48 heures à
The Good Guide
Devenue l'escale de prédilection des vols vers et depuis les Etats-Unis, la capitale islandaise fourmille de bonnes adresses qui émergent depuis 10 ans, peut-être en réponse au taux de touristes en croissance exponentielle mais surtout en gardant à cœur sa culture si singulière.
L’Islande et Reykjavik ont donné à ma vie sa définition du voyage. J’avais à peine plus de 20 ans, j’y débarquais avec une bande d’amis rencontrés quelques mois plus tôt à Kalmar, en Suède, lors d’un échange universitaire. Je n’avais jamais voyagé ainsi, sans mes parents, et mon compteur de miles était infinitésimal comparé à celui que j’affiche aujourd’hui. J’étais une page blanche prête à accueillir le premier chapitre du roman de ma carrière de voyageuse.
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Souvenirs, souvenirs
Nous avions décidé de profiter de notre relative proximité avec l’île pour l’explorer plutôt que de végéter en cours — j’ai malgré tout obtenu mon diplôme. Je garde encore en moi les premières impressions de cette expérience : l’excitation de conduire sur des routes inconnues et désertes, la quête du panorama parfait pour notre photo de groupe, la fatigue d’une randonnée un peu (trop) improvisée et, bien sûr, le goût de l’imprévu. Les iPhone n’en étaient qu’à leur sixième génération et le roaming n’existait pas. Il nous a donc fallu naviguer à l’ancienne, avec une carte, et compter sur la confiance envers nos hôtes Airbnb. Depuis, Apple a présenté son 16ème iPhone et la spontanéité d’un arrêt devant une cascade a laissé la place à des hordes de cars de touristes en voyage organisé — le tourisme subit une croissance exponentielle depuis 10 ans.
De Reykjavik, je garde cette impression de liberté totale : les graffitis sur les murs, les skateurs dans la rue, ces mecs « trop stylés » en chemises de bûcheron devant leurs cafés fumants à l’heure du goûter chez Prikið — une adresse qui, j’allais le découvrir, survit au temps. J’avais même ramené de ce voyage un petit livre que je n’ai jamais ouvert depuis que je l’avais glissé dans mon sac.
Ce matin d’octobre, avant de me précipiter dans l’ascenseur de mon immeuble, un éclair m’a traversé l’esprit, et je me suis souvenue de ce bouquin. Je l’ai cherché, trouvé facilement — je garde précieusement mes souvenirs de voyage — et l’ai glissé dans mon sac, me promettant de le lire avant l’atterrissage. Grand bien m’en a pris. « The Little Book of the Islanders » réunit 50 observations sur l’Islande et, surtout, les Islandais. Bien que certaines soient déjà périmées (on y évoque notamment l’importance de Facebook dans les usages numériques), il y a fort à parier que le reste m’aidera à mieux comprendre les us et coutumes insulaires.
Un boom touristique
Les choses ont changé en Islande, à commencer par la présence décuplée de touristes. On les repère facilement aux sneakers Hoka ou On qu’ils arborent, deux marques qui n’avaient pas encore connu leur épiphanie en 2013, lors de ma première visite. « Nous avons connu un véritable boom touristique ces dix dernières années », explique Kristján B. Jónasson, responsable des relations publiques de Visit Reykjavik. « Nous sommes passés d’un ratio modeste de 400 000 visiteurs par an, soit l’équivalent de la population locale, à plus de 2 millions de visiteurs chaque année. »
En 2023, l’Islande a accueilli 2,3 millions de touristes du monde entier, dont une grande partie d’Américains. « C’est un vol très court pour eux (moins de 6 heures depuis New York, ndlr). Et très pratique grâce au décalage horaire favorable lorsqu’ils voyagent vers l’Europe. » Les Britanniques constituent la deuxième source de trafic : « ils viennent généralement pour un long week-end ! » Tout ce joli monde suit cependant le même programme que mon petit groupe, il y a dix ans : un bref arrêt à Reykjavik avant de partir explorer l’île. Mais pourquoi ne pas s’attarder un peu plus dans cette capitale tranquille où les bureaux du Premier ministre se trouvent aux portes de « Downtown », le quartier dynamique, sans surveillance — « il n’y a pas de crime ici, donc pas besoin de surveiller la maison ! Le seul bâtiment officiel à être sécurisé est… l’ambassade des États-Unis ! », s’amuse Andrew, un guide local.
