Aventures
The Good Culture
Depuis 1986, le Marathon des Sables et ses déclinaisons « Half », nées en 2017, font fantasmer les aventuriers et coureurs du monde entier. À la magie du désert et au défi sportif qu’ils imposent s’ajoute une expérience humaine et sociale sans commune mesure.
Quelque part dans le Sahara sud marocain, deux hommes se requinquent d’un plat lyophilisé après une journée passée à travers dunes, oueds asséchés et collines rocailleuses. L’un est américain, éminent producteur de cinéma à Hollywood ; l’autre est français, magasinier dans une usine automobile.
A lire aussi : Du trail à la mode : la success story inédite de Hoka
Aucun des deux ne parle la langue de l’autre. Mais d’un geste ou d’une mimique, ils refont le film de leur périple. De retour en France, l’ouvrier apprend l’anglais. Et quelques mois plus tard, il traverse l’Atlantique pour des vacances à Los Angeles, dans la villa de son nouvel ami. Un voyage estival devenu un rituel.
Cette improbable amitié résume la quintessence du Marathon des Sables (MDS), cet ultratrail de 250 km, fractionné en six étapes, couru en avril sous une chaleur du diable (50 °C), sac de 5 à 8 kg au dos et en autosuffisance alimentaire – eau, tente et assistance médicale sont fournies par l’organisateur.
Fondée en 1986 (23 participants), à une époque où la course à pied n’est ni une mode ni un business, cette épreuve rebaptisée cette année « The Legendary » a fait des petits.
Depuis 2017, des versions « Half » (de 70, 100 ou 120 km) se déroulent au Maroc, en Namibie, au Pérou, en Égypte ou en Jordanie. Une croissance et un succès exceptionnels qui n’ont pas altéré l’esprit d’origine de ces courses sur lesquelles on ne s’aligne pas pour chasser le chrono ni pour rayer une ligne de plus sur sa to-do list de trailer.
« On y vient pour déconnecter de la folie de notre époque, pour vivre l’expérience mystique du désert, pour évacuer les méandres d’une vie cabossée, pour redécouvrir cette machine extraordinaire qu’est notre corps ou puiser une force mentale que l’on transposera plus tard au quotidien », déroule Cyril Gauthier, successeur des fondateurs, Patrick et Marie Bauer, à la tête de l’organisation.
Animal social
Au défi sportif s’ajoute l’expérience sociale, au bivouac, village d’un peloton quasi-miroir de la société (52% de femmes, 50% de CSP+).
« Le désert fait revenir au stade animal, il débarrasse des filtres sociaux et des barrières humaines habituels, poursuit celui qui a couru le Marathon des sables en 2009, avant d’en devenir actionnaire cinq ans plus tard. Ce n’est plus un chirurgien ou une avocate qui échange avec un smicard ou une employée de bureau, mais deux personnes qui s’entraident et se racontent leurs petites souffrances à l’épreuve du sable, de la température et du vent. Les mots tolérance et bienveillance prennent alors tout leur sens. »
Parlant de valeurs dans l’air du temps, une question se pose: est-il écologiquement raisonnable de faire voyager de 300 à 1000 concurrents, selon l’épreuve, jusqu’à 500personnes pour en assurer le déroulement et mobiliser pas moins de 140 véhicules, 25 bus, 8 avions et 2 hélicoptères pour le seul Marathon des sables qui, dit comme ça, a tout l’air d’un Paris-Dakar du trail ?
« La réflexion RSE est notre nouveau gros challenge. Depuis trois ans, le relais radio fonctionne grâce à des batteries lithium alimentées par des panneaux solaires et non plus par des modèles au plomb rechargés par des groupes électrogènes, renseigne Cyril Gauthier. On progresse: sur le Legendary 2024, il y aura 40% de 4×4 en moins et un seul semi remorque venu de France au lieu de cinq auparavant. 100% de la nourriture et des équipements divers sont achetés sur place. Et nous pouvons miser sur la conscience écolo des coureurs qui, d’eux-mêmes, compensent la trace carbone du voyage en avion par des gestes éco-responsables quotidiens. » À suivre, donc.
A lire aussi : Comment le trail running est-il en passe de détrôner la course à pied ?