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Il s’est présenté aux élections municipales d’octobre 2021 à cause « de l’état catastrophique des finances de la ville ». Il est vrai que Naples était alors au bord de la faillite. Candidat indépendant de centre‑gauche soutenu par une vaste coalition, Gaetano Manfredi est élu dès le premier tour avec 63 % des voix. Ingénieur spécialiste de la construction, il a été professeur puis recteur de l’université Federico II, l’université laïque la plus ancienne au monde. Nommé ministre de l’Université et de la Recherche, il a démissionné au bout d’un an pour candidater à la mairie de sa ville. Devenu maire, il mise sur ses qualités d’ingénieur, sur les fonds que le gouvernement de Mario Draghi et l’Europe ont promis d’apporter à la ville et sur l’implication des Napolitains pour réussir son pari : faire en sorte que Naples conserve son chaos créatif tout en devenant une ville mieux organisée ! Entretien exclusif.
Des fenêtres de son bureau, Gaetano Manfredi regarde la piazza del Municipio, la place de l’hôtel de ville de Naples. Il me fait remarquer que, désormais, la vue n’est plus obstruée, que le regard porte jusqu’au port. En effet, en chantier depuis une vingtaine d’années, la place était le cauchemar des automobilistes et les Napolitains ne savaient plus à quoi elle ressemblait. Elle vient enfin d’être libérée des palissades et rendue aux piétons. Pour cet ingénieur spécialiste de la construction, c’est bon signe, signe qu’il va pouvoir mener à bien les nombreux chantiers qu’il entend entreprendre.
L’interview de Gaetano Manfredi, maire de Naples
The Good Life : Qu’est-ce qui vous a poussé à être candidat à l’élection municipale d’octobre dernier ?
Gaetano Manfredi : Je pensais être en mesure d’apporter quelque chose à la ville. J’avais envie de réaliser ce que j’avais évoqué lors de notre entretien d’il y a trois ans, quand j’étais président d’université, à savoir conjuguer la grande créativité de la ville avec plus d’organisation. Les possibilités d’investissement que le plan de reprise européen permet donnaient une bonne occasion de réorganiser les services publics. J’avais déjà essayé de faire cela quand j’étais ministre des Universités et de la Recherche, mais il s’agissait plus d’un rôle de programmation à l’échelle nationale. Si le ministre agit à un niveau plus élevé, plus global, le maire, lui, agit au quotidien, et les choses peuvent se faire de manière plus concrète, plus immédiate. Mais je crois surtout que j’avais envie de faire quelque chose pour Naples, de contribuer à l’amélioration de cette ville.
Comment gère-t-on une ville comme Naples, qui a la réputation d’être plutôt chaotique ?
C’est certainement l’une des villes les plus difficiles à gouverner, car elle synthétise les extrêmes de l’Italie. Les choses moches y sont les plus moches, dans l’absolu, et les choses belles y sont les plus belles. C’est la ville des contrastes extrêmes. En même temps d’être difficile à gouverner, c’est un grand laboratoire. Si l’on réussit quelque chose à Naples, cela peut être déployé facilement ailleurs. Naples donne des indications sur ce que l’on peut faire ou non dans une ville. À ce titre, elle a une responsabilité qui dépasse largement son cadre et qui intéresse une communauté beaucoup plus large.
Vous êtes le premier élu à la tête de la ville qui n’est pas un politique de métier, mais ingénieur et spécialiste de construction. En quoi cela influence-t-il votre mode de gouvernance ?
Nous sommes dans une phase politique qui est particulière pour Naples, mais dans une certaine mesure aussi pour l’Italie, une phase de reconstruction. Cela signifie qu’il faut à la fois prêter attention au quotidien et le gérer tout en ayant une vision prospective qui guide les communautés, les citoyens vers de nouveaux projets. Car nous vivons de grands changements, la transformation numérique et maintenant la transformation écologique, mais aussi la guerre qui est arrivée, qui change profondément la mondialisation. Il faut avoir une vision du futur, comprendre vers où guider la ville. Parce qu’elles rassemblent des personnes très diverses, des extrêmes, comme je l’ai dit, les villes sont le laboratoire du changement auquel elles sont particulièrement sensibles. Ce que l’on parvient à faire dans les grandes villes préfigure ce qu’il va être possible de faire à l’échelle de la nation ou à celle de l’Europe. Je crois que mon expérience et ma confiance dans ce que l’innovation apporte sont des éléments clés de ma gouvernance.
Parcours
• 4 janvier 1964 : naissance à Ottaviano, une commune de la métropole napolitaine au nord‑est du Vésuve.
• 1988 : diplôme en ingénierie civile à l’université Federico II de Naples, avec la note maximale et les félicitations du jury.
• 1998 : professeur de techniques de construction à l’université Federico II.
• 1er novembre 2014 : devient président de l’université Federico II, élu au premier tour avec 90 % des voix.
• 2015 : élu président de la Conférence des présidents d’université ; il est réélu en 2018.
• 10 janvier 2020 : est nommé ministre de l’Université et de la Recherche dans le second gouvernement de Giuseppe Conte.
• 13 février 2021 : démissionne de son poste de ministre pour être candidat aux élections municipales de Naples, auxquelles il se présente en tant qu’indépendant de centre-gauche, avec le soutien d’une coalition de 13 listes.
• 4 octobre 2021 : élu maire de Naples au premier tour avec 63 % des voix – du jamais‑vu dans l’histoire de la ville ! –, devant le candidat de centre‑droit (22 % des voix).
Retrouvez la suite de l’interview de Marco Bizzarri, dans le numéro d’été de The Good Life, disponible en kiosque et sur The Good Concept Store.
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