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Historien de formation, l’ancien directeur du palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris, réconcilie le chausseur J. M. Weston avec son passé. Il nous livre sa vision des choses.
Le 5 septembre, pour la deuxième année consécutive, Weston donnait un bal de rentrée dans la cour de la caserne de la garde républicaine –dont le chausseur fournit les bottes depuis 1975 –, à Paris. Une soirée originale, imaginée par Olivier Saillard, son directeur artistique, image et culture depuis 2018, qui cherchait, ici, à célébrer l’art de la marche et à offrir quelques pas de danse aux amis et clients de la maison, avec la complicité des chorégraphes Mathilde Monnier, Thibault Lac et Sophie Lenoir.
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Qui est Olivier Saillard ?
Depuis cinq ans, l’ancien directeur du palais Galliera aborde son nouveau métier avec beaucoup de bon sens. Une fois nommé, il ne s’est pas senti pousser des ailes de designer. Simplement, il édite des collections qui soulignent l’artisanat, les savoir-faire, le passé, la singularité, les souliers emblématiques de cette maison, sur un ton inspiré et décalé renforçant la pertinence de son propos.
The Good Life a rencontré Olivier Saillard, directeur artistique de Weston
The Good Life : Quel (premier) bilan tirez-vous de ce pas de côté chez Weston depuis 2018, par rapport à votre formation d’historien et à votre carrière jusqu’alors dans des musées, à Marseille puis à Paris ?
Olivier Saillard : En arrivant, je m’étais dit que je devais absolument apprendre à dessiner des chaussures et, très vite, je me suis aperçu que cela n’était pas nécessaire, qu’il valait mieux comprendre comment elles étaient montées, aller à la manufacture, à Limoges, regarder faire les artisans, suggérer des idées en cours de fabrication et composer avec des formes existantes, sachant que la conception d’une toute nouvelle forme réclamerait deux ans de développement.
J’ai rapidement réalisé qu’ici on ne lançait pas une nouvelle chaussure, contrairement aux marques de mode qui créent de nouveaux modèles pour chaque défilé. Le rythme de Weston s’apparente plus au temps d’un horloger qu’à celui d’une griffe de prêt-à-porter. Cette approche m’a tout de suite plu.
Et puis, j’ai commencé à apprendre un vocabulaire spécifique, à découvrir quelle incidence il y avait à faire évoluer une forme, à modifier une tige… ne serait-ce que de quelques millimètres.
En résumé, vous créez à partir de l’existant en tenant compte du passé…
O.S. : Dès le départ, je me suis effectivement appuyé sur ce qui marchait le mieux. Je n’allais pas révolutionner une maison qui compte onze modèles emblématiques parmi ses souliers les plus vendus. D’emblée, j’ai abordé les choses différemment, en considérant ces modèles comme autant de notes de musique avec lesquelles nous allions pouvoir jouer, afin d’hybrider leurs détails caractéristiques et donner jour à d’autres souliers.
Par exemple, nous avons monté le mocassin sur une triple semelle. Nous avons fusionné un modèle golf avec des bottines montantes. Dans le style de chacun, je retiens ce qu’il y a de plus saillant. Et ces hybridations fonctionnent très bien. La nouvelle ligne de baskets connaît également un joli succès, mais pas auprès des jeunes générations comme d’aucuns l’avaient imaginé. Les nouveaux clients viennent tout d’abord chercher les icônes de la maison.
Et ce sont des hommes un peu plus âgés, souvent à l’occasion d’un deuxième achat, qui craquent pour nos baskets. Ce segment de produits s’est bien développé au cours des dernières années. Il est devenu plus important, tout en respectant les contingences de la manufacture de Limoges. Chez Weston, on ne peut pas éditer sans cesse des nouveautés. Il y a déjà les modèles récurrents à produire. Les capacités de l’entreprise imposent une forme d’écoresponsabilité en matière de création.
Cela renvoie à une période que j’aime bien dans l’histoire de la maison, quand le fils du fondateur est rentré des États-Unis, dans les années 1920 et qu’il a décidé de diviser la production journalière de la manufacture par quatre, la faisant passer de 600 à 150 paires, afin d’élever le niveau de qualité. Un siècle plus tard, il y a toujours cette idée que l’on doit se limiter, ne pas dépasser un certain volume de production, sinon ce ne sera plus l’esprit de Weston.
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Cette maison a vraiment une trajectoire à part. Que pouvez-vous nous en dire ?
O.S. : Naguère, on disait de Weston que c’était une marque de chaussures qui durent. Aujourd’hui, j’aime reprendre cette idée, refaire des collections à partir de modèles qui existent déjà et, lorsqu’on lance un tout nouveau modèle, donner l’impression que ce dernier existe depuis longtemps. Et puis, si je devais faire le lien avec mon métier d’historien, je reviens toujours aux archives.
C’est là que je trouve les meilleures idées. Au début de ma collaboration, j’avoue que je regardais un peu ce qui se faisait ailleurs, que je me constituais des dossiers de tendance… Mais ce n’est pas la bonne direction pour cette maison. Ses clients sont fidèles à un style et, y compris les plus jeunes, viennent ici chercher des modèles emblématiques.
Vous avez également lancé, en 2020, Weston Vintage, qui invite les clients à retourner les paires qu’ils ne chaussent plus, afin de les restaurer et de les remettre en vente.
Olivier Saillard, comment avez-vous eu l’idée de ce recyclage, plutôt insolite dans le monde du luxe ?
O.S. : L’idée m’est venue au Japon, deuxième marché de Weston, où je m’étais rendu à plusieurs reprises, juste après ma nomination. Là-bas, j’avais remarqué qu’on trouvait de nombreuses paires de la marque dans des échoppes de seconde main. Ces chaussures étaient plutôt très bien entretenues, avec une belle patine à l’extérieur, tandis que leur intérieur était très fatigué.
J’ai alors imaginé que nous pourrions les restaurer et que cela séduirait de jeunes gens, car ces souliers seraient moins chers que des neufs. Or, il se trouve que les Weston Vintage plaisent aussi à une clientèle plus mature, car ces chaussures sont « faites ». Elles sont confortables dès la première fois qu’on les enfile… J’aime de plus en plus cette idée de chaussures qui traversent le temps, que l’on garde toute sa vie.
Récemment, j’ai fait ressemeler une paire de Chasse à laquelle je tenais beaucoup ; elles sont revenues encore plus belles des ateliers de Limoges ! Il est plus que jamais évident que je n’aurais pas été aussi heureux dans une maison qui aurait attendu de moi que je crée sans cesse des nouveautés.
Les chaussures d’homme ne modifient pas la silhouette comme les escarpins que portent les femmes. Mais ontelles tout de même une grande importance dans le look, l’allure générale ?
O.S. : Leur importance est capitale. Je me souviens qu’un ami, autrefois portier dans une boîte de nuit, m’avait confié que le meilleur indice pour filtrer des inconnus était de regarder leurs pieds. Choisies, entretenues, bien lacées ou pas, les chaussures racontent toujours quelque chose de la personne qui les porte.
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