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La voiture du futur naîtra-t-elle à Shanghai ?

Partie plus tard que l’Europe et les États-Unis, la Chine accélère sur le marché de la voiture connectée et électrique. A Shanghai, où se concentrent les centres de R&D et les joint-ventures entre constructeurs étrangers et partenaires locaux, où se déroule, tous les deux ans, le plus grand salon de l’automobile chinois et qui voit naître des start-up innovantes aux ambitions mondiales, l’industrie automobile se réinvente à grande vitesse. La mégapole est devenue, dans un secteur en pleine mutation, un véritable laboratoire.

Fin septembre, une image futuriste ­circule sur le réseau social chinois Toutiao. C’est le premier dessin de la supercar électrique dévoilé par la start-up shanghaïenne NextEV. Cette voiture au design aérodynamique, qui semble tout droit sortie de l’univers de ­Batman, devrait boucler l’exercice du 0-à-100‑km/h en moins de trois secondes avec, sous le capot, une cavalerie électrique de 1 360 ch. Et c’est du sérieux. Ce bolide dont le prix avoisinerait 900 000 dollars a pour vocation d’imposer une marque au niveau mondial et de rivaliser avec l’américain Tesla.

Créée en 2014 par le milliardaire William Li – ­entrepreneur de la nouvelle économie et patron de Bitauto, spécialiste du marketing online –, NextEV est soutenue par d’autres magnats chinois de l’Internet, comme Pony Ma, de Tencent, et Richard Liu, de JD.com. La start-up vise un tour de table de 1 milliard de dollars et a déjà levé 500 millions de dollars auprès des prestigieux fonds d’investissement Sequoia Capital et Joy Capital pour développer et produire des véhicules électriques abordables à 40 000 dollars, soit deux fois moins chers que ceux de Tesla. NextEV fait partie de ces nouveaux dragons chinois sur lesquels se penche le cabinet Oliver Wyman dans sa récente étude consacrée aux start-up de l’industrie automobile. On y découvre également Didi Chuxing, l’Uber chinois, dans le top 5 des start-up ayant attiré le plus d’investissements (près de 10 ­milliards de ­dollars).

La plate-forme Didi Chuxing a supplanté Uber sur le marché chinois du véhicule avec chauffeur.
La plate-forme Didi Chuxing a supplanté Uber sur le marché chinois du véhicule avec chauffeur. Zhang Peng - Getty Images

« Si les start-up chinoises ne sont pas très bien positionnées sur la voiture autonome, elles pourraient bien prendre le leadership de la voiture électrique et des nouveaux services de mobilité. Leur colossal marché domestique encouragé par les autorités est un atout stratégique pour se développer rapidement et faire de ces acteurs des géants », explique Marc Boilard, associé et expert automobile chez Oliver Wyman. Dans ce contexte, l’automobile shanghaïenne a de l’ambition.

En 2013, un nouveau constructeur, Qoros, fruit d’une joint-venture entre le constructeur chinois Chery et la holding israélienne Israel Corporation, avait fait sensation au Salon de ­Genève avec un modèle haut de gamme salué par tous les professionnels et première voiture chinoise à décrocher 5 étoiles aux crash-tests de l’institut Euro NCAP. La marque s’était donné comme objectifs de conquérir le marché européen et de lancer des versions hybrides ainsi qu’électriques.

Elle avait annoncé, à la clé, un programme d’investissement de plus de 1,5 milliard de dollars sur deux ans. Si ses ventes ont été très décevantes en 2014, le constructeur cherche aujourd’hui à rebondir avec un magnifique concept de SUV hybride rechargeable, doté de services connectés via une tablette Motorola.

NextEV, une start-up shanghaïenne aux ambitions mondiales

NextEV se construit un écosystème à l’échelle mondiale en allant chercher les meilleures expertises et les meilleures ressources là où elles se trouvent. Elle a installé à San José, en Californie, le centre de développement du software ; à Munich, le cœur du développement et du design ; à Shanghai, l’ingénierie ; et à Nankin, une usine de production. Son fondateur, William Li, a recruté une équipe dirigeante cosmopolite pour piloter le développement de NextEV : principalement Martin Leach, ex-Ford Motors – décédé le 1er novembre dernier –, et Padmasree Warrior, véritable star de de la tech, ancienne responsable de Cisco. Pragmatique, la direction de l’entreprise sait que, dans la nouvelle économie, on ne fait pas tout tout seul. Un accord industriel a ainsi été signé avec le constructeur JAC Motors. Ambitieuse, NextEV voit grand et n’hésite pas à investir massivement dans le marketing pour se faire un nom et une réputation au niveau mondial. Son écurie de formule E, l’équivalent électrique de la formule 1, est pilotée par Nelson Piquet Jr, qui a décroché le premier titre de champion du monde dans cette catégorie en 2015.