La grandeur du futur Paris tient en trois mots : Grand Paris Express. Autrement dit, un métro nouvelle génération permettant d’améliorer la mobilité de banlieue à banlieue. L’enjeu : que les 12 millions d’habitants logent à moins de 2 kilomètres d’une gare. Pour visualiser l’ensemble, il suffit de se munir de la carte de ce réseau de rocades en forme de huit et de suivre les tracés rouge, orange, vert et violet qui illustrent les quatre lignes de métro automatique qui seront créées. « Plus qu’un projet d’aménagement de transport, le Grand Paris Express est porteur de transformations urbaines, sociales et culturelles sans précédent », souligne Philippe Yvin, le président du directoire de la Société du Grand Paris (SGP). La mobilité et l’amélioration des déplacements qu’il va engendrer devraient amplifier le mouvement économique amorcé par le boom des villes de la petite couronne. Le long du réseau s’égrènent les gares prévues dans le schéma d’aménagement. Elles bornent, sur la carte, la géographie économique du Grand Paris, chacune d’elles représentant un pôle de développement. Faites le calcul : à raison d’un périmètre de 800 m de rayon, 138 km2 d’espace sont à densifier autour de ces quelque 68 gares. Soit un potentiel urbain plus vaste que celui de Paris, précise-t-on à la SGP. Ce projet qui relie des territoires très différents est considéré comme l’un des plus vastes de l’Union européenne. Pour Pascal Tabo, directeur adjoint de la branche transports et infrastructures chez Artelia, l’entreprise qui assiste la SGP dans la maîtrise d’ouvrage, « le réseau Grand Paris est un catalyseur qui mettra la métropole parisienne au niveau des autres grandes villes monde, comme Tokyo et Londres où les dessertes ville-aéroport sont bien meilleures. Le Grand Paris est un projet exceptionnel, caractérisé par la démesure à tous points de vue. Ce n’est rien de moins que le métro de demain qu’il faut mettre en place. C’est l’opportunité pour les collectivités locales d’attirer les investissements. Cela devrait changer la vie d’une douzaine de millions de citadins. »
L’effect connexion
De son côté, Philippe Yvin (lire interview) assure que 2015 sera une année charnière, au terme de laquelle il souhaite que soit engagé l’ensemble des investissements. Depuis le temps que ce projet est dans les cartons… Un chantier pharaonique qui s’étend par étapes jusqu’en 2030. Pour les villes riveraines, la traduction de ces espaces en termes de vitalité économique est énorme. Equipements, logements, commerces, ces nouveaux centres de mobilité qui dessinent le territoire seront, selon Philippe Yvin, de véritables « déclencheurs d’initiatives économiques ». Exemple clé : la gare de Saint-Denis-Pleyel. Un véritable hub stratégique entre la Défense et l’aéroport de Roissy, qui, dans une dizaine d’années, grâce à ce que les urbanistes appellent « l’effet connexion », sera un pôle économique phare de la région parisienne. Les lignes de métro 11, 14, 15 et 16, qui vont bientôt la desservir, seront fréquentées quotidiennement par 250 000 voyageurs. D’autres sites font figure de symboles. Au sud : la Cité de la gastronomie à Rungis. Au nord-est : le quartier du Triangle de Gonesse avec les projets d’Europa City, un complexe touristique et commercial mené par le distributeur Auchan, mais aussi la modernisation de l’aérogare d’affaires du Bourget. Du côté de Roissy, un centre commercial hors norme (84 000 m2), baptisé Aéroville, a récemment été livré à quelques encablures des pistes d’atterrissage. De leur côté, les économistes du transport avancent que les effets induits par la mise en réseau des pôles dynamisés par ces gares vont élever la croissance du PIB de l’Ile-de-France de 10 %. Soit d’un peu plus de 60 milliards d’euros.
De cet investissement ferroviaire est en train d’émerger un Paris industrieux, riche en innovations et plus ouvert. Et la dimension culturelle n’est pas en reste. « Les gares du Grand Paris Express ne seront plus seulement des gares. Elles accueilleront des services et des activités et feront ainsi une place au temps : la rencontre, la réflexion et la découverte », soutient Alexia Fabre, conservatrice en chef du musée Mac Val à Vitry-sur-Seine.