Reykjavik, le cœur du réacteur
Le Grand Reykjavik concentre 63 % de la population islandaise (382 003 habitants en 2023). La ville en elle-même, zone la plus dynamique du pays, peut sembler vaste (elle couvre 275 km² ; Paris est 2,5 fois plus petite) mais, en réalité, seule une partie concentre l’activité de la ville. Downtown, donc, et Kvosin (« le centre »), récemment redynamisé grâce à la construction d’une série de bâtiments, dont le grandiose Harpa, qui abrite l’Orchestre symphonique et l’Opéra d’Islande depuis 2011, une œuvre de l’architecte Henning Larsen et Ólafur Elíasson pour la façade. Ces deux quartiers concentrent la majorité des attractions commerciales de Reykjavik. C’est ici que s’installent les nouveaux restaurants tendance, que The Reykjavik Edition, l’opus islandais de la marque hôtelière de Ian Schrager, a jeté l’ancre et que s’opère le shopping de souvenirs.
Le centre de la capitale islandaise n’a rien de classique. Ici, pas de gratte-ciel ni de grands parcs. On se balade à travers des habitations tout à fait traditionnelles (de jolies petites maisonnettes colorées) qui entourent les monuments de la ville. L’église luthérienne Hallgrímskirkja, construction rétrofuturiste de Guðjón Samúelsson (1945-86), haute de 75 mètres, est à la fois un parfait point de repère et de départ pour visiter la ville. Devant elle, la rue Laugavegur, tapissée d’un arc-en-ciel, est « sans doute le lieu le plus instagrammé de la ville », selon notre guide local, et le centre névralgique du shopping de souvenirs. Kvosin lui a récemment ravi le titre d’artère commerçante principale avec l’arrivée de mastodontes comme H&M, COS et The North Face dans des bâtiments flambant neufs.
Pour sentir le pouls de la ville, rien de mieux que de monter dans un bus (attention, les Islandais diffèrent de leurs cousins du Nord : ils ne sont pas toujours à l’heure !) en direction des musées les plus importants de la ville (on en compte une demie douzaine, pour la plupart installés en périphérie). Regarder défiler les quartiers résidentiels et les chaines de centres commerciaux donne toujours une idée plus vrai du quotidien d’une population. Aussi, c’est peut-être là qu’on trouve les pépites qui touchent le plus. On vous laisse en juger à la fin de cet article…
Nos meilleures adresses à Reykjavik
Où dormir dans la capitale islandaise ?
The Reykjavik Edition
La collection de Ian Schrader a été la première à se risquer à Reykjavik. Si d’autres suivront très prochainement, The Edition reste, à date, le lieu à élire si l’on aime les grands espaces, le service à la fois chic et décontracté et que l’esthétique design importe dans le choix de son hôtel. Posté en bord de mer, face à Harpa — demandez absolument une chambre avec vue ! —, dans le quartier de Kvosin, sa situation est idéale pour rayonner à pied dans la capitale. Les arrêts de bus sont à quelques secondes du voiturier.
Austurbakki 2. Réservations.
Apotek hotel
Pour les budgets plus serrés, Reykjavik se dote d’un large panel d’hôtels aussi propres qu’efficaces — le charme à la nordique. Parmi eux, Apotek, lui aussi localisé dans le centre de la ville mais à l’écart du tumulte touristique de Downtown, est le roi de la catégorie. L’accueil est souriant, les chambres sans fioriture tout en restant élégantes et le petit déjeuner mérite un 10/10, concocté à partir d’ingrédients 100 % locaux, dont un Skyr d’anthologie.
Austurstræti 16. Réservations.
