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Face aux côtes de la préfecture de Shimane, Nishinoshima est un lieu idéal pour se ressourcer après la frénésie d’un séjour à Tokyo, 2024 - TGL
Face aux côtes de la préfecture de Shimane, Nishinoshima est un lieu idéal pour se ressourcer après la frénésie d’un séjour à Tokyo, 2024 - TGL
Marine Mimouni

The Good Guide // Getaway

Japon : road trip en vélo sur l’île de Nishinoshima

Getaway

The Good Guide

Dans la mer du Japon, au cœur de l’archipel des Oki, faisant face aux côtes de la préfecture de Shimane, Nishinoshima est un lieu idéal pour se ressourcer après la frénésie d’un séjour à Tokyo. Découverte à vélo de cette île de 56 kilomètres carrés où la vie se déroule au ralenti.

Des chevaux en liberté qui broutent dans des prés inclinés au sommet de gigantesques falaises dominant la mer, le sifflement du vent, aucun être humain à perte de vue… À Nishinoshima, dans l’archipel des Oki, l’une des destinations du Japon les plus reculées, les pulsations de l’océan de béton, les délires high-tech et les extravagantes souscultures urbaines, qui font le charme de la mégalopole tokyoïte, ne sont plus qu’un lointain souvenir.


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Sur le rivage

À 65 kilomètres au large de la petite ville de Matsue (sur la côte ouest d’Honshu, au nord d’Hiroshima), cette île champêtre et sauvage, qui fait partie d’un géoparc mondial de l’Unesco, permet de se plonger dans l’autre Japon, rural, calme, où la nature et les traditions sont reines et où la vie s’écoule au ralenti.

L’île de Nishinoshima est en partie couverte de prairies qui se jettent dans la mer du Japon.
L’île de Nishinoshima est en partie couverte de prairies qui se jettent dans la mer du Japon. Alamy

« Des montagnes échancrées révèlent des caps, des pics et des falaises teintés d’une centaine de bleus – d’un indigo de velours jusqu’à des tons exquis d’une délicatesse spectrale –, et une légère brume colorée fait de ces terres éloignées un rêve… », s’extasiait, en arrivant en bateau, Lafcadio Hearn.

L’écrivain irlandais (naturalisé japonais après son mariage avec la fille d’un samouraï de Matsue) fut le premier Occidental à visiter les îles Oki, en 1892. Lorsque, après deux heures et demie de traversée en ferry, nous nous approchons de Beppu, le débarcadère de Nishinoshima, nous ressentons la même impression. 

Pèlerinage insulaire

Nicola, la Néo-Zélandaise qui travaille à l’office de tourisme (mariée à un Japonais originaire de l’île) est sur le quai. « Vous restez six jours ? demande-t-elle. C’est un cas unique. Ici, les visiteurs, presque tous japonais, passent une nuit, parfois deux. Jamais plus. »

Des montagnes échancrées révèlent des caps, des pics et des falaises teintés d’une centaine de bleus.
Des montagnes échancrées révèlent des caps, des pics et des falaises teintés d’une centaine de bleus. DR

Après lui avoir loué des vélos électriques, cap sur notre ryokan, à 200 mètres de là, face à la mer. D’autorité, la propriétaire nous installe, à peine nos sacs posés, devant un donburi aux coquilles turbans, jaune d’œuf cru et algues variées, une recette maison.

Cette entrée en matière sera suivie, tous les soirs, de festins concoctés par son mari : une vingtaine de petits plats, dont nombre de coquillages inconnus servis crus, cuits au saké ou grillés, et d’énormes huîtres et ormeaux locaux. Le lendemain, nous entamons notre périple à vélo, entrecoupé de baignades et de pauses-lecture-avec-vue-fantastique.

À 25 mètres sous la surface de l’eau, d’énormes rochers couverts d’algues voisinent avec des fonds sableux sur lesquels vivent de grosses étoiles de mer orange vif.
À 25 mètres sous la surface de l’eau, d’énormes rochers couverts d’algues voisinent avec des fonds sableux sur lesquels vivent de grosses étoiles de mer orange vif. Ryo Yoshitake / Unsplash

À l’est et au nord de l’île, les collines sont couvertes jusqu’à la mer d’une dense forêt primaire et la route est si peu fréquentée que des lianes d’un vert vif tapissent en partie l’asphalte. On y voit voleter des libellules géantes et des passereaux japonais, tels que le merle bleu, le tyran huppé ou la paruline des buissons. Nous apercevons même un faisan versicolore – l’oiseau national du Japon–, réputé pour sa capacité à rester invisible.

À l’ouest, après avoir traversé le bourg principal (un bureau de poste, deux épiceries, une supérette, une mercerie), nous grimpons pour rejoindre les pâturages battus par les vents qui surplombent la falaise de Matengai, haute de 257 mètres.

À l’est et au nord de l’île, les collines sont couvertes jusqu’à la mer d’une dense forêt primaire et la route est si peu fréquentée que des lianes d’un vert vif tapissent en partie l’asphalte.
À l’est et au nord de l’île, les collines sont couvertes jusqu’à la mer d’une dense forêt primaire et la route est si peu fréquentée que des lianes d’un vert vif tapissent en partie l’asphalte. Nichika Yoshida / Unsplash

C’est là que vivent les 50 chevaux sauvages qui permettent aux visiteurs de réaliser de beaux clichés, ainsi que 500 têtes de bétail – qui finiront dans les assiettes d’amateurs de bœuf wagyu. Un sentier pédestre descend jusqu’à la côte déchiquetée et la double arche de Tsukenkyo, sculptée par les vagues. Un peu comme à Étretat, en plus grand, qui décline toutes les nuances de l’ocre et qu’on est seul à contempler.

