Horlogerie
On n’arrête pas en si bon chemin le chef Christophe Hay. Après l’obtention de 2 macarons Michelin, d’une étoile verte en 2020, le chef aurait pu se reposer sur ses lauriers acquis grâce à sa ténacité et sa mise en avant du terroir solognot. Il n’en est rien ! Il ouvrait en juin dernier Fleur de Loire à Blois, un établissement 5 étoiles, membre des Relais et Châteaux, au bord du fleuve qui abrite, entre autres bienfaits, son restaurant gastronomique estampillé 2 étoiles.
On ose à peine parler d’hôtel ici : on nous a bien répété qu’ « on ouvre une maison gastronomique ». « J’ai avant tout pensé Fleur de Loire comme un lieu de gastronomie assorti d’une vraie expérience hôtelière et bien-être », précise le chef qui a quand même investi plus de 8 millions d’euros dans ce projet.
Cuisine Grand Siècle et deux étoiles
La fierté du lieu est bel et bien le restaurant gastronomique éponyme du chef, qui a récupéré ses deux étoiles au guide Michelin dès l’automne dernier. Un sacré challenge. Les plats qui se succèdent évoquent la cuisine du Grand Siècle, comme cette carpe à la Chambord, duxelles de champignon, truffes et jus d’écrevisse, un plat complexe du répertoire ; une géline de Touraine, poulette de luxe à la chair exceptionnelle ; ou encore le fameux lièvre à la Royale.
Mais la modernité n’est pas oubliée non plus : le bœuf waygu servi ici provient directement de l’élevage du chef, situé près d’Angers. On l’aura compris, le terroir ligérien est donc largement à l’honneur…
Le décor, quant à lui, est à la hauteur : salle à l’élégance feutrée et cuisine largement ouverte faisant face à une cave. D’un côté, le regard se promène sur le fleuve et de l’autre, coule vers l’église Saint-Saturnin et ses vitraux.
Quant au restaurant Amour Blanc, nommé ainsi en hommage au poisson d’eau douce, ses grandes baies vitrées et sa terrasse permettent de savourer la vue sur la vieille ville de Blois. On a été bluffé par la qualité du menu : pithiviers de colvert droit dans ses bottes, Saint-Jacques simplement grillées – mais à la perfection – chair de tourteau en rémoulade d’endive s’acoquinant avec des agrumes de la collection maison, un maelström de saveurs qui enchantent les papilles … vite, vite, une étoile largement méritée ! Dernière trouvaille : au rez-de-chaussée, le formidable kiosque à pâtisserie, un salon de thé qui fait déjà un tabac auprès des Blésois.
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L’enfant du terroir
Il faut dire que le chef n’en est pas à son coup d’essai. Né à Vendôme, véritable enfant du terroir, il n’ignore rien, dès son plus jeune âge, de l’élevage et de la terre, des gestes et des odeurs de la ferme. Très vite, il apprend le travail de la viande et la préparation des terrines et des charcuteries aux côtés de son père boucher : une vocation est née.
Sa formation le conduit Au Rendez-Vous des Pêcheurs, une table étoilée à Blois, avant d’intégrer la brigade de Paul Bocuse. Le taulier de la gastronomie lui propose de prendre la direction des cuisines du Bistro de Paris, qui n’a rien d’un bistrot puisqu’il s’agit de la table gastronomique dans le parc thématique Epcot à Orlando, en Floride. « Il m’a appris une certaine rigueur, une ouverture d’esprit, une vraie conscience de cuisinier et le respect des produits », souffle le chef.
De retour en France, en 2007, on retrouve Christophe Hay à la tête des cuisines de l’Hôtel de Sers, puis il devient chargé de restauration d’autres établissements du groupe hôtelier B Signature Hotels & Resorts. On cite ainsi l’ouverture des restaurants de l’hôtel Edouard VII et du Bel-Ami.
Sur les bords de la Loire…
Mais, rêvant de la simplicité et de l’authenticité de son terroir et des bords de Loire. Christophe Hay se lance en achetant un restaurant à Montlivault, juste à côté de Blois. Accompagné de deux proches collaborateurs, Nicolas Aubry et Charles Bernabé, il débute l’aventure de La Maison d’à Côté en 2014.
