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Le Leitz-Park, à Wetzlar, dans le Land de la Hesse, en Allemagne, réunit tout l’univers Leica, avec musée, centre d’art, restaurant, hôtel, ainsi que la manufacture. Cette dernière, centrée sur la fabrication de jumelles et d’appareils photo de plus en plus intelligents, est entourée d’ateliers et du Leitz Ciné, qui élabore les objectifs pour le cinéma.
Expert en optique de précision depuis 1849, Leica est dirigé par Ernst Leitz II lorsque, en 1913, son jeune collaborateur également photographe, Oskar Barnack, conçoit le Leica Ur au format 24×36 mm. Ce prototype primitif renvoie illico à la préhistoire les pesants appareils à plaques de verre et trépieds.
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En 1923, le Leica Série 0 est fabriqué à vingt-cinq exemplaires testés par quelques privilégiés. Le design ne bougera plus. En 1925 déboule le Leica I, chouchou de générations de reporters. Cet appareil de poche accompagnera Henri Cartier-Bresson, André Kertész, Robert Capa, Walker Evans ou Elliott Erwitt, et aujourd’hui Sebastião Salgado, Raymond Depardon et d’autres stars de la photo.
Ainsi, l’Ur est l’aïeul direct des Leica à objectifs interchangeables, télémètres ou pellicules intégrées. Argentiques, analogiques ou numériques, les iconiques séries M, à visée télémétrique, SL ou Q ont toujours leurs fans.
Manufacture sensible
Au cœur de l’esplanade du Leitz-Park s’élève le siège bâti en 2014. Sa sévère silhouette dessine les deux fûts d’une jumelle et ses fenêtres forment une pellicule de film. Au creux de l’architecture: la manufacture. D’une blancheur de lait, cette mécanique sensible craint la moindre vibration, une chaleur excessive et même un grain de poussière.
On parcourt les ateliers sur la pointe de nos pieds décontaminés enrobés de chaussons. D’abord, on croise les peausseries destinées au corps des appareils photo et les plaques de métal pour pièces détachées, près de l’unité de production des objectifs, en laiton ou alulaiton, qui résistent à la température.
La haute précision de cet assemblage garantit au photographe la longévité de ses objectifs jusqu’à quatre-vingts ans, avec notamment leur appairage à l’oreille: un technicien manipule la pièce jusqu’à ce qu’elle tourne sans effort ni bruit. Vient ensuite l’atelier de prototypage et d’outillage.
Régulièrement, un modèle est amélioré et son volume réduit, ce qui oblige à repenser la configuration des 1500 pièces intérieures. Un premier exemplaire est alors réalisé sur la base de plans, puis les robots entrent en action: équipés de 250 outils, ils taillent le produit à une vitesse folle dans la masse de métal gravée du numéro de série, au nom du client ou avec sa signature.
Chaque prototype nécessite de nouveaux instruments. Ainsi du M dont les capteurs numérotés ont motivé la mise au point de machines spécifiques. «Nous avons ajouté des filtres sur le capteur du M11 et imaginé pour lui des hottes d’aspiration de la poussière», explique un technicien.
Leica : leader mondial de l’optique
L’optique demeurant le cœur du métier de Leica, les artisans qui travaillent les lentilles en verre pour les objectifs jusqu’à leur assemblage, les réalisant parfois à la main, sont un trésor vivant. Chaque lentille varie en taille, géométrie, type de verre ou tolérance.
Pour une lentille «simple», compter huit semaines avant montage.Une double lentille, plus complexe, douze semaines. Produire une surface en verre sphérique de 3 à 5 microns qui sert à diriger le flux lumineux n’est pas donné à tout le monde. En tailler plusieurs et les combiner à l’intérieur de l’objectif selon la formule optique choisie est un exploit.
Ainsi, l’apport de lentilles apochromatiques engendre des teintes merveilleuses grâce à la modification des longueurs d’onde des couleurs primaires. Une fois polie, la surface concave ou convexe de ces verres s’affine à… 0,1 micron. Puis, repolie à la poudre magnétique, elle devient asphérique, améliorant ainsi la qualité de l’image à n’importe quelle distance de mise au point.
Un procédé exclusif
La tranche en verre de 0,1 micron laquée de noir au pinceau et à la main par un technicien chevronné supprime les lumières parasites. Et puis? Vient le passage au four, où de la vapeur déposée en couches augmente la transmission lumineuse et le rendu des couleurs (ces mêmes irisations colorent nos lunettes de vue).
Sans oublier un traitement dans la « planète », une machine qui ajoute neuf couches d’antiréflexion sur 200 lentilles sous cloche remuées façon hula hoop. Si une poussière se loge dedans, c’est fichu. Collées ensemble à différentes températures en fonction de leurs caractéristiques, ces lentilles modifieront la trajectoire des rayons tout en améliorant l’image. Centrées, nettoyées, elles sèchent ensuite durant 48heures.
Enfin, la manufacture allemande ajoute l’électronique de précision sur la ligne de production de l’autofocus SL, fabriqué par l’usine de Porta da Vila, au Portugal, qui l’adresse en pièces détachées dans des caisses protectrices traçables. Une machine vérifie notamment la fiabilité de chaque lentille à l’intérieur du boîtier.
Une poussière malvenue? « Nous devons parfois démonter jusqu’à dix lentilles. Chacune doit être alignée dans l’axe et centrée. Un technicien muni de minuscules tournevis traque les lentilles désaxées en manipulant des vis quasi invisibles à l’œil nu », explique le chef du département.
Montage, calage des capteurs, assemblage du corps de l’appareil sont effectués et ses fonctionnalités, testées : lumière, vitesse, consommation de la batterie, flash ou wi-fi. Les télémètres sont aussi réglés en hauteur et en largeur, puisque l’utilisateur tourne son appareil dans tous les sens pour prendre une photo. Luxe suprême : chaque produit Leica peut être retracé depuis la Série 0 de 1923!
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