Les meilleurs restaurants de Reykjavik
Skál
L’histoire commence à New York. Pour eux, comme pour moi. Pour eux, c’est là-bas qu’a été achetée l’enseigne lumineuse « Skál » qui trône aujourd’hui dans leur nouveau restaurant éponyme, auprès d’un établissement islandais contraint de fermer. Pour moi, c’est à la table d’Eric Bolyard (La Compagnie Flatiron), quelques jours avant ce nouveau voyage, que j’ai découvert l’existence du chef Gisli Matthias, lorsque celui-ci m’a présenté un sel islandais produit sur l’île de Westman où il possède un autre restaurant. Tous les chemins menant à Reykjavik, c’est en plein cœur de son Downtown que l’on retrouve la nouvelle version de Skál, sept ans après son ouverture originelle dans un food court local. Le nouveau lieu est sobre, soigné, joliment décoré sans excès par l’épouse designer de l’un des fondateurs. Dans l’assiette, le chef danois Thomas Lorentzen propose une cuisine d’une grande précision, jouant sur les textures, les températures et les cultures. L’adresse est audacieuse et reflète la nouvelle énergie culinaire de la ville. Ne passez surtout pas à côté du Bloody Mary du mixologue Hrafnkell Ingi, un passionné qui crée, sur demande, des cocktails surprenants en écho aux plats du chef.
Njálsgata 1. Site internet.
Sümac
C’est le restaurant favori de Gunnar Petursson, fondateur de Skkek (voir plus bas) à Reykjavik. Sümac est une brasserie moderne et animée qui vaut sa notoriété à son grill au charbon de bois. Les ingrédients islandais y sont revisités avec une touche moyen-orientale, influencée par des saveurs allant de l’Afrique du Nord au Liban — la bonne idée et d’opter pour les menus mezze à partager.
Laugavegur 28. Site internet.
Brút
C’est ici que les membres du « Sewing Club » se réunissent tous les dimanches midis, brunchant au rythme des meilleurs titres de Cerrone. Ce nom, hérité des véritables réunions de couture de leurs grands-mères, survit aujourd’hui à travers la tradition du brunch entre Islandaises, version moderne des réunions Tupperware, où les potins remplacent les boîtes de rangement autour de Mimosas servis chez Brút dans des mason jars — à volonté, bien sûr. Le Sewing Club peut également se servir et se resservir sans limite des plats frais du chef, avec des salades rappelant celles que l’on connaît en France (à base de lentilles ou de concombre, par exemple), mais toujours revisitées à la sauce islandaise. Un excellent rapport qualité-prix pour faire le plein d’énergie pour la journée. On recommande également de réserver une table en semaine pour découvrir pleinement le talent du chef.
Pósthússtræti 2. Site internet.
Skreið
L’Islande est une terre d’immigration. Si la communauté polonaise constitue la majeure partie des étrangers se risquant au grand froid, les Espagnols ne sont pas en reste (l’un des fondateurs de Skāl est d’ailleurs originaire de Malaga) — et ça se voit dans les rues de Reykjavik. Quelques bars à tapas y ont élu domicile, dont Skreið, le plus chic d’entre eux, une adresse logée à l’angle de Rainbow Street. Dans un cadre feutré, le chef y concocte à sa sauce des plats satisfaisants reprenant les saveurs traditionnelles de la péninsule ibérique autant qu’il joue sur le tableau de la simplicité avec des tapas (chorizo, sardine en Escabèche) bien faites à arroser de vino tinto.
Laugavegur 4. Site internet.
Manger sur le pouce à Reykjavik
Bæjarins Beztu Pylsur
Bill Clinton aurait dit de cette petite échoppe toujours bondée qu’on y ferait les meilleurs hot dogs du monde… A Reykjavik, ces sandwiches sont incontournables et la farce de leur saucisse est au 3/4 composée d’agneau, la viande locale.
Tryggvagata 1.
Smekkleysa
Smekkleysa, connu sous le nom Bad Taste dans les pays anglophones, est un des plus importants labels discographiques islandais créé en 1986. Il a entre autres produit les trois premiers albums studio du groupe Sigur Rós. Depuis juin, sa boutique islandaise s’est dotée d’un coffee shop, permettant aux amateurs de se réchauffer avec un bon café tout en faisant leur choix dans les bacs de vinyle.
Hverfisgata 32. Site internet.
Brauð & co.
Cette boulangerie-pâtisserie propose une qualité (presque !) similaire à nos bonnes adresses françaises, idéales pour un petit-déjeuner (quand on en a assez du skyr) ou un snack bon marché dans une ville onéreuse.
Frakkastígur 16. Site internet.
Faire du shopping à Reykjavik
Skekk
Cette galerie de design contemporain n’est ouverte que sur rendez-vous mais propose une sélection rare et inédite dans la capitale islandaise.
Óðinsgata 1. Site internet.
