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grande épicerie de paris 1933 vue intérieure du rayon alimentaire
1933 : vue intérieure du rayon alimentation du Bon Marché.
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Grande Epicerie de Paris : le premier « supermarché » fête ses 100 ans

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La Grande Epicerie de Paris, le magasin spécialisé du Bon Marché, fête cette année son centenaire. L'occasion pour The Good Life de plonger dans ses archives.

Il y a une adresse où les néo-Parisiens apprennent à se rendre sans les bénéfices d’une application de géolocalisation. Dans ses rayons, plus de marques de pâtes sèches qu’un Italien pourrait rêver, d’innombrables (et improbables) saveurs de chips, les plus fins des caviars et les plus exotiques des spécialités régionales françaises. Sans oublier sa dizaine de comptoirs frais alléchants, offrant aux hard workers un savoureux déjeuner sur le pouce au même titre que des huîtres en provenance directe du Bassin à arroser d’un blanc frais. Cette adresse, c’est la Grande Epicerie de Paris, une institution rattachée à un grand magasin non moins célèbre, le Bon Marché.


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Pionnier de l’épicerie moderne

Cette année, la Grande Epicerie de Paris fête ses 100 ans. Un anniversaire qui entérine un siècle d’innovations qui ont écrit les grandes lignes du commerce de bouche à Paris.

Mais l’histoire commence un peu avant 1923…

Le « Coin des Gourmets » germe au sein du Bon Marché : il s’agit d’un rack qui propose à la vente « l’épicerie » comme on l’entend à l’époque, soit des conserves fines, du chocolat, des thés, du café et des épices. C’est la première fois qu’un commerce de bouche pérenne et mixte s’installe dans un grand magasin à Paris, les prémices du supermaché qui ne naîtra qu’en 1963 Sainte-Geneviève-des-Bois sous la forme d’un Carrefour. Il ne faut pas oublier que, pour faire ses courses au début du siècle, il faut encore se rendre dans diverses échoppes spécialisées.

Une rare photographie du Coin des Gourmets.
Une rare photographie du Coin des Gourmets. Archives Le Bon Marché Rive Gauche

Les principes introduits par les Boucicaut au Bon Marché se dupliquent au Coin des Gourmets : on peut toucher les produits, ils sont vendus à prix fixes et l’accès au magasin n’est pas conditionné par un achat. Jusqu’au début des années 1900, en effet, les vêtements et autres produits non-alimentaires étaient vendus derrière des comptoirs à des prix laissés à l’appréciation des vendeurs…

En 1923, le « petit » rayon se mue en véritable épicerie : le « Comptoir de l’Alimentation ».

Les deux magasins du Bon Marché se font face : au premier plan, celui qui abrite la Grande Epicerie de Paris.
Les deux magasins du Bon Marché se font face : au premier plan, celui qui abrite la Grande Epicerie de Paris. Bon Marché Rive Gauche

Les années défilent, les rayons s’étoffent

Fondé en 1852 par Aristide et Marguerite Boucicaut, le Bon Marché s’installe dans une partie de son bâtiment actuel en 1869. Jusqu’au début du 20e siècle, le couple acquiert les constructions voisines pour en faire un ensemble homogène, le grand magasin tel qu’on le connaît aujourd’hui.

Face à lui, se tient encore en 1905 un bâtiment miroir qui subit le sort d’un incendie extraordinaire en 1915. Au sortir de la guerre, ce qui avait été réquisitionné pour devenir un hôpital est alors reconstruit sous les traits d’un bâtiment moderne de style Art déco par Louis-Hippolyte Boileau, fils de l’architecte original du Bon Marché, et architecte du Lutetia. A la différence de sa surface intérieure, la façade de la Grande Epicerie de Paris n’a pas changé depuis.

Le frais fait son entrée au Bon Marché.
Le frais fait son entrée au Bon Marché. Archives Le Bon Marché Rive Gauche 3

Le Comptoir de l’Alimentation prend encore plus d’ampleur en 1933. Les administrateurs du Bon Marché (la famille Boucicaut a déjà passé le flambeau) cherchent à faciliter la vie « de la ménagère » en lui mettant à disposition tout ce dont elle pourrait avoir besoin dans un même magasin. L’ancêtre de la Grande Epicerie de Paris s’adjoint donc désormais des rayons frais comme la boucherie, la fromagerie et les fruits et légumes.

Les années défilent et le magasin n’en finit pas de s’agrandir. En 1950, les stands s’installent à l’extérieur, sur le trottoir, pour permettre à chaque corps de métier de prendre ses aises. Dix ans plus tard, les rayons accueillent des spécialités du monde. Enfin, en 1979, le nom de la Grande Epicerie de Paris trône enfin sur la devanture du grand magasin qui vient à nouveau de subir des travaux d’ampleur.

La vente s’installe aussi à l’extérieur.
La vente s’installe aussi à l’extérieur. Archives Le Bon Marché Rive Gauche

La Grande Epicerie de Paris, enfin !

Alors que le supermarché révolutionne la vie de celle qu’on appelle toujours « la ménagère », la Grande Epicerie se met au diapason de la modernité de l’époque. Des néons sont installés, le plafond rabaissé et les produits s’ordonnent sur des rayons symétriques.

