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The Good News
Ce concepteur passionné était responsable du design prospectif pour le constructeur français avant de prendre la tête du style. Au cœur de l’ADN de Stellantis, autour du très futuriste concept-car Inception, nous avons parlé héritage, avions furtifs et conduite autonome…
Des cloisons de partitions dans les immenses plateaux des studios de design de Stellantis abritent des regards des projets que l’on cherche à deviner à grand-peine. Alors que sortent les 3008 et 5008, premiers modèles de série intégrant vraiment la patte de Matthias Hossann, directeur du style de la marque de Sochaux depuis 2019, où va donc Peugeot ?
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Accélérateur de style chez Peugeot
Certaines des clés de lecture sont peut-être à trouver dans le concept-car Inception, présenté l’an passé au salon high-tech CES de Las Vegas, qui joue bien son rôle de laboratoire d’idées. Un exercice que Matthias Hossann connaît bien, lui qui a supervisé la création de nombreux concepts, dont le très remarqué e-Legend (2018), revival moderne de la sublime 504 coupé, qui avait fait l’unanimité. Une forme de nostalgie qu’il ne cherche pourtant pas à cultiver.
« Peugeot est l’une des marques les plus anciennes du monde, commence-t-il. Je pense que nous avons autre chose à raconter que simplement du rétro-design. Nous cherchons à puiser dans notre héritage, nos fondations, pour imaginer la voiture de demain, avec notre langage design appelé Feline Future, cultivant la posture du lion, très dynamique. Nous sommes décomplexés face à l’idée de projeter cette marque dans le futur. Respecter notre héritage tout en le twistant, c’est tout à fait compatible. Ma direction me demande de sortir de toute sorte de conservatisme, d’expérimenter, de tester. Nous avons carte blanche. »
Une voie donc tracée bien différemment de ce que fait Renault avec sa R5 et ses futures 4L et Twingo : le paysage automobile de demain n’en sera que plus varié. Chaque année, les équipes de design des marques du groupe Stellantis présentent à leur grand patron, Carlos Tavares, leurs orientations esthétiques au moyen de concept-cars internes, des manifestes qui ne seront pas montrés au public.
Chacune a son territoire et, pour Peugeot, il s’agit de monter en qualité – un travail entamé il y a 10 ans – pour arriver à un positionnement dit upper mainstream. Mais quid des codes automobiles classiques au moment de l’avènement progressif de l’électrique ?
« Je demeure persuadé que nous aurons toujours des clients amateurs de belles carrosseries, de belles formes ; l’électrique reste une énergie. Mais nous pourrons avoir des morphologies plus fortes pour typer les marques, comme au sein du groupe Stellantis, certaines avec des canons esthétiques plus classiques, d’autres, en rupture », explique Matthias Hossann. La question est celle du degré de liberté stylistique permis, en théorie, par l’architecture d’une voiture électrique, que le designer français analyse à sa façon.
« L’électrique pose plusieurs questions, dit-il. Il y a un mythe du véhicule électrique qui dit qu’il n’y aurait que les batteries à prendre en compte, mais il y a aussi des moteurs à positionner, des câbles ou encore des boîtiers de contrôle. Pour moi, nous sommes dans une période de transition de morphologie. Bien entendu, en matière de design, nous voudrions aller plus loin, à commencer par l’intérieur, où l’on passe le plus de temps. Il est urgent de pousser les murs pour dégager de l’espace pour le conducteur et les passagers et offrir une nouvelle expérience. »
Matthias Hossann poursuit : « C’est ce que nous pouvons voir avec Inception, un beau coupé Peugeot ambivalent avec un pare-brise qui va loin devant et un montant de baie reculé. C’est aussi un enjeu : auparavant, nous étions catégorisés selon le nombre de cylindres pour être premium ou luxe. Aujourd’hui, c’est différent, la notion de puissance a quasiment disparu. Je pense que demain ce sera le design, l’esthétique et les matériaux utilisés qui feront la différence. »
Résultat : alors que les tests cliniques révèlent un imaginaire autour d’un véhicule électrique rond et lisse, le concept Inception a donné une autre approche aux clients-test, avec sa carrosserie efficiente, mais qui ne subit pas l’aérodynamique. « Un tracé sensuel dans certaines zones, mais assez dessiné, sharp dans d’autres », décrit-il, avant de prendre l’image d’un avion de chasse furtif fendant l’air…
Parfum de nouveauté
En tout cas, voilà une belle période à vivre pour un designer automobile. Matthias Hossann en est persuadé : « Nous n’avons jamais connu cela dans notre secteur : revoir la manière de produire des voitures, l’énergie, les matériaux. C’est là que nous dépassons le simple stade du stylisme, c’est un vrai travail de design, une expérience à 360°, qui touche au son, à l’univers olfactif. »
Ainsi, pour accompagner le silence du moteur électrique, à la simulation d’un moteur thermique, il préfère penser un autre univers, ni trop présent ni trop artificiel, avec la subtilité d’un parfum. L’habitacle est un grand terrain de jeu pour les équipes de design, des couleurs et des matières. « Je crée de plus en plus de ponts entre les designers intérieurs et ceux des couleurs et matières, confirme Matthias Hossann. J’aime l’univers du mobilier : pour avoir un geste clair, les designers partent souvent de la matière. »
Il demande à ses équipes de chercher l’inspiration en dehors de l’automobile, comme l’architecture ou la mode, à la rencontre de créateurs, d’artistes pour trouver de nouveaux territoires d’expression. Ainsi le travail avec le street-artist J. Demsky sur la voiture de courses d’endurance 9X8 ou la veste en collab avec 3.
Paradis faite de matières souples en impression 3D. Des matériaux d’habitude cachés s’invitent à bord des concepts, comme l’acier galvanisé brut, les poches de réglages de sièges, des matières à base de chutes de textile… Autre point d’importance : la juste place des écrans.
« Nous sommes dans une période intermédiaire, indique-t-il. Je ne crois pas à la multiplication des surfaces d’affichage. Lors de phases de conduite autonome, on peut laisser le choix d’être soit en mode contemplatif, soit avec un écran qui se déploie. »
La conduite autonome ? « Je me laisserais conduire en mode autonome, ce qui peut, je pense, redynamiser l’expérience en laissant le choix de ses moments de conduite. » De quoi garder un vrai enthousiasme, alors que le boss du design de la marque au lion assure que des choses surprenantes sont en préparation. Difficile de résister, mais nous n’avons pas été jeter un coup d’œil derrière les cloisons du studio…
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