Mikado
Sise dans le nouveau quartier moderne de Kvosin, Mikado est une boutique comme il y en a peu à Reykjavik, proposant une sélection très resserrée de produits de beauté (Le Labo, Aesop) mêlée à une bibliothèque de journaux indépendants et d’articles d’art de la table et de décoration scandinave (Frama, &tradition).
Kolagata Hafnartorg, 101. Instagram.
Collage
Face à Mikado, Collage est une large boutique dédiée aux créateurs qui font la mode d’aujourd’hui, de Loewe à Jacquemus en passant par les intemporels de Mulberry.
Geirsgata, 4. Site internet.
Les meilleurs musées de la capitale islandaise
Listasafn Reykjavíkur – Hafnarhús
Le musée d’art de Reykjavik regroupe sous sa dénomination en fait trois adresses. La plus centrale, Hafnarhús, est son antenne la plus ambitieuse, dédiée à l’art moderne et contemporain, proposant des expositions mettant en lumière des artistes pour la plupart islandais. Jusqu’en 2025, ce sont les œuvres de Erró, peut-être le plus célèbre des plasticiens locaux, qui sont mis en scène au premier étage et une installation de Sigur Rós magistrale qui fait vibrer (littéralement) le rez-de-chaussée.
Tryggvagata 17. Site internet.
Avec un peu de temps, plus loin du centre de Reykjavik
Raðagerði Veitingahús (à 15 minutes du centre)
Au bout d’une péninsule, là où s’observent les aurores boréales, se cache le restaurant le plus charmant de Reykjavik dans une maisonnette typiquement islandaise érigée au 19ème siècle. Étonnamment, c’est une cuisine aux accents italiens qui s’y prépare, savoureuse et généreuse. Le chemin (une quinzaine de minutes en bus ou en Hopp, le Uber local) en vaut la chandelle.
Ráðagerdi 170, 170 Seltjarnarnes. Site internet.
Sól (30 minutes)
Les pays nordiques ont le chic pour réinventer l’expérience du restaurant. Si n’est pas NOMA qui veut, Sól a lui aussi choisi de s’exiler tout en restant à proximité d’une grande ville pour faire vivre sa vision de la gastronomie à travers un menu quasiment exclusivement mitonné à partir de denrées locales — dont une partie pousse littéralement sous les pieds de ses convives. Car ici, on déjeune, on dîne ou on brunche dans un restaurant sous serre avec vue directe sur la production
Óseyrarbraut 27c, 220 Hafnarfjörður. Site internet.
Living Art Musem-The Marshall House (5 minutes)
Dans cet immeuble établi dans un nouveau quartier émergent de Reykjavik, construit en lieu et place des anciens entrepôts et échoppes des pêcheurs locaux, s’empilent plusieurs galeries d’art (très) contemporain coiffées par le studio du starchitecte Ólafur Elíasson, occasionnellement ouvert pour des expositions.
Grandagarður 20. Site internet.
Listasafn Reykjavíkur – Ásmundarsafn (20 minutes)
Autre branche du musée d’art de Reykjavik, cette maison de maître transformée en galerie met en scène les sculptures de son architecte, Ásmundar Sveinssonar (1893-1982) auxquelles elle fait répondre occasionnellement des pièces plus contemporaines. Son jardin est lui aussi parsemé de pièces sculpturales, plus grandes. Un beau moment de poésie.
Sigtún 105, 105 Reykjavík. Site internet.
Vesturbæjarlaug Pool (7 minutes)
Dans « The Little Book of the Islanders », l’autrice Alda Sigmundsdóttir explique avoir éviter une banqueroute après avoir rencontré, dans un des bains chauds d’une piscine de Reykjavik, un duo de financiers lui ayant expliqué qu’une crise se profilaient. En Islande, il est coutume de dire que quinze minutes dans un bain équivaut à une séance de psy. Pour un prix modique, on vous invite à essayer…
Hofsvallagata, 107.
Office de tourisme de Reykjavik et d’Islande.
Visite guidée avec City Walk
Icelandair, compagnie aérienne islandaise avec plus de 80 ans d’expérience, opère des vols directs au départ de Paris CDG toute l’année à destination de l’Islande et en correspondance pour plus de 15 destinations aux États-Unis et au Canada. Vols saisonniers d’avril à octobre au départ de Nice. Vols aller-retour dès 339€ TTC (bagage inclus) au départ de Paris. Informations et réservation : www.icelandair.com/fr-fr/
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