Nishinoshima abrite aussi une vingtaine de sanctuaires, dont le gracieux temple Yurahime, près du port d’Urago, dédié à la divinité de la pêche et décoré de peintures de calamars, et le temple Takuhi, isolé près du sommet de la plus haute montagne, auquel on accède par un sentier forestier. C’est, depuis un millénaire, le centre spirituel de l’île.

Aujourd’hui presque endormies, les îles Oki ont connu des périodes bien plus actives.
Aujourd’hui presque endormies, les îles Oki ont connu des périodes bien plus actives. DR

Datant de 1732, le bâtiment actuel, très ouvragé, est niché sous un immense rocher à la lisière d’une clairière. Enfin, l’île recèle un club qui organise des sorties en kayak le long de la côte et des plongées sous-marines.

À 25 mètres sous la surface de l’eau, d’énormes rochers couverts d’algues voisinent avec des fonds sableux sur lesquels vivent de grosses étoiles de mer orange vif. Entourés de bancs de sérioles à queue jaune et de poissonsdemoiselles, nous dégustons des coquillages que notre moniteur de plongée nous offre après les avoir ouverts avec son couteau: un sashimi sous l’eau…

L’hospitalité à la japonaise

Aujourd’hui presque endormies, les îles Oki ont connu des périodes bien plus actives. D’abord terres d’exil pour les seigneurs vaincus et les poètes à la langue trop bien pendue, elles furent la Sainte-Hélène des empereurs Go-Toba et Go-Daigo durant le shogunat de Kamakura (1185-1333).

Un sentier pédestre descend jusqu’à la côte déchiquetée et la double arche de Tsukenkyo, sculptée par les vagues.
Un sentier pédestre descend jusqu’à la côte déchiquetée et la double arche de Tsukenkyo, sculptée par les vagues. Hayato Shin / Unsplash

Leur isolement et leur réputation de grande beauté en faisaient en effet un endroit idéal pour bannir les personnes de la noblesse. Jusqu’au XIXe siècle, elles servirent aussi d’escale sur la route maritime qui reliait le sud et le nord du Japon, et virent accoster jusqu’à 4500 navires marchands par an.

Puis, lorsque l’industrialisation fit basculer le centre de gravité du pays sur la côte de l’océan Pacifique, elles commencèrent à se dépeupler. Nishinoshima n’héberge plus que 2600 habitants, dont la plupart vivent de la pêche et quelques-uns, du tourisme.

Dans ce bout du monde nippon, un couple occidental sillonnant l’île à vélo ne passe pas inaperçu. Presque toutes les personnes que nous croisons, qu’elles soient à pied ou en voiture, agitent la main avec un grand sourire.

L’industrialisation fit basculer le centre de gravité du pays sur la côte de l’océan Pacifique, elles commencèrent à se dépeupler. Nishinoshima n’héberge plus que 2600 habitants, dont la plupart vivent de la pêche et quelques-uns, du tourisme.
L’industrialisation fit basculer le centre de gravité du pays sur la côte de l’océan Pacifique, elles commencèrent à se dépeupler. Nishinoshima n’héberge plus que 2600 habitants, dont la plupart vivent de la pêche et quelques-uns, du tourisme. Sajan Rajbahak / Unsplash

Quant à la propriétaire de notre ryokan, d’une prévenance exquise, elle enjoint à son mari, qui prépare quatre menus différents en rotation pour ses hôtes, d’en imaginer deux supplémentaires pour nos dîners des cinquième et sixième jours, et nous propose de jouer au club de tennis de l’île, bien que nous n’en soyons pas membres.

Pour sa part, le moine solitaire qui garde le temple Takuhi nous accueille en improvisant pour ses seuls visiteurs du jour une cérémonie du thé parfaite (isolement, quiétude, intimité) dans une petite salle du sanctuaire.

À l’ouest, après avoir traversé le bourg principal, nous grimpons pour rejoindre les pâturages battus par les vents qui surplombent la falaise de Matengai, haute de 257 mètres.
À l’ouest, après avoir traversé le bourg principal, nous grimpons pour rejoindre les pâturages battus par les vents qui surplombent la falaise de Matengai, haute de 257 mètres. Pierre Winiger / Unsplash

Le dernier soir, deux habitants se présentent au ryokan. Ils se disent ravis et honorés de nous avoir vus à plusieurs reprises sur les routes de l’île, et nous offrent, l’un, un teeshirt qu’il a peint à la main, l’autre – un ancien judoka qui a combattu contre le champion du monde français Jean-Luc Rougé–, un kimono léger teint en indigo.

À l’issue de notre slow travel insulaire, ces attentions sont prodiguées devant un dernier coucher de soleil époustouflant. Comme le disait Lafcadio Hearn à son départ des îles Oki : « Ici, on ressent la joie totale de l’évasion et le délice de se connaître soi-même. »


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