Motors
The Good News
Le constructeur automobile américain se positionne là où on ne l’attendait pas avec ses nouveaux modèles hybrides. Et c’est ainsi que le célèbre 4x4 passe à l’électrique. Respirez, vous partez à l’aventure !
The Good Life a fait le test du nouveau Jeep 4xe.
A lire aussi : Jeep Magneto : le Wrangler électrique se précise…
« Il va falloir aller plus vite ! » Vous vous souvenez sûrement de cette scène mythique du film Jurassic Park (1993), de Steven Spielberg. Le mathématicien flegmatique du film, le professeur Ian Malcolm, interprété par Jeff Goldblum, fonce à bord d’une Jeep Wrangler rouge et beige customisée, devenue presque aussi célèbre que le film. Il fait nuit noire.
Le 4×4 décapotable, conduit par ses partenaires Laura Dern et Bob Peck, slalome entre les arbres, survole les trous d’eau, tandis que se rapproche dangereusement un Tyrannosaurus rex peu enclin aux caresses. « Must go faster ! » lance Malcolm après un petit coup d’œil à l’arrière; et clin d’œil dans le rétro du conducteur: «Objects in mirror are closer than they appear » (les objets dans le miroir sont plus proches qu’il n’y paraît).
L’énorme mâchoire du T. rex semble avaler la voiture. Heureusement, une accélération et deux rapports de vitesse plus loin, la menace « dinosauresque » finit par s’éloigner. Le trio peut respirer.
Changement de cadre pour le Jeep 4xe
« Moins vite, moins vite! » Ce matin d’hiver, trente ans après la sortie du premier volet d’une longue saga cinématographique, le renversement est total : d’époque, de lieu, d’ambiance et surtout de vitesse. Nous ne sommes plus sur Isla Nublar, l’île imaginée par Spielberg dans l’océan Pacifique, mais sur la base de loisirs de Quilly, en Loire-Atlantique.
Ce site de 74 hectares, aussi boisé que marécageux, à équidistance de Nantes et de La Baule, accueille ce jour-là une session de la Jeep Academy. Un programme d’initiation au franchissement et au pilotage off-road destiné aux clients de la marque et dispensé par des moniteurs aguerris.
Avec une particularité: tous les véhicules d’essai du jour, du Wrangler au Renegade, en passant par l’imposant Rubicon, le Compass ou le plus urbain Avenger, sont électrifiés. Première surprise, première consigne : c’est à un éloge inattendu de la lenteur que nous invitent les instructeurs.
Aux antipodes de ce que notre imaginaire médiatique, ou pop culture, pouvait associer aux 4×4, de ce Wrangler sautillant de Jurassic Park aux bolides effaçant les dunes du Paris-Dakar, sans parler des invincibles Audi Quattro. « Eh bien justement, il ne suffit pas d’avoir quatre roues motrices pour passer partout, nous prévient d’emblée Christophe l’un de nos coachs. La conduite off-road requiert douceur, concentration et sens de l’écoute. »
Autrement dit, à trop accélérer, vous risquez de « taper » contre l’obstacle. Mais à trop ralentir, vous risquez aussi de vous retrouver «planté». Dilemme. Ce pilotage délicat, un autre des moniteurs le résume d’une image frappante et amusante: « Le franchissement, c’est comme faire de la broderie au milieu d’un troupeau de taureaux. »
Comprendre: les gestes doivent s’effectuer sans à-coups ni heurts. La vitesse de croisière? « Pas plus de 4 ou 5 km/h! » insiste Christophe via le talkie-walkie. Au premier abord, là aussi, cela nous semble frustrant et contre-intuitif.
Ne doit-on pas au contraire « sauter » les obstacles en accélérant franchement ? Ne sommes-nous pas au volant d’un Wrangler Rubicon 4xe développant plus de 380 chevaux au total et parcourant le 0-à-100 km/h en 6,5 secondes ? Cette incitation à maintenir une vitesse de marcheur nous paraît d’autant plus perturbante que l’électrification de la gamme a renforcé les capacités toutterrain de chacun des modèles, assurent nos hôtes.