Quand la recherche éclaire Paris
C’est sur le plan de la science et de la technologie que Paris devrait trouver une visibilité mondiale à la hauteur de sa stature. « On ne le dit pas assez : nous avons les meilleurs ingénieurs du monde », soutient Augustin de Romanet, président d’Aéroports de Paris (ADP). Le site de Paris-Saclay, situé à 20 km au sud de Paris, illustre cette mise en valeur de la science francilienne grâce aux nombreux projets existants ou en construction qui y sont développés. Le métro du Grand Paris Express le reliera en 35 min à l’horizon 2024. Projet élevé au rang de « chantier présidentiel », ce cluster se structure autour de l’université Paris-Saclay et de ses 19 établissements de recherche et d’enseignement, sur un territoire de 15 km de long, totalisant 7 700 ha autour du plateau de Saclay et de ses vallées. Officialisé en décembre 2014, le campus Paris-Saclay, conçu sur le modèle d’Harvard, associe dans un même ensemble de rang mondial 11 grandes écoles, 2 universités, des instituts et des organismes scientifiques, ainsi qu’un pôle de compétitivité. Paris-Saclay est en résonnance directe avec la volonté de redorer le blason scientifique de Paris et d’irriguer l’innovation. Les chercheurs et ingénieurs étrangers ne s’y trompent pas. Ils sont de plus en plus nombreux à l’intégrer dans leur agenda. Le site pèse désormais un poids comparable à celui du Quartier latin, lequel demeure, depuis la fondation de la Sorbonne, l’antre des scientifiques. Paris-Saclay rassemble aussi parmi les équipes de recherche et développement des entreprises françaises les plus importantes : Air Liquide, Technocentre Renault, Thales, EDF, Safran, Danone, Dassault Systèmes, Ipsen, PSA, EADS, Alcatel… Sans oublier une kyrielle de start-up, mais aussi des écoles réputées (Polytechnique, HEC, la faculté d’Orsay, l’Ecole centrale, l’Ecole normale supérieure de Cachan, Mines-Télécoms, Supelec, AgroParisTech, Télécom ParisTech, Ensae ParisTech), ainsi que le Commissariat à l’énergie atomique et le CNRS. Tout ce que le monde scientifique et technologique compte de talents garantit la réputation mondiale du site, qui profite en outre du must en équipements comme le synchrotron Soleil, l’infrastructure de recherches sur le cerveau qui exploite de grands instruments d’imagerie Neurospin, ainsi que Cilex, dédié à l’étude de l’interaction de la lumière laser. Pas de quoi rougir, donc. D’autant que des architectes réputés ont répondu à l’appel. Renzo Piano a signé l’Ecole normale supérieure de Cachan. Le centre de recherche EDF a été conçu par François Soler, et le centre de nanosciences et de nanotechnologies du CNRS, par l’Atelier Michel Rémon. Le campus de Paris-Saclay, qui intègre des logements pour 8 000 résidents, dont deux tiers pour les étudiants, vise la sobriété énergétique dans le souci de développer une maîtrise globale de l’eau et de mettre en place une économie circulaire. « Paris-Saclay est pensé comme un écoterritoire, conçu en synergie avec les partenaires locaux afin d’intégrer immobilier, transports, traitement des déchets, biodiversité, gestion des espaces naturels et agricoles dans une perspective écologique », indique Pierre Veltz. De tradition agricole et forestière, le site entend le rester. Plus de 2 400 ha seront ainsi sauvegardés pour l’agriculture. Les opérations se font en lisière de ces espaces protégés par la loi. Un réseau smart energy s’appuie sur la création de plates-formes numériques et d’infrastructures facilitant les complémentarités des besoins en énergie. Le réseau de géothermie, notamment, permet d’équilibrer les utilisations d’énergie en excès avec celles en manque, le tout couplé à un réseau de distribution d’éléctricité intelligent. Reste à marquer cet espace multiforme d’une identité reconnaissable à l’international. « Malheureusement, les labos sont moins photogéniques que les musées », relève Juan Veron, jeune doctorant de l’université Paris-Sud.