Hotels
The Good Guide
Du Japon à la Suisse, en passant par l'Argentine, The Good Life a déniché les plus beaux hôtels accueillant une œuvre de l'artiste James Turrell.
S’abandonner à la sensation, à la contemplation, oublier tous ses repères, c’est la promesse de James Turrell à qui veut bien l’accompagner dans ses explorations et séjourner dans un hôtel abritant ses œuvres de lumière. Déambuler dans une installation de l’artiste américain, c’est éprouver physiquement la lumière tout en perdant complètement la notion d’espace. Le ciel est inatteignable et pourtant, au sein de ses skyspaces, il semble à portée de main, avec l’illusion de pouvoir se fondre en lui.
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Ces beaux hôtels qui portent l’empreinte de James Turrell
1 – Liss Ard Estate en Irlande
Dans le sud-ouest de l’Irlande, dans le comté de Cork, Liss Ard Estate est un joyau vert de 66 hectares avec un manoir XIXe de style georgien, un immense lac privé, des kilomètres de sentiers de randonnée et un site fortifié circulaire datant du Moyen Âge. Parti sur la trace des ancêtres irlandais de sa femme, James Turrell avait été inspiré par ce lieu, alors propriété du marchand d’art allemand Veith Turske, qui lui passa commande, en 1989, de l’Irish Sky Garden.
Mais l’artiste se brouillera avec le commanditaire et ne terminera jamais cette installation, la désavouera même. Elle reste pourtant créditée à James Turrell par l’hôtel et l’on peut toujours tenter l’expérience de traverser ce passage mégalithique menant à un cratère de 50 mètres sur 25, pour venir s’étendre, en son centre, sur un socle de granit et contempler le firmament. La topographie du site fait qu’il n’y a plus de frontière entre le ciel et la terre.
Séjourner : 26 chambres. À partir de 159 € la nuit pour 2 personnes. Relaischateaux.com
2 – Castell Zuoz en Suisse
Au-dessus du village, et avec une vue imprenable sur l’Engadine, ce mastodonte de 1913 mixe l’ancien et le contemporain arty avec un bar de Pipilotti Rist et Gabrielle Hächler, une terrasse en bois de mélèze nu, la Reflecting Pool creusée dans la roche du Japonais Tadashi Kawamata et des œuvres contemporaines de la collection Ruedi Bechtler, le propriétaire.
À une portée de spatule de l’hôtel, le Piz Uter, un skyspace de James Turrell, érigé en 2005. C’est une rotonde de 68 m2 , en béton et maçonnerie de pierres sèches, au toit plat, dont l’oculus laisse entrevoir le ciel. La porte d’entrée cadre la vallée. Comme dans tous les skyspaces, l’expérience de la lumière varie au gré des heures du jour et de la nuit, les moments forts restant l’aube et le crépuscule.
Séjourner : 68 chambres. Forfait Castell Art Week End, en septembre, avec la participation d’artistes, dont Tadashi Kawamata : à partir de 790 CHF la nuit par personne en chambre double pour 2 nuits en pension complète. Hotelcastell.ch
3 – Posada Ayana Posada en Uruguay
Ayana regarde le phare de José Ignacio et l’Atlantique. Pierres locales, bois Lapacho du Paraguay, jardins luxuriants, c’est un éden avec un tropisme pour les années 50-60. La majorité des meubles sont des pièces vintage restaurées qui ont été chinées à Montevideo et Punta del Este. Robert et Edda Kofler, les propriétaires viennois de l’hôtel, connaissaient le skyspace de James Turrell à Lech, en Autriche, inaccessible sauf en hiver et à skis, en hors-piste. Ils se sont pris à rêver…
Et si l’artiste créait le skyspace de Posada Ayana ? Le maître n’était jamais venu en Uruguay, mais fasciné par le ciel extraordinaire – surtout la nuit – de José Ignacio, il a dit oui et l’œuvre s’appelle Ta Khut (la lumière, en égyptien ancien). L’édifice, fusion de la structure pyramidale et du stupa tibétain, mesure 9,44 mètres de diamètre, 7,62 mètres de haut et est composé de 42 tonnes de marbre blanc pur provenant de Lasa (Tyrol du Sud).
