Gastronomie
The Good Culture
Souvent convoitée, parfois inattendue, le macaron décerné par le guide Michelin est une récompense qui amène systématiquement des nouveaux clients et qui change aussi les habitudes des chefs.
Si pour certains la première étoile Michelin a permis d’adopter un nouveau rythme de travail plus confortable, d’autres se sont vus appartenir tout à coup à un cercle de professionnels qui les considérait peu auparavant. The Good Life a donné la parole à des chefs qui font le bilan après avoir obtenu cette distinction.
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En quoi la première étoile change-t-elle (vraiment) la vie d’un chef ?
Coline Faulquier, cheffe du restaurant Signature à Marseille
Avant, certains clients me demandaient s’ils pouvaient discuter avec le patron
« On est un plus qu’un cuisinier lambda« , se surprend à dire Coline Faulquier au restaurant Signature à Marseille. Quand elle reçoit sa première étoile en 2021, elle a déjà fait le tour des producteurs locaux et s’est liée de confiance avec eux. « Il ne s’agissait pas de changer de façon de cuisinier mais de continuer ce pourquoi le Michelin nous a attribué une étoile. Un macaron, ça vous pousse à toujours faire mieux, c’est-à-dire à atteindre le même niveau d’exigence chaque jour. »
Mais la cheffe concède que c’est surtout le regard que l’on a porté sur elle qui a changé : « La première année avant d’avoir l’étoile, je venais à la rencontre des clients à leur table comme je le fais aujourd’hui. Beaucoup m’ont demandé s’ils pouvaient rencontrer le patron… alors que mon nom était depuis le début sur la devanture du restaurant. »
En obtenant sa première étoile, Coline Faulquier affirme avoir gagné en crédibilité auprès de ses pairs : « Quand j’ai appris pour l’étoile, j’ai pensé tout de suite aux chefs comme Christophe Bacquié qui m’ont transmis leurs techniques. Je me suis dis qu’ils allaient plus me voir comme une ‘gamine’ qui a fait Top Chef. On rentre en quelque sorte dans la cour des grands. » Malgré tout, la cheffe n’est pas revancharde. L’attitude a changé mais la distinction l’oblige toujours : « On vous fait confiance plus facilement et on est pris en exemple. On me sollicite pour des événements, on est pris comme des exemples ce qui permet de transmettre un message, un savoir-faire et je n’en avais jamais eu l’occasion avant. »
Côté personnel en salle et en cuisine, rien n’a bougé, sauf quand elle demande du renfort pour la grosse saison. Elle reçoit depuis un an des CV beaucoup plus qualifiés qu’au début.
Signature. 180 Rue du Rouet, 13008 Marseille. Réservations.
Omar Dhiab, chef du restaurant Omar Dhiab à Paris
L’étoile ne me stresse pas, elle me permet de travailler plus sereinement en équipe
« On voulait faire partie de ce cercle restreint de restaurants étoilés dans Paris. » Depuis qu’il a 18 ans, Omar Dhiab « a fait de l’étoilé », passant dans des brigades macaronées jusqu’à ouvrir son propre restaurant l’année dernière. Quelques mois après l’ouverture, l’étoile tombe et c’est tant mieux : « Ça n’aurait pas été catastrophique si on ne l’avait pas eue mais on a travaillé pour, on a tout fait pour l’obtenir« .
L’histoire est la même qu’ailleurs, une très forte hausse de réservations fait suite à l’obtention du macaron, les curieux appellent pour une table et une clientèle spécifiquement amatrice de restaurant étoilés arrive : « On pourrait croire que ce sont des internationaux mais en fait 8 clients sur 10 sont Français. »
Qu’est-ce qui change avec une étoile ? L’assiette ? Mauvaise pioche pour Omar Dhiab : « Elle change quand on aime cuisiner, étoilé ou non, en fonction des saisons et des envies, de son parcours. C’est très rare les personnes qui aiment cuisiner la même chose pendant 10 ans. » Les tarifs alors ? Le chef concède avoir augmenté ses menus de 10 euros pour pouvoir embaucher un chef de partie en cuisine et un maitre d’hôtel en plus. « L’étoile m’a permis d’être plus serein, et à mon équipe de l’être aussi. On a fermé le week-end depuis. C’est confortable pour moi d’avoir mes week-ends en famille mais aussi pour tout le personnel. »
Le rythme et le style étoilé lui est si familier qu’il est plus à l’aise avec que sans. Même s’il avait tout planifié, il y a une chose auquelle il ne s’attendait pas : « On nous débloque plus facilement du vin qu’au début, sourit-il. Maintenant qu’on a une étoile, on peut demander certains domaines, alors qu’auparavant les mêmes vignerons ou agents de vin nous auraient dit que c’était compliqué ou qu’il n’avait plus de bouteilles…”
Omar Dhiab. 23 Rue Hérold, 75001 Paris. Réservations.
Nolwenn Corre, cheffe de L’Hostellerie de la pointe Saint-Mathieu à Plougonvelin (Finistère)
Ca m’a donné plus de confiance en moi
« Après l’annonce, on a reçu énormément d’appels pour des réservations. On a pu remplir complet 6 mois durant. » Le restaurant de l’Hostellerie de la pointe Saint-Mathieu, situé au bout de la pointe du Finistère, n’avait jamais vu ça. « On passe du simple au double, voire au triple et c’est un peu la panique au début. Le restaurant n’était pas dimensionné pour faire midi et soir au mois de février. Il a bien fallu embaucher pour maintenir le rythme. »
En 2019, à l’âge de 28 ans, Nolwenn Corre se souvient des réactions suite à l’étoile : « Quand on est jeune et quand on est une femme, tout de suite, ça fait parler. » Depuis l’Hostellerie, face à l’océan, elle ne s’intéresse pas vraiment aux qu’en dira-t’on, préférant se concentrer sur sa cuisine : « La première étoile m’a permis d’être plus en confiance intérieurement et de me sentir plus libre dans mes choix, dans ma créativité, d’être à l’aise tout en prenant des risques. » Mais elle n’oublie pas quelques scènes qui l’ont surprises : « J’étais à Lyon, au SIRHA (Salon International de la Restauration, de l’Hôtellerie et de l’Alimentation), face à un fabricant de couverts. Au début, il ne me prêtait vraiment attention jusqu’à ce qu’il apprenne que j’avais eu une étoile. Son attitude a tout de suite changé, se souvient-elle. J’ai trouvé ça un peu injuste… »
L’Hostellerie de la pointe Saint-Mathieu, 7 Pl. Saint-Tanguy, 29217 Plougonvelin. Réservations.
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