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Labels parisiens : la mode décodée - Good Boom
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The Good Business

Les labels parisiens : la mode décodée

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Achète-t-on un vêtement ou une communauté de marques ? Depuis dix ans, de nouveaux labels parisiens imposent leurs qualités et leur éthique autant que leurs fondateurs charismatiques. Nouveautés : l’émergence de l’unisexe et de silhouettes de plus en plus androgynes. Toutes les esthétiques sont dans l’air.

Dans une galaxie mode encombrée et versatile, des comètes pleines d’une belle énergie apparaissent régulièrement dans le ciel de la capitale – leur exploit est à saluer, surtout pour celles qui ne sortent pas du sérail du prêt-àporter. L’emballement est perceptible à travers ces labels qui inondent Paris et l’incluent dans leur business-plan. On ne compte plus les sweats « Je t’aime Paris », « Au Parc », « Clubs de Parisiens » ; ni les marques géographiquement identifiables, comme Bleu de Paname ou Commune de Paris 1871.

Pour se faire un nom, ces nouveaux labels misent sur la fabrication artisanale, la qualité des tissus, les prix serrés, et attendent énormément du numérique. Et afin de répondre aux aspirations de leur communauté de Millennials, ils se veulent adeptes de la transparence et communiquent volontiers sur leurs coûts de fabrication. « Ces marques ont développé un discours autour de leurs contraintes. Maison Standards intègre ses marges pour offrir un prix abordable et explique ses matières. Cela donne confiance au consommateur, qui ne voit pas forcément le produit quand la boutique n’existe pas », observe Gilles Lasbordes, directeur de Première Vision, salon qui présente les tendances de la mode et du textile.

Le marketing numérique est le nerf de la guerre, et les enseignes divulguent leurs thèmes éthiques préférés, sans oublier la vie personnelle du fondateur. Cependant, malgré leur bonne volonté, quelles sont leurs chances pour ces marques de ne pas faire que passer dans le monde de la mode ?

Octobre Editions, la marque masculine de la fondatrice de Sézane, Morgane Sézalory.
Octobre Editions, la marque masculine de la fondatrice de Sézane, Morgane Sézalory. DR

 

Labels parisiens : les limites de l’univers numérique

« Le numérique a eu une telle incidence sur la consommation qu’il a tout bouleversé. Aussi, la création d’entreprises liées à la mode est favorisée en France, où il existe un écosystème solide. Ecoles de commerce ou de mode qui préparent les talents, professionnels qui les repèrent, Fashion Week parisienne de renommée mondiale, maisons de luxe qui donnent envie ou succès fulgurants, comme ceux d’AMI ou d’Officine générale : tout cela concourt à l’émergence de nouvelles marques », note Gilles labordes.

Selon lui, la problématique trouverait ses origines dans la gestion et le financement : « Les barrières sont hautes, et ceux qui lancent un monoproduit doivent inéluctablement l’enrichir. La vente en ligne ne suffit pas, il faut des boutiques. Or, les multimarques peinent en ce moment, et les grands magasins ou des sites comme Mr Porter sont hypersélectifs et qualitatifs. » La très courtisée fashion editor des Galeries Lafayette, Alix Morabito, observe l’explosion de ces griffes qui ont vite comblé le vide existant entre les grandes enseignes du luxe et le mass-market : « Toutefois, les marges de ces marques attachées à la qualité des tissus et de la fabrication sont moindres. Leur faiblesse est de ne pouvoir dégager assez d’argent pour se développer, sauf à faire du volume. Mais en agissant ainsi, la qualité, et par là même leur image, peut en pâtir. »

La marque AMI est devenue un exemple de réussite bien menée. Parti de rien, son fondateur, Alexandre Mattiussi, a su créer un univers émotionnel, un projet cohérent, un message fort et contrôlé qui touchent le consommateur. « C’est toute la différence entre se développer et exploser les compteurs. Ces fondateurs sont dans le bon timing, note Alix Morabito. Parfois, leurs produits ne sont pas très créatifs, mais leur univers l’est énormément. »

AMI, Printemps/Eté 2018.
AMI, Printemps/Eté 2018. DR

Finance et visibilité

Les jeunes entrepreneurs doivent passer le cap des quatre ans avant de pouvoir souffler. Or, pendant ce temps, les chausse-trapes sont nombreuses : croissance mal maîtrisée, diversification ratée, rythme aléatoire des nouveautés… La survie de leur société tient aussi à des levées de fonds régulières ou à l’appui financier d’associés patients. Une fois sélectionnée, la nouvelle petite marque doit prouver la force de son univers créatif en trois saisons, avant de décrocher le convoité corner d’un grand magasin.

Karen Vernet, directrice du marché homme-déco-marque propre du Printemps, nous confie : « L’idée est de soutenir les marques émergentes et de leur donner les moyens de perdurer. C’est le rôle du Printemps, en tant que sélectionneur et dénicheur de talents. Mais les cycles de mode étant de plus en plus courts, les marques sortantes et entrantes sont de plus en plus nombreuses. » L’œil très avisé de Karen Vernet s’est notamment posé sur la créativité de 13 Bonaparte, parisien et masculin, installé dans le Haut Marais.

Cette marque a aussi développé une ligne de jeans féminins. « Aux Galeries Lafayette, nous avons l’intuition des marques qui peuvent durer, mais il nous arrive de nous tromper, avoue Alix Morabito. De toute façon, les compétences variées, le charisme du fondateur, la persévérance de son message et la création de boutiques sont nécessaires à la viabilité de la marque. » Les Galeries Lafayette testent actuellement Avoc, Cuisse de grenouille, Etudes et Bleu de Paname. Autrement dit, des marques qui brouillent les codes des genres. On signale même le port du chignon, aussi unisexe qu’un jean, désormais.

Commune de Paris 1871.
Commune de Paris 1871. DR

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