À l’intérieur, une rotonde pavée de granit dont la couleur rappelle les terres d’élection de Turrell, l’Arizona. La coupole est percée d’un trou circulaire pour révéler le ciel. La construction a duré un an, Turrell est revenu installer lui-même la programmation des lumières colorées projetées dans la structure, qui donnent vie à l’œuvre, à l’aube et au crépuscule. Le ciel et la lumière projetée se fondent ou créent un contraste de couleurs saisissant, que chaque visiteur perçoit de manière individuelle.
Séjourner : 17 chambres et 1 villa. À partir de 900 $ pour 2 nuits et 2 personnes. Réouverture le 1er novembre. Posada-ayana.com
4 – Estancia Colomé en Argentine
Se sentir simultanément sur terre et dans le ciel, dans un environnement pur et rayonnant d’énergie. Colomé, c’est à la fois une bodega, la plus ancienne en activité du pays, fondée en 1831, mais également une estancia et un musée lovés dans les vallées Calchaquí, dominées par les contreforts de la cordillère des Andes. Les vignobles, parmi les plus hauts du monde, s’étagent entre 2 300 et 3 111 mètres d’altitude.
Donald Hess, négociant et collectionneur d’art suisse (décédé l’an dernier, il possédait en outre des domaines viticoles dans la Napa Valley, en Afrique du Sud et en Australie), a acquis Colomé en 2001. Il y a ajouté un hôtel de charme au milieu des vignes et des lavandes pour jouir des paysages andins immenses et envoûtants dans un silence absolu. Et le musée Turrell, en 2009, le seul qui soit entièrement consacré à l’artiste.
Le musée, sur 1 700 m2 , est divisé en neuf chambres construites selon les spécifications de l’artiste pour abriter neuf œuvres, dont deux spécialement commandées pour le lieu, représentatives de l’ensemble de sa carrière. Hess, qui collectionnait depuis les années 60 (Goldsworthy, Bacon, Rauschenberg…), trouva Colomé idéal, avec sa luminosité intense, pour abriter sa collection Turrell. Spread enveloppe le spectateur d’une lumière bleue vibrante : c’est une plongée dans un abîme lumineux. Unseen Blue serait le plus grand des skyspaces.
Séjourner : 5 suites de 395 à 585 $ la nuit pour 2 personnes. Visite du musée comprise dans le forfait visite du vignoble et dégustation. reservas@bodegacolome.com
5 – House of Light au Japon
La Maison de la Lumière a été créée en 2000 pour la première Triennale internationale d’art contemporain d’Echigo-Tsumari en tant qu’œuvre d’art expérimentale unique de James Turrell, et c’est à la fois une introduction à son univers et une maison d’hôtes propice à la méditation. L’artiste s’est inspiré de l’essai sur l’esthétique japonaise de Junichiro Tanizaki, Éloge de l’ombre, et a fusionné la lumière intimiste d’une maison traditionnelle nippone avec sa propre œuvre de lumière.
« Je souhaitais réaliser “le monde des ombres que nous perdons”, comme l’écrivait Tanizaki, un espace reliant la lumière intérieure à la lumière extérieure », a indiqué Turrell. Le toit coulisse pour regarder le ciel à travers le plafond ouvert. La salle de bains est zébrée de fibre optique. « Le bleu du ciel, l’or des murs, le rouge d’une alcôve, le vert du bain et le ton noir de tout l’espace apportent un contraste subtil. La Maison de la Lumière est une tentative de contraste et d’incorporation du jour et de la nuit, de l’Orient et de l’Occident, de la tradition et du moderne », résume l’artiste.
Les programmes de 40 minutes au lever et au coucher du soleil utilisent la lumière colorée réfléchie par le plafond pour modifier la perception du spectateur, permettant de découvrir des couleurs spécifiques dans la « lumière blanche » naturelle. C’est la seule œuvre de l’artiste dans laquelle on peut dormir.
