Olivier Baudry

Jets privés
Y a-t-il un Uber dans l'avion ?

Démocratiser le jet privé ? Les start-up se lancent dans l’aventure. Elles ont inventé le taxi-jet à prix fixe et s’inspirent d’Uber pour transposer le modèle de covoiturage dans les airs. De nouveaux modèles économiques apparaissent, mettant ce luxe jusqu’alors inaccessible à la portée de (presque) toutes les bourses. Prêt à jouer les businessmen du CAC 40 pour pas (trop) cher ? Attachez votre ceinture !

Marre d’arriver à l’aéroport deux heures avant le décollage ? de faire le pied de grue pour passer la sécurité et la douane ? de sentir les genoux du passager de derrière vous labourer le dos ? Vous rêvez de zénitude, de service personnalisé et de nuages rien que pour vous ? Vous êtes mûr pour le jet ! Alors que le marché de la vente d’avions privés a chuté depuis 2009, le nombre de passagers, en revanche, ne cesse d’augmenter. L’apparition de nouveaux business-modèles, inspirés de l’économie partagée, lance le jet privé, hier encore apanage des rich and famous, sur la voie de la démocratisation. L’achat d’un jet, c’est un prix qui s’étage entre 3 et 60 millions d’euros. Mais la crise touche tout le monde. Alors, on partage… Vous êtes un peu court, côté budget ? Pensez à l’achat en multipropriété, comme pour les appartements de vacances. NetJets propose, par exemple, d’acheter des heures de vol à l’année, cinquante minimum. Jetfly et Kepplair fonctionnent selon le même principe. Comptez 100 000 à 150 000 € pour une vingtaine de vols par an.

Le Monoprix de l’air
C’est encore trop ? La solution du chartering, permettant la location à l’heure de vol, est pour vous. Sur le modèle du britannique Blink, lancé en 2006, le Français Wijet proposait, trois ans plus tard, des vols en very light jets de quatre places pour 2 400 € l’heure. L’arrivée de cette nouvelle génération d’appareils légers et moins coûteux a inspiré ce concept qui révolutionne les données de l’aviation d’affaires en proposant de héler un jet aussi simplement qu’un taxi, et surtout en instaurant un prix fixe. Rayon d’action : 2 000 kilomètres. De quoi s’offrir un week-end à Venise ou assurer un rendez-vous business à Milan, la nouvelle clientèle se partageant entre deux tiers de businessmen et un tiers de familles, couples ou groupes d’amis s’offrant un extra. En trois ans, Wijet a doublé son chiffre d’affaires, passant de 4 à 8 millions d’euros entre 2012 et 2014 (estimation à 10 millions d’euros pour 2015), et réalisant une première levée de fonds de 8 millions d’euros en 18 mois, avant une seconde levée historique de 15 millions d’euros fin 2015, dans le but de tripler le nombre de ses avions en deux ans et d’étendre ses activités en Asie. Son exemple encourage d’autres audaces : la dernière s’appelle Le Jet et a été lancée en avril 2015. Elle propose deux liaisons hebdo­madaires Paris – Londres, en 45 minutes et pour un prix d’appel de… 490 € HT la place !

L’objectif est d’attirer les patrons de PME ou les cadres qui circulent habituellement sur des lignes régulières ou en Eurostar. Quand le train en première classe coûte 310 € pour 2 h 15 de trajet, on peut effectivement commencer à réfléchir pour de bon. Mais l’imagination ne s’arrête pas là. Avec un marché qui représente 300 millions d’euros en France et 1,5 milliard en Europe, elle tourne même à plein régime. L’économie collaborative et les nouvelles ­technologies font décoller le monde de l’aérien. Des start-up se sont positionnées sur ce secteur de niche en proposant de réserver un jet privé en quelques clics sur une application mobile, aussi facilement qu’on commande un Uber. Ces plates-formes de réservation en ligne, telles PrivateFly, Fly Victor ou OpenJet, mettent en relation passagers et opérateurs en temps réel.

Le low-cost de l’ultraluxe avec Wijet.
Le low-cost de l’ultraluxe avec Wijet. dr-air france/virginie Valdois
Cojetage, spécialiste de l’empty legs, ce site pilote de la compagnie Wijet s’emploie à démocratiser le jet privé.
Cojetage, spécialiste de l’empty legs, ce site pilote de la compagnie Wijet s’emploie à démocratiser le jet privé. dr-air france/virginie Valdois

Empty legs à prix cassés
Restait à exploiter le créneau très prometteur de ce que les Anglo-Saxons appellent l’« empty legs ». Partant du principe que les propriétaires de jets privés, eux aussi touchés par la crise, sont contraints de rentabiliser (un minimum) leurs avions, des petits malins ont eu l’idée d’offrir la possibilité de voyager en mode luxe pour un prix imbattable. Sur le modèle de BlaBlaCar ou d’Airbnb, ce concept inédit lancé par Fly Victor ou Cojetage repose sur une idée simple qui consiste à remplir les vols à vide des jets privés, soit environ 40 % du volume. Il s’agit de vols dits de positionnement, qui permettent aux compagnies de ramener un jet, après une course, vers sa base. Comptez à partir de 150 € la place en partageant l’appareil avec d’autres passagers. Trouvé au hasard des sites : un Valence – ­Genève à 240 €, un ­Perpignan – Milan à 600 € ou un Paris – Nice en Falcon 900 pour 258 €. Des prix qui pousseraient à se convertir au « coavionnage », sans compter la bonne conscience écologique : le partage fait chuter l’empreinte carbone !

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