1960-1970 : les rayons alimentations prennent la forme d’un supermarché.
1960-1970 : les rayons alimentations prennent la forme d’un supermarché. Archives Le Bon Marché Rive Gauche

Les années passent jusqu’au début des années 2010 et la Grande Epicerie n’en finit pas de se réinventer. Finalement, en 2012, un nouveau chantier d’ampleur est réalisé afin de ramener de la lumière dans le magasin mais aussi le « beau ». Tous les comptoirs de frais se voient par exemple redécorés à l’aide de mosaïques représentant leurs spécialités dans la continuité du style Art déco, des dessins plus évocateurs que littéraux, donc.

Dans l’idée de faire dialoguer héritage et contemporain, cette phase de travaux fait entrer l’art à la Grande Epicerie. « C’est une idée qui découle du mouvement Art déco, qui faisait souvent appel à des artistes-décorateurs pour embellir les intérieurs », pointe Sarah Duchemin, chargée de projet patrimoine pour le Bon Marché.

La Grande Epicerie de Paris, aujourd’hui.
La Grande Epicerie de Paris, aujourd’hui. Bon Marché Rive Gauche

Le bon et le beau pour tous

Avec le temps, la « ménagère » s’est transformée en un client au profil cosmopolite, œuvre bienvenue du temps. « Les profils de nos visiteurs changent beaucoup au fil de la journée. Le matin et à la pause du déjeuner, se sont les actifs qui travaillent dans les bureaux du quartier qui nous rendent visite pour acheter leurs (petits) déjeuners aux comptoirs », précise l’attachée de presse du magasin.

Il faut savoir que la Grande Epicerie possède sa propre boulangerie et qu’elle propose des spécialités aussi diverses que des sandwichs à la coupe, des huîtres fraîches (pourquoi pas entre deux rendez-vous ?!) mais aussi des plats gourmets à réchauffer et des salades pré-emballées par des industriels. « On est un magasin du quotidien, souligne la représentante, nous vendons aussi bien des pâtes sèches Barilla que des tagliatelles fraîches », nous rappelle-t-on. « En dehors de ces heures, nous recevons plutôt des personnes venues faire leurs courses ou des cadeaux. » Le soir, nous précise-t-on enfin, à la sortie du bureau, on vient à la Grande Epicerie de Paris pour s’équiper pour le diner ou piocher parmi la large sélection de mets tout prêts dédiés à l’apéritif.

1970 : exposition anglaise à la Grande Epicerie de Paris.
1970 : exposition anglaise à la Grande Epicerie de Paris. Archives Le Bon Marché Rive Gauche

Sans surprise, 75 % de la clientèle de la Grande Epicerie habitent en Île-de-France, un chiffre qui n’est pas prêt de s’équilibrer puisque le magasin vient de sortir son application de livraison qui permettra (enfin !) à ceux qui n’ont pas la chance de passer dans le quartier de se faire livrer leurs courses à domicile.

15 % des clients de la Grande Epicerie de Paris viennent de régions. Les 10 % restant de l’étranger : c’est une clientèle qui se concentre surtout au moment des fêtes, surtout de Noël, une période plus que dense pour le magasin qui est fier d’une sélection de marques pointue et thématisée.

Dénicheur de talents

Le magasin travaille en effet depuis les années 90 avec une équipe de 15 acheteurs qui répondent chacun à une spécialité. Ceux-là n’hésitent pas à s’exiler aussi loin que les Hautes-Pyrénées et le petit village de Montgaillard pour dénicher le meilleur gâteau à la broche de France — néophytes, foncez goûter cette gourmandise !

Un critère pour rentrer dans les rayons de la Grande Epicerie de Paris ? « Nous cherchons le beau et le bien, indique sans fard l’attachée de presse. On mange avec les yeux, n’est-ce pas ? Nos acheteurs cherchent toujours cette dimension ‘cadeau’ dans les marques qu’ils sélectionnent. Avant de mettre en garde : bien sûr, un produit dont le goût ne suivrait pas son allure ne passera jamais les étapes de sélection. »

Pionnier du tote-bag ?
Pionnier du tote-bag ? Archives Le Bon Marché Rive Gauche

Beaucoup de jeunes marques cherchent ainsi à se faire référencer à la Grande Epicerie de Paris pour se lancer. Ce fut le cas des huiles d’olive Kalios qui inondent désormais les tables des plus grands chefs. « Nous sommes un label de découvreurs », s’enorgueillit notre interlocutrice. La marque d’épicerie fine Les 3 Chouettes et le chocolat LBF ont suivi la même trajectoire.

La Grande Epicerie de Paris sait aussi rester branchée aux tendances du moment pour satisfaire ses clients. La plus grande d’entre elle à la veille de ses 100 ans ? Le « NoLo », ce désamour grandissant des Français pour les boissons alcoolisés qui se traduit en une offre de jus et autres breuvages ne contenant pas (ou très peu) d’alcool, à l’image du pétillant French Bloom et ou des mocktails Nona Drinks. « En deux ans, l’espace alloué aux marques de ce segment à simplement doublé ! »

Et les indémodables best-sellers ? « Le tube de crème de marron Angelina, un best-seller depuis des années et tout au long de l’année. Les biscuits Munitions de chez Poilâne (une recette spéciale sera dévoilée pour l’anniversaire. Et les chips saveur truffe de la marque propre de la Grande Epicerie. » Des références qui seront peut-être concurrencées par la large gamme imaginée en édition limitée pour l’anniversaire…


La Grande Epicerie de Paris
38 Rue de Sèvres, 75007 Paris, France
Site internet


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