Le succès aidant, il ouvre un petit hôtel attenant ainsi qu’une table bistronomique, Côté bistrot, la tâche est confiée à Nicolas Aubry. En 2015, La Maison d’à Côté reçoit sa première étoile Michelin, suivie d’un deuxième macaron en 2019. Sur sa lancée, le chef inaugure la même année La Table d’à Côté à Ardon, entre Orléans et la Sologne, très vite auréolée d’une première étoile.
Et puisqu’il n’en est pas à sa première accumulation, le chef “terroiriste” se voit distingué à La Maison d’à Côté d’un macaron vert en janvier 2020 par le Michelin pour l’authenticité de son travail qualifié de « gastronomie durable ». En décembre, il reçoit le titre de « Cuisinier de l’année 2021 » par le guide Gault & Millau. Soufflez.
On prend les mêmes et on recommence
En dépit de tous ses succès, Christophe Hay poursuit ses rêves…Et ferme en juin 2022 La Maison d’à Côté et Coté Bistro pour inaugurer Fleur de Loire à Blois. « J’ai avant tout pensé Fleur de Loire comme un lieu de gastronomie assorti d’une vraie expérience hôtelière et bien-être ». C’est chose faite, dans cet établissement installé dans un bâtiment construit sur ordre de Gaston d’Orléans au XVIIe siècle pour servir d’hospice…
L’élégant édifice, en forme de U, classé bâtiment de France, déploie ses 5000 m2 en bordure de la Loire (évidemment). 44 clefs dont 11 suites, un spa de 500m2, deux piscines… La déco, signée de l’architecte d’intérieur Caroline Tissier, inspirée par les couleurs de la Sologne et de la Loire, affiche des tons de gris, bleus et beiges. C’est doux, c’est serein.
Le respect de l’environnement, grand dada du chef-hôte, se traduit par une foule de détails : produits dans les salles de bain fabriqués par une savonnerie locale, la Savonnerie des Muids, les clés des chambres en bois remplacent les cartes en plastique, le mobilier de l’hôtel est issu de forêts durablement gérées et le choix de l’enseigne Sisley au spa n’est pas un hasard : le centre de production est installé tout près de Vendôme, logique de proximité !
Fleur de Loire côté biz
The Good Life. Comment ce projet a-t-il été financé ?
Christophe Hay. Le projet s’articule de deux façons : un propriétaire des murs Yvan Saumet avec un investissement à 15 millions et moi qui suis propriétaire du fond de commerce avec un investissement initial à 4 millions et final à 8.750 millions, le budget a évolué avec l’avancement des travaux et les propositions de Caroline Tissier, ma décoratrice. Je souhaitais ne rien regretter en termes de décoration, d’ambiance et de matériaux c’est pour cela que les choses ont été amenées à évoluer au fur et à mesure. Pour ce faire, nous avons fait appel à trois banques plus un peu de BPI afin de pouvoir finaliser le projet qu’est devenu Fleur de Loire maintenant.
TGL. Est-ce que c’était un grand risque ?
C.H. C’est un grand risque mais qui est maîtrisé. Je suis entouré de mon conseiller comptable de toujours, Vincent Cocuelle, avec qui j’ai passé beaucoup de temps pour finaliser les investissements. Nous avons une partie qui sera remboursée sur 7 ans et l’autre sur 15 ans en fonction des immobilisations.
TGL. Le restaurant est-il rentable ?
C.H. Un restaurant se doit d’être rentable, l’avantage pour nous est que nous avons transféré les sociétés existantes de Montlivault à Blois avec déjà une activité et une trésorerie qui étaient en place, ce qui nous permet de les faire évoluer.
Malgré tout ce qu’on pourrait croire, un restaurant gastronomique peut être rentable à condition de maîtriser chacun des éléments : coût du personnel, coût des matières et coût énergétique. L’écoresponsabilité est l’un des points essentiels et pilier de Fleur de Loire, il faut de ce fait sensibiliser les équipes et les former dans ce sens, ce qui nous permet d’être meilleur de jour en jour. Il ne faut surtout pas négliger le coût énergétique qui a explosé ces derniers mois donc ne surtout rien lâcher et être encore plus vigilant avec chacun.
TGL. Les coûts au quotidien, le potager, les fournisseurs, la qualité ?