Séjourner : la maison se partage, maximum 3 groupes. À partir de 25 000 yens la nuit. Hikarinoyakata.com
6 – MONA Pavilions en Tasmanie
« J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les beaux-arts et les sentiments passionnés », écrivait Stendhal, subjugué par la beauté de Florence. Nous sommes 16 500 kilomètres plus au sud, au bord de la Derwent River, et le Museum of Old and New Art (MONA) – deux fois la taille du Guggenheim de New York – n’est pas loin de nous terrasser, alors que nous débarquons du catamaran qui nous y a conduits depuis les quais de Hobart. Le MONA, musée privé juché sur sa falaise, a tout simplement mis la Tasmanie sur l’atlas artistique mondial.
Il a été créé par David Walsh, surnommé le Diable de Tasmanie, né dans un bidonville et qui a fait fortune dans les jeux de hasard. Le lieu, dans la péninsule de Moorilla, casse tous les codes. Walsh y a improvisé un premier musée, échec total. Le second, MONA, est « un antimusée » dessiné par Nonda Katsalidis et inauguré en 2011. Il est souterrain, « le contraire d’un temple qui domine et écrase le visiteur : ici, l’art est en dessous », précise Walsh, et c’est un succès (350 000 visiteurs par an).
Dans le musée, la tablette O délivre les informations sur les œuvres et des commentaires iconoclastes dans un onglet intitulé « art wanking » (branlette artistique). Toutes les grandes signatures contemporaines y sont, dont cinq installations de James Turrell, commandées par Walsh pour 8 millions de dollars, dans une aile, Pharos, qui en a coûté 32. Amarna, Event Horizon, Beside Myself, Unseen Seen et Weight of Darkness sont autant de « doors of perception » qui vous déboussolent les sens.
Elles attirent comme des aimants non seulement les visiteurs du MONA, mais aussi les résidents des MONA Pavilions, huit lodges luxueux sur le site même du musée. Au crépuscule ou à l’aube, plus encore qu’à n’importe quel autre moment de la journée, c’est un privilège de se poster sous le gigantesque belvédère d’Amarna, le plus grand des plus de 80 skyspaces inventés par Turrell, tous situés en hauteur et dans des lieux isolés. On lève les yeux et, au-dessus de nos têtes, le pourtour lumineux aux couleurs changeantes de l’installation cadre, en son centre, le ciel, les étoiles, le cosmos. Une trouée vers l’infini.
« Nous voyons Amarna comme une élévation des réflexions souterraines du musée sur la condition humaine. Si cela semble vague, c’est parce que l’art de Turrell doit être vu pour être cru », indique Walsh. Beside Myself se résume à un couloir saturé de lumière avec une piste noire au milieu. Tous les reliefs disparaissent, le monde tridimensionnel aussi.Même sensation dans Event Horizon, inspiré par l’effet Ganzfeld : l’espace, saturé de couleurs, semble infini. On est immergé dans la lumière. Déconnexion totale, neurones largués. Dernier trip au restaurant Faro, où une « cellule perceptuelle » de Turrell, large de 6 mètres, en forme de capsule sphérique immaculée, a été installée.
On s’y livre à deux expériences aussi hallucinatoires que déstabilisantes : Unseen Seen (version light ou hard, selon sa témérité personnelle) et Weight of Darkness. La première se vit allongé sur un lit : le haut de l’orbe de la capsule s’illumine de flashs intenses aux couleurs changeantes déclenchant une explosion de visions tourbillonnantes. En contrepoint de cette « illumination », la seconde est une plongée dans le noir complet et le silence total. À MONA, il y a aussi un vignoble, pour se remettre de ses émotions ou s’étourdir encore davantage…
Séjourner : 8 lodges de luxe sur le site de MONA. Forfait Full-on Turrell, avec accès à toutes les œuvres de James Turrell, une nuit, dîner au Faro Bar and Restaurant, petit déjeuner et déjeuner, billets de ferry A/R depuis Hobart et entrée au musée : 3 000 AU$ pour 2 personnes. accommodation@mona.net.au
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