle a été faite sous la dictature, à une époque où on veillait surtout au contrôle des frontières, explique l’économiste de l’Université pontificale catholique José Tessada. Du coup, si obtenir un visa de résident n’est pas difficile, exercer sa profession peut l’être, car il n’existe pas vraiment de règles quant à l’équivalence avec les diplômes étrangers. » Le ministère des Affaires étrangères renvoie les diplômes des demandeurs à l’Université du Chili, seule habilitée à accorder une équivalence. Or, les employés du service chargé de cette tâche administrative se compteraient sur les doigts d’une main. « C’est donc un système lent et subjectif, qui souvent n’aboutit pas », constate José Tessada. Un problème qui ne fait pas de discrimination et qui concerne aussi bien les plus diplômés que ceux qui le sont moins. « Toutes les crèches ont le même problème que nous », soupire José Luis Poblete, directeur d’un jardin d’enfants dans le quartier chic de Providencia. Nous manquons terriblement d’assistantes, mais nous ne pouvons pas employer de Colombiennes, qui viennent pourtant frapper en nombre à notre porte tous les jours, parce qu’elles n’ont pas obtenu l’équivalence de leur diplôme… C’est absurde ! »
Si le Chili a besoin d’immigrants non qualifiés, il a aussi et surtout besoin de migrants qualifiés, voire hautement qualifiés : de cadres supérieurs comme de techniciens professionnels, dans de nombreux domaines de pointe – en informatique, dans la mine, l’agroalimentaire ou l’aquaculture, par exemple –, l’enseignement supérieur chilien n’étant pas toujours en phase avec les besoins du marché.
« De nombreux Espagnols, venus en raison de la crise qui sévit dans leur pays, n’ont pas pu rester au Chili à cause de ce problème d’équivalence. Il y avait parmi eux des ingénieurs civils, des ingénieurs des mines et des ingénieurs commerciaux, pourtant très recherchés sur le marché », ajoute l’assistante sociale de l’Université pontificale catholique, Claudia Silva, qui a réalisé avec José Tessada une étude sur les migrants hautement qualifiés.
Si l’immigration est principalement issue d’Amérique latine, 10 % proviennent néanmoins des pays de l’OCDE, Espagne en tête, suivie des Etats-Unis et de la France. Une immigration généralement très qualifiée. « Les Américains viennent souvent parce que leur entreprise les envoie en tant qu’expatriés, remarque Claudia Silva. Mais la plupart des Espagnols ou certains Français viennent à cause de la crise qui touche leur pays. » Ils jouissent d’une discrimination positive parce qu’ils sont Européens, ce qui peut aider à l’embauche. Cependant, tous ne trouvent pas un emploi à la hauteur de leurs compétences ou de leurs exigences salariales, et beaucoup d’entre eux font le choix de repartir ; contrairement aux immigrants latino-américains, qui restent généralement, quitte à occuper des emplois qui ne correspondent pas à leur niveau de qualification.