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The Good Business
Coffres-forts à mignonettes proposant cacahuètes à prix d’or et demi-bouteille de champagne industriel, les mini-bars sont-ils voués à disparaître ? A rebours des grands groupes hôteliers, quelques irréductibles tentent avec un certain brio de les métamorphoser.
Au cœur de l’hiver 2022, le groupe Accor annonçait la mise hors service de 51 000 mini-bars dans ses hôtels Novotel et Mercure. La version officielle : « une économie d’énergie de 7,5 GWh, ce qui équivaut à la consommation électrique annuelle de 1 600 foyers », souligne l’entreprise. L’officieuse : un service obligatoire – en fonction d’un certain standing – peu rentable, exigeant une logistique fastidieuse et basé sur la confiance.
En cas de litige, comment savoir si la disparition de ces 37,5 cl. de Veuve Clicquot doit être mis sur le compte d’une pince assoiffée ou d’une femme de chambre oublieuse ? Se voir accusé de rapt au moment du check-out a de grandes chances de vous laisser comme seul et unique souvenir de votre séjour une certaine amertume, ce qui reste pour l’établissement la promesse d’un adieu au détriment d’un déchirant au revoir.
Là réside toute la perversité du système : afin de compenser le manque à gagner des biscuits gobés sans jamais être facturés, les hôtels se voient dans l’obligation d’appliquer des tarifs qui dissuadent les clients honnêtes d’y toucher, et encouragent les petits voyous à filouter.
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Lassitude du plein, éloge du vide
En l’espace de 15 ans, Adrien Gloaguen, fondateur du groupe Touriste, qui comptabilise une bonne poignée d’établissements parisiens, n’a jamais connu « une explosion de la consommation des mini-bars dans mes hôtels ». Attirant une clientèle de foodistas davantage que des couples de Néerlandais lorgnant sur la dépense, nombre d’enseignes ont dû adapter leur offre à la demande, à savoir… des frigos vides.
« Beaucoup proposent désormais des minibars sans aucun produit, destinés à être remplis pendant le séjour », souligne l’hôtelier. Si selon lui le combo camembert-bouteille de rouge au Casino du coin a singulièrement la cote, il nous est arrivé d’assister (personnellement) à des situations plus étonnantes, à l’instar du Generator, boutique hôtel du 10ème arrondissement, qui propose un rayon épicerie digne d’un Daily Monop’ — mais en sécurité derrière la réception.
Une façon plutôt habile de se prémunir des larcins, et de tirer avantage de la moindre fringale nocturne qui surviendrait après la fermeture des kebabs. En matière de tarif, il faut là encore jouer des coudes : « Nous adaptons nos prix en fonction du standing et le groupe internalise les pertes, déplore Adrien Gloaguen. Même dans les hôtels estampillés palaces, les mini-bars sont loin d’être profitables ».
L’offre des mini-bars d’hôtels devient healthy et locale
Pour ceux qui ne parviennent pas à imaginer leur parc de mini-bars finir à la benne, l’une des parades consiste à diversifier leur offre, tablant sur des produits plus sains et sourcés localement. Une option parfois contrainte par les obligations du groupe, nous rappelle Logan Thouillez, chef sommelier du Duende, restaurant étoilé de l’hôtel Impérator, à Nîmes : « Le mini-bar est un service que l’on se doit de proposer dans un hôtel. L’offre est peu renouvelée car dans notre cas, le groupe dispose de contrats sur certains des produits, qui sont par conséquent uniformes. En revanche la sélection est fortement influencée par la cohérence géographique, en essayant de privilégier un maximum le local ».
Une ouverture du marché profitable à de petites marques qui voient dans les hôtels une façon de sortir de l’anonymat. « Nous sommes extrêmement démarchés, reconnaît Adrien Gloaguen, mais nous essayons de nous éloigner des marques de grande distribution : bières artisanales, confiserie A la mère de famille, chips madrilènes Superbon… Nous avons même développé notre propre gamme de chocolat ! ».
Côté liquides, les cocktails en prémix dépassent désormais le sempiternel demi de bulles pour des clients ravis de s’envoyer une ou deux Margaritas en bouteilles avant de sortir affronter la nuit parisienne. Un renouvellement qui avantage les marques davantage que les hôtels : « Les produits de mini-bars sont désormais devenus un bonus en termes de communication et marketing, conclut Adrien Gloaguen. Mais le chiffre d’affaires qui s’en dégage est négligeable ». Un constat qui tend à laisser penser que le mini-bar restera, contre vents et marées, l’éternel incompris de l’hôtellerie moderne.
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