C.H. Les coûts ont complètement explosé ces dernières années, nous travaillons essentiellement avec nos petits producteurs locaux avec une qualité exceptionnelle des produits et un achat au prix non négocié pour leur permettre d’évoluer à nos côtés. Plus le produit est extra frais, mieux il se garde et moins nous avons de pertes. Nous avons beaucoup de chance d’être dans une région extrêmement riche en produits, nous sommes dans une région agricole et surtout le jardin de la France. Le potager n’est pour moi ni un moyen de communication, ni un moyen financier mais il appartient aujourd’hui à notre philosophie culinaire.
Nous avons 1.5 hectares avec un investissement de 250 000 € pour permettre à Alain Gaillard (notre jardinier) d’avoir un joli terrain de jeu, il s’articule de plusieurs façons : une aspergeraie avec une vingtaine de variétés différentes, un verger où nous avons replanté des pommiers et poiriers anciens de la région, mais aussi des petits fruits du monde, des poivriers etc… Avec une serre de 3000m2 et un potager, le but étant d’être complètement autonome dans la production.
Les producteurs, l’un des secrets d’une bonne table
La réussite du chef revient aussi, en partie, au véritable réseau tentaculaire de producteurs irréprochables dont il sait s’entourer. Ainsi, lors de la conception de ses plats, Christophe Hay n’oublie jamais de leur rendre hommage en citant le sourcing.
La Loire offrant une formidable diversité piscicole, il réhabilite dans ses assiettes ses poissons : l’alose, le sandre, le brochet, la lamproie, le mulet ou encore la carpe, avec la complicité de Sylvain Arnoult, l’un des derniers pêcheurs professionnels de la Loire. Fini les poissons de mer : ici, Christophe Hay rend uniquement hommage à l’eau douce.
Fini les poissons de mer : ici, Christophe Hay rend uniquement hommage à l’eau douce avec Sylvain Arounlt, l’un des derniers pêcheurs professionnels de la Loire.
Les vins de Loire biologiques sont élaborés en biodynamie par Noëlla Morantin, du domaine Bois Lucas, un principe qu’elle applique à chacune de ses parcelles (6 hectares). Les vins de Cheverny bio et naturels proviennent du Clos du Tue-Bœuf des Frères Puzelat. Depuis le XVee siècle, la famille Puzelat est installée au Clos du Tue-Bœuf. En 1996, Thierry et Jean-Marie Puzelat ont converti le domaine familial au vin biologique et naturel.
Le caviar vient de la Maison Hennequart, en Sologne, où Vincent et Patricia Hennequart se consacrent à l’élevage d’esturgeons baeri, d’origine sibérienne et adaptés aux étangs de Sologne.
Le fromage de chèvre, lui, arrive de de la ferme Bréviande de Sylvie et Jean-Christophe Durepaire, en agriculture biologique depuis 1964 où la production suit les saisons. Marie-Anne Mignot et Jean-Pierre Chaussard, basés en Sologne, fournissent le miel et les truffes mais aussi d’incroyables écrevisses « Pattes-grêles »… La liste est longue, précise, délicieuse.
Pas question de se reposer sur ses lauriers. Le 21 mars prochain, un « 4 mains » est prévu avec Christophe Hay accompagné deux MOF et un champion du monde de dessert. Les chefs Gilles Reinhardt, Olivier Couvin et Vincent Leroux du célèbre restaurant Paul Bocuse vont se retrouver à Fleur de Loire. La promesse d’un grand moment à fleur de peau, en bord de Loire.
A.F-M.
Combien coûte une nuit à l’hôtel Fleur de Loire à Blois ?
Pour dormir à Blois dans l’hôtel de Christophe Hay, il faut mettre un peu la main à la poche. Pour une chambre double, il faut compter environ 300 euros, selon la période et la disponibilité. Pour une suite, compter entre 500 et 1000 euros la nuit.
Fleur de Loire, Hôtel, Spa & Restaurants,
Quai Villebois Mareuil,
41000 Blois, France
Nuit à partir d’environ 300 €
Restaurant Amour Blanc : plats à partir de 27€, desserts à partir 16€.
Restaurant gastronomique Christophe Hay : menus à partir de 98€
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