Architecture
The Good City
De passage à Noukous, en Ouzbékistan, The Good Life en a profité pour visiter le musée Savitsky, le « Louvre des Steppes ».
C’est un musée du bout du monde, balayé par les vents et les tempêtes de sable du désert Karakalpak. À plus de 800 km de Tachkent, à Noukous, en Ouzbékistan, le musée Savitsky se mérite. Ouvert en 1966, il rassemble l’une des plus grandes collections d’art d’avant‑garde russe qui serait, dit‑on, la deuxième au monde après celle du Musée Russe de Saint‑Pétersbourg. On le doit à la lucidité, ou à la folie, d’un homme : Igor Savitsky (1915‑1984).
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Un musée en Ouzbékistan
L’institution ouvre sous le nom de musée d’État des Arts de Karakalpakie et présente des objets (tissus, bijoux, cuir…) de la région et de l’ancien Khorezm. Une section Arts plastiques est vite ajoutée. Le collectionneur s’intéresse alors aux œuvres avant‑gardistes des années 1920‑1930, interdites par le régime soviétique, car non conformes aux principes idéologiques de l’art officiel.
Il ratisse d’abord l’Ouzbékistan, où s’était développé un courant orientaliste, puis élargit ses recherches à Moscou, où il court d’un atelier à l’autre. Les purges staliniennes ont fait taire de nombreux artistes, certains furent envoyés au goulag, d’autres sont devenus des dissidents. Leurs œuvres restent cachées (parfois roulées dans des barreaux de chaise !) ou croupissent dans l’oubli.
Igor Savitsky achète tout ce qu’il peut, des esquisses aux tableaux – ce qui explique, parfois, l’inégalité des pièces. Il jongle avec les finances et ruse souvent avec les autorités. Une légende de tableau est modifiée, un artiste devient parfois « inconnu »… Il en va de la sécurité de tous. Loin de l’œil de Moscou, pourtant, il a plus de liberté. D’autant que Noukous est une « ville fermée », interdite aux étrangers – on y prépare des essais chimiques…
À sa mort, Igor Savitsky laisse entre 80 000 et 90 000 pièces, d’artistes souvent méconnus, d’autres un peu moins. Il y a là Alexandre Nikolaïev, appelé Ousto‑Moumime, Alexandre Volkov, Rouvim Mazel, Robert Falk, Alexandre Chevtchenko… Marinaka Babanazarova, qui a travaillé avec le collectionneur frénétique, a défendu le musée pendant plus de trente ans, à l’époque où personne ne s’y intéressait. La directrice a dû quitter ses fonctions en 2015.
Depuis, le musée a perdu sa boussole. La direction change régulièrement. Aujourd’hui, le visiteur reste sur sa faim. Une partie infime des collections est accrochée aux murs. Les guides sont à peine formés et aucune consolation n’est à attendre de la boutique, poussiéreuse. Les deux livres consacrés au musée, des éditions Assouline, n’y sont même pas proposés.
La Fondation ACDF (Uzbekistan Art and Culture Development Foundation) est responsable du musée. Elle semble plus tournée vers son image à l’étranger que par la valorisation, sur place, de ce trésor unique, au cœur des steppes.
Musée Savitsky, Noukous, Ouzbékistan
116 Rachidov Street.
Museum.kr.uz
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