Chaque Jeep 4xe – la dénomination officielle – est en effet un hybride rechargeable. Un moteur à essence entraîne les roues avant (2 L turbo). Le moteur électrique (145 ch) anime, lui, les roues arrière. Tandis qu’une gestion électronique centralisée se charge d’harmoniser le fonctionnement des deux, en l’adaptant aux conditions d’utilisation.
Autant vous prévenir : si vous croyez retrouver les sensations rugueuses et chaotiques des pistes de vos vacances estivales en Grèce au volant du vieux Nissan Patrol de vos amis, passez votre chemin. Les sensations, produites par l’électronique embarquée et la propulsion électrique, sont adoucies, en mode « coussin d’air ».
Certaines mauvaises langues diraient aseptisées. Mais elles ne perdent pas pour autant leur effet « waouh! » du off‑road – ou effet «gloups », c’est selon. Ainsi du dévers de 30 degrés que nous affrontons là, maintenant, au volant de notre Rubicon de 2,4 tonnes. Nos mains broient le gouvernail d’appréhension.
Le système « hill control » a beau corriger automatiquement notre progression et le moteur électrique nous fournir un couple maximal à bas régime, de légères gouttes de sueur perlent sur notre front à l’abord de cet obstacle rendu boueux et glissant comme une patinoire par des pluies diluviennes. Le compteur indique « 30, 31, 32°… » Nous savons qu’à 40° d’inclinaison, la voiture risque de se retourner.
Jeepologie
Heureusement, les énormes pneus à tétines et la garde au sol de 25,3 centimètres semblent capables à eux seuls de retenir le glissement de terrain que notre anxiété de non-initié a déjà envisagé. Dans l’habitacle, le silence de fonctionnement – électricité oblige – nous aide à mieux respirer.
Il produit en effet comme une curieuse sensation de glisse amortie, isole les bruits générés par le contact de la caisse métallique sur la terre, les pierres, tous ces bruits de frottement que les moteurs traditionnels pouvaient autrefois couvrir – au moins en partie. Sous le contrôle bienveillant de Christophe, notre moniteur, nous résistons à la tentation jurassique du « must go faster ».
La vitesse lente et constante permet à la voiture de se jouer des fossés gorgés d’eau, d’éviter les troncs d’arbres que nous manquons d’écorcer à chaque coup de volant un peu trop appuyé. Et nous franchissons finalement sans difficulté plusieurs de ces petits Everest des Pays-de-la-Loire qui se dressent devant nous. Ouf! On ne s’appelle pas Rubicon pour rien. Ni Jeep tout court, d’ailleurs.
Des générations de « jeepologues » s’affrontent depuis 1941, date de l’entrée en service dans l’armée américaine de la fameuse Willy MB, pour déterminer l’origine du mot « Jeep ». Mais au fond, peu importe. Qu’il provienne de l’acronyme GP, pour General Purpose (comprenez, voiture à tout faire) ou d’Eugene the Jeep (un personnage de Popeye qui se tire de toutes les situations), le mythe reste intact, même électrifié et bardé d’électronique.
Son aura et ses capacités de franchissement impressionnent toujours. Les sensations évoluent. La preuve: dans le TGV qui nous ramène de cette Jeep Academy vers Paris, on a comme l’impression d’avoir vécu une journée de glisse… de ski hors piste.
Somnolant au fond de notre siège, on se repasse le film des descentes, montées et slaloms entre les arbres, les pierres et les bosses, la glaise remplaçant la neige. Les rails deviennent ornières. Les légers déplacements de la rame du train se confondent avec les mouvements de caisse du Rubicon. Puis, on s’endort, tel un Jeff Goldblum qui aurait mis les doigts dans la prise.
A lire aussi : Jeep Avenger : une légende au succès insolent