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La fleur d’oranger met sa fraîcheur d’âme au service des hommes et bouleverse ainsi les codes, les rituels, les odeurs. Une page blanche s’ouvre…
Tout fout le camp, grogneront certains. Tout commence, comprennent les autres. La fleur d’oranger, cette petite fleur blanche et délicate qui symbolise habituellement l’enfance, l’innocence, délaisse les jeunes filles et flirte avec le monde du parfum pour garçons. Cet automne, elle entre au coeur d’un parfum masculin et le fait battre différemment.
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Les parfums masculins adoubent la fleur d’oranger
Dans le sillage de la mode qui, au fil des saisons, dessine une masculinité moins primaire, MYSLF, d’Yves Saint Laurent, amorce ainsi un virage dans la composition de jus encore très empreints de la virilité olfactive des années 50.
Contrairement à la rose et à la lavande, la fleur d’oranger n’avait jamais pris part au vestiaire masculin. Souvenons-nous: c’est l’engouement pour les jardins et les orangeraies, snobisme du XVIIIie siècle, qui lui fait quitter son Sud natal et passer la Loire.
De Grasse, on la fait venir en eau florale pour bercer les enfants, adoucir les moeurs et aromatiser entremets, guimauves… Marie-Antoinette l’adorait. De l’autre côté de la Méditerranée, elle se mêle au café et au miel.
Aujourd’hui, c’est là-bas qu’on cultive la variété à parfum de la fleur d’oranger, le bigaradier. Dans le delta du Nil ou sur la côte tunisienne, chaque matin, à l’aube, en avril, d’habiles mains féminines viennent cueillir ses pétales. Ceux-ci sont transformés soit, par distillation, en essence (nommée néroli), soit, après macération, en une concrète dont on tire son absolu.
Si sa douceur en a fait l’une des odeurs les plus populaires, elle n’a investi le champ olfactif que très récemment. Bien qu’on en trouve quelques notes dans L’Heure Bleue de Guerlain, et aussi, dès 1853, dans son Eau de Cologne Impériale, il faut attendre la fin du XXe siècle pour qu’elle joue véritablement des coudes dans les flacons des grandes maisons.
Plus voluptueuse, plus enivrante…
Francis Kurkdjian l’a rendue luxueuse dans le premier parfum du couturier libanais Élie Saab ; Dominique Ropion s’est servi de ses atours pour moderniser l’écriture de l’eau de Cologne dans Cologne Indélébile, des Éditions de parfums Frédéric Malle.
Mais ce sont Anne Flipo et Daniela Andrier qui l’ont déniaisée en s’appuyant sur de nouvelles techniques d’extraction de ses molécules : on la découvre alors plus puissante, plus voluptueuse, plus enivrante. La fleur d’oranger se rapproche d’autres fleurs blanches, comme le jasmin et la tubéreuse, sans se départir de son souffle de fraîcheur rassurante.
Pour L’Interdit, de Givenchy, Anne Flipo avait déjà assemblé ces différentes facettes. Avec L’Interdit Rouge Ultime, elle réitère l’exercice en la poussant dans les retranchements de la sensualité et en en faisant une fleur nocturne carnivore.
Une vibration mutante
Daniela Andrier, elle, en fait la fleur du mâle. Jamais aucun parfumeur n’a travaillé ses variations aussi bien qu’elle. On lui doit, entre autres, cette eau de toilette considérée par toute la profession comme «la» référence des parfums : Fleur d’Oranger, de Fragonard. Elle vient de l’épauler d’un Bel Oranger.
Explications de l’impétrante : « Avant de travailler sur le projet Saint Laurent, j’avais passé un Noël à Tanger. Par hasard, nous avions loué la maison voisine de celle de Monsieur Saint Laurent. Dans mes déambulations, je sentais sa présence partout. D’où le nom de code que j’ai donné au parfum: “l’homme de Tanger”. Je voulais couper court aux clichés des jus masculins, à leur caricature. La fleur d’oranger s’y prête. Aucun ingrédient n’est aussi caméléon. Elle passe du propre au sombre, de la tendresse à l’opulence. »
La créatrice la réinvente ici en associant notes naturelles et notes de synthèse. Une nouvelle silhouette masculine surgit. Sa tessiture mèle l’ombre du couturier et la lumière montante de nos contemporains. On retrouve cette vibration mutante dans Neroli Nasimba, de Maison Crivelli. Un cuir fauve qu’on ne peut confondre avec aucun autre.
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