The Good Guide
Le célèbre hôtel de Santa Monica, en Californie, fait peau neuve. L’occasion de plonger dans son passé sulfureux où les stars se mêlent aux voyous, le tout dans une esthétique rétro follement cinématographique.
Toque vissée sur la tête façon Spirou, un portier accompagne les voyageurs en haut de la petite volée de marches du 1415 Ocean Avenue, à Santa Monica. Pantalon de smoking à liseré et veston fermé par des boutons dorés, son uniforme de page n’est pas sans rappeler le lobby boy du Grand Budapest Hotel. D’ailleurs, The Georgian Hotel rappelle l’esthétique de Wes Anderson. De l’hôtesse au large sourire qui prend le relais pour mener les invités au check-in, à la façade bleu turquoise rehaussée de touches or – les couleurs d’origine – on plonge dans un monde rétro-pastel unique et apaisant.
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La nuit venue, un immense néon rouge siglé « The Georgian » au sommet de l’établissement sert de repère aux badauds. L’art est aussi très présent, avec de nombreuses œuvres parsemées dans la propriété. Au bout du couloir du rez-de-chaussée, la bibliothèque est décorée avec une série de gravures signées Hugo Guinness, tandis que la Gallery 33 adjacente propose des expositions temporaires d’artistes locaux et internationaux. Dans les chambres, le mobilier garde le cap sur le style Art déco.
Le retour du faste
On vient avant tout ici pour se détendre, loin des cigarettes au CBD des néobabas cool de Venice Beach et des établissements clinquants de Malibu. L’arrivée du chef David Almany derrière les fourneaux indique une terrible envie de rivaliser avec les établissements les plus réputés de la région.
« Nous voulions créer quelque chose de raffiné, relaxant et chaleureux ; l’idée est que les gens se sentent ici chez eux », résume Nicolo Rusconi, le cofondateur du groupe BLVD Hospitality et propriétaire des lieux, pointant du doigt en direction de l’hôtel lors d’une randonnée en pleine nature, accessible en quelques minutes depuis la propriété.
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L’homme n’en est pas à son coup d’essai : on lui doit notamment les projets de Soho Warehouse, Ace Hotel Broadway et The Hoxton Downtown Los Angeles, montés avec son partenaire Jon Blanchard. En 2020, ils jettent leur dévolu sur le Georgian, en partenariat avec Global Mutual Real Estates et ESI Ventures. Lorsqu’ils reprennent le projet, celui que l’on surnomme la « First Lady » a grandement perdu de sa superbe.
Ouvert en 1933, The Georgian Hotel était pourtant l’un des plus courus de la région, situé en face du parc d’attractions de Santa Monica Pier qui s’avance sur l’océan. L’hôtel devient le terrain de jeu des stars venues chercher un peu de calme loin des projecteurs d’Hollywood.
On murmure même que Carole Lombard et Clark Gable se retrouvaient ici à l’abri des regards, avant que ce dernier ne quitte sa femme pour épouser l’actrice d’Un mauvais garçon. Les années de prohibition furent aussi prospères. Des hommes d’affaires plus ou moins recommandables se retrouvaient au sous-sol pour chuchoter des phrases énigmatiques au barman, qui revenait les bras chargés de bouteilles d’alcool.
Le speakeasy (« parler doucement », dans le texte) battait son plein, avant que les invités ne prennent le large via la gare maritime, située un peu plus loin. Loins des côtes, les jetons de poker circulaient librement, hors de la juridiction de la police de Los Angeles. Et puis le château de cartes s’écroula. La prohibition levée, les riff-raff plièrent bagage.
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En 1953, la Santa Monica Air Line qui reliait la ville à Downtown L.A. s’arrêta. Le porche du Georgian troqua le rire des starlettes pour des chaises à bascule occupées par des retraités aux yeux rivés sur l’horizon. Los Angeles est comme ça. La mégapole aime les crises et les renouveaux, mais la bourgade indépendante de Santa Monica, elle, semble comme figée hors du temps.
Trois ans après avoir entrepris la réhabilitation de The Georgian Hotel et une pandémie plus tard, Jon Blanchard et Nicolo Rusconi peuvent donc être fiers. Les 84 chambres – dont 28 suites avec vue sur l’océan – rendent hommage aux années de faste sans tomber dans le cliché.
On vient ici comme dans un refuge, pour profiter d’un moment de répit sans avoir à s’isoler sur une île déserte. En rendant les clés au concierge, un cortège de police file bruyamment vers le sud sur Pacific Coast Highway, et on se demande si l’on ne resterait pas un jour de plus.
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