Architecture
The Good City
Une tour à Marseille ? Une autre à Huningue ? Derrière ces projets ambitieux, Jean-Baptiste Pietri, architecte et président du groupe Constructa, qui a pris les rênes de l’entreprise familiale dans le sillage de son père disparu. À rebours d’une vision spéculative de l’immobilier, il qualifie sa nouvelle profession d’« éditeur urbain », plaçant la qualité architecturale au sommet de ses préoccupations.
Comme souvent, le destin vous conduit là où vous n’aviez jamais imaginé atterrir. C’est le cas de Jean-Baptiste Pietri, 49 ans, architecte qui a créé son agence à Paris en 2001. Lorsque son père décède brutalement en 2020, il lui succède à la tête de Constructa, acteur incontournable de l’immobilier à Marseille – mais aussi dans d’autres grandes métropoles – à qui l’on doit notamment La Marseillaise, une tour de Jean Nouvel inaugurée en 2018 dans le quartier Euroméditerranée.
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Transmission architecturale
C’est dans les étages de cette icône architecturale, abritant entre autres les bureaux de l’entreprise familiale, que Jean-Baptiste Pietri assume sa nouvelle fonction. Ce n’était pas prévu, mais il y a pris goût, animé par la nécessité viscérale de poursuivre l’œuvre de son père. L’occasion également de réconcilier deux mondes, celui des architectes et celui des promoteurs, qui se regardent de loin, tout en étant contraints de cohabiter au quotidien.
Car si les premiers ont longtemps vécu de la commande publique, celle-ci s’est considérablement tarie et tous – ou presque – travaillent désormais avec la promotion privée. Pour le meilleur ou pour le pire. À travers ce nouveau rôle, Jean-Baptiste Pietri entend défendre une conviction profonde : oui, la promotion privée peut être compatible avec la qualité architecturale quand elle décide d’en faire son cheval de bataille.
Déterminé à faire bouger les lignes, il préfère le terme d’« éditeur urbain » à celui de promoteur, une manière de prendre de la distance avec la production industrielle qui a forgé les clichés inhérents au métier, à commencer par l’obsession des bilans comptables qui présideraient, dit-on, à toute décision.
Le vrai rôle d’un bâtisseur
Être promoteur autrement, donc. « Dans la droite lignée de mon père, qui a toujours préféré l’ambition architecturale du projet à l’aspect financier », rappelle-t-il. Et qui a su se montrer visionnaire, en achetant, par exemple, les anciens entrepôts du port sur les quais d’Arenc pour y projeter l’avenir de la cité phocéenne.
Pour lui, « être à la fois maître d’ouvrage et maître d’œuvre oblige à assumer l’entière responsabilité de la construction. C’est le vrai rôle d’un bâtisseur ». En très peu de temps, Jean-Baptiste Pietri a su imposer sa personnalité à travers une vision de l’immobilier à l’écoute du monde.
Constructa est ainsi devenu Constructa Les Éditeurs urbains, regroupant tous les métiers de la chaîne immobilière (promoteur, mais aussi aménageur, assistant à la maîtrise d’ouvrage, gestionnaire d’actifs…) qui contribuent à la fabrication de la ville de demain. Un modèle pluriel, qui a permis de survivre à la crise sanitaire.
Privilégiant la qualité, gage de pérennité, à la quantité, Jean-Baptiste Pietri voit chaque projet comme une aventure humaine. Bien sûr, les questions de rentabilité ne lui sont pas étrangères – le groupe compte environ 200 collaborateurs. Mais il est fermement convaincu que l’architecte n’est pas le prestataire du maître d’ouvrage : « Un projet réussi est un projet qui se fait également main dans la main avec les élus – qui sont nos premiers partenaires –, et qui doit être en phase avec son contexte naturel, humain, social et géographique. »
Depuis quatre ans maintenant, entre Paris et Marseille, il mène de front cette double carrière. Parmi ses différents projets, des tours. Une typologie qui concentre son lot de polémiques, alors même qu’elle est, quand les conditions sont réunies, intéressante à mettre en œuvre. Une longue histoire pour l’architecte de métier, qui en avait déjà fait le sujet de son diplôme – un gratte-ciel à New York –, passé en 2000 sous la direction d’Henri Ciriani.
Dans la lignée de La Marseillaise, il poursuit sa quête, celle de construire « des bâtiments ambitieux ». Au pied de cette dernière, il a livré en 2023 La Porte Bleue. Cette tour de 56 mètres de hauteur regroupe des logements et une résidence hôtelière, enveloppés dans une élégante peau formée de 414 voûtes de béton porteuses, qui protègent les espaces intérieurs du puissant soleil marseillais.
De nouvelles façons d’habiter
Constructa n’opère pas uniquement à Marseille. À Huningue, sur les bords du Rhin et à quelques encablures de l’Allemagne, Jean-Baptiste Pietri vient de finaliser une opération d’envergure en bordure du fleuve. Plusieurs bâtiments forment une nouvelle skyline, constituant l’extension naturelle du centre-ville au pied de la passerelle des Trois-Pays.
Parmi les différents bâtiments, Bogen, une tour de logements signée par l’architecte lui-même. Mais l’un des projets phares du groupe est bien dans la cité phocéenne. Son nom ? M99. Une tour de 99 mètres qui viendra clôturer l’aménagement des quais d’Arenc. Car, chez Constructa, on croit à la hauteur comme une réponse appropriée lorsque le foncier se fait rare.
On croit aussi à de nouvelles façons d’habiter. Cet édifice mise sur la mixité urbaine, regroupant, sur 30 étages, des appartements tutoyant la Méditerranée, mais aussi une résidence étudiante, un hôtel et un restaurant panoramique.
Dans cette ville, qui connaît une dynamique sans précédent en matière d’implantation d’entreprises et d’investissements internationaux, le projet fait parler. Il signe le retour des grandes tours d’habitation, les dernières ayant vu le jour durant les années 70 dans le quartier de la Défense.
« Nous avons besoin de symboles architecturaux forts », résume celui qui a fait de cette double casquette une force. Via la société Victoires Haussmann SGP, Constructa s’empare également des sujets de société avec des projets à impact, tels que des villages seniors comme alternative aux maisons de retraite ou un engagement contre l’artificialisation des sols. Ainsi Jean-Baptiste Pietri fait-il tomber les clichés qui entachent la réputation des promoteurs, convaincu que l’immobilier, actuellement en zone de turbulences en raison de la crise, reste « un métier au service de l’intérêt général, des territoires et des habitants. »
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