Voyage
Libérée de l’emprise de la mafia, administrée par un maire visionnaire et engagé, la ville de Palerme a décuplé son pouvoir de séduction. A la fois somptueuse et encore meurtrie, elle s’impose aujourd’hui comme un terrain d’exploration où art, culture et politique se rencontrent. A visiter absolument.
« Ce que nous avons fait, c’est changer le discours narratif de Palerme. Depuis deux ans tout ce qui a été publié sur elle ne parle presque uniquement que d’art, sans jamais mentionner la mafia. C’est une évolution importante pour cette ville qui était déjà remplie de trésors culturels, mais insuffisamment connus, car le récit n’était pas le bon », confie Andrea Cusumano, qui a été pendant quatre ans conseiller à la culture à la mairie de Palerme. C’est lui qui a piloté sa nomination comme capitale italienne de la culture 2018 et la venue, la même année, de Manifesta, la grande biennale européenne d’art contemporain. Plus artiste que politicien, il a quitté son poste une fois sa mission accomplie, remplacé par Adam Darawsha, un médecin palestinien qui est désormais conseiller « aux » cultures – et plus seulement à « la » culture.
« Notre intention n’était pas seulement d’accueillir Manifesta, poursuit Andrea Cusumano, mais de faire de Palerme le sujet de cet événement. » Déjà, en 2015, l’Unesco avait inscrit la Palerme arabo-normande – deux palais, trois églises, une cathédrale et un pont – et les cathédrales de Cefalù et Monreale sur la liste du patrimoine mondial. « Ce fut une reconnaissance importante, qui a accéléré la construction de notre narration, ajoute l’ancien conseiller à la culture. L’ensemble arabo-normand est certes un itinéraire esthétique, mais il illustre aussi un syncrétisme précurseur. Il dit qu’ici les cultures se sont rencontrées – non sans quelques violences –, créant un modèle unique de splendeur. Voilà ce que racontent ces monuments qui sont de styles arabe, perse, byzantin et normand, car on y trouve les influences de ces quatre cultures. Ce que l’Unesco pointe, c’est que la beauté contribue à la paix. »
Un laboratoire international
L’année 2018 fut donc le point d’orgue pour raconter le nouveau Palerme, le réinventer, en prenant appui sur la richesse de son histoire. La convergence de toutes ces initiatives a permis de booster son pouvoir d’attraction, de solidifier le réseau entre ses institutions culturelles et d’attirer des mécènes, comme le couple de collectionneurs Francesca et Massimo Valsecchi. En 2016, ils ont acheté – grâce à la vente de l’une de leurs œuvres, signée Gerhard Richter – le palais Butera pour y installer leur collection, délaissant ainsi Milan et son Mudec, auquel ils avaient d’abord envisagé de la céder.
Massimo Valsecchi n’est pas Sicilien, il est né à Gênes, puis a vécu à Londres et à Milan, mais il a choisi Palerme pour installer ce projet ambitieux. « Palerme est la porte de l’Europe, explique-t-il, le milieu de la Méditerranée. C’est à partir d’ici qu’on doit commencer à relire la politique et l’économie. Palerme existait dans un temps suspendu, offrant un terrain vide apte à absorber toute la culture et l’art qui l’entoure. C’est un laboratoire international qui est en mesure de métaboliser les cultures, les religions. C’est ce qui la rend plus capable qu’une autre ville de développer la créativité. »
L’ouverture du palais Butera dans la Kalsa a transformé le quartier. De nouveaux commerces y ont vu le jour, la Passeggiata delle Cattive – la promenade qui le longe – est maintenant entretenue et accessible toute la journée. Mais c’est tout Palerme qui est devenue plus sûre. L’une des grandes agglomérations les moins risquées d’Italie, selon un rapport de l’Istituto nazionale di statistica (Istat), avec moitié moins de crimes signalés par la police entre 2012 et 2017 qu’à Milan. C’est la troisième ville du pays visitée par les touristes italiens, l’aéroport de Palerme a doublé sa capacité en quatre ans, et quatre projets hôteliers majeurs sont en cours de réalisation. Enfin, la scène artistique ne cesse de s’enrichir. Une rumeur annonce l’ouverture d’une branche de la galerie Hauser & Wirth, et le maire glisse, non sans fierté, qu’un projet de maison de la culture arabique est envisagé par la fondation Aga Khan.
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