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Hôtel de la plage d’Ashvem
Un hôtel de la plage d’Ashvem, fermé pendant la mousson et voisin du restaurant franco-indien la plage, très fréquenté par les français vivant en Inde.
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Voyage

Goa, le repaire des hippies 2.0 – 1/2

Voyage

En Inde, le petit État de Goa connaît une renaissance artistique à laquelle les compagnies aériennes low-cost et l’Internet haut débit ne sont pas étrangers. Peintres, sculpteurs, musiciens, cinéastes et performeurs s’installent dans les maisons portugaises de l’arrière‑pays, loin des plages autrefois convoitées par la vague hippie.

C’est à deux kilomètres de chez eux, dans le bourg d’Assagão, que le réalisateur Q a pour sa part élu domicile il y aura bientôt deux ans. Qaushiq Mukherjee, de son vrai nom, est originaire de Calcutta et aime échapper aux carcans. Échaudé par la censure, il a préféré diffuser l’été dernier son dernier film, ­Brahman Naman, sur Netflix. Goa lui plaît, parce que c’est un lieu « qui allie la sensation de l’isolement à celle de la relation au monde », un espace cosmopolite d’où il peut observer à distance « l’effondrement culturel de l’Occident ». Q trouve que Goa a tiré les leçons de sa période hippie : « On sait désormais qu’on n’échappe pas à l’ordre social, quel qu’il soit », explique-t-il derrière ses ­éternelles lunettes fumées.

Le cinéaste Qaushiq Mukherjee, alias Q, dans sa maison d’Assagao.
Le cinéaste Qaushiq Mukherjee, alias Q, dans sa maison d’Assagao. Fabien Charuau

La fin d’un âge d’or ?

Avant de quitter ce paradis réémergent, nous ne pouvions faire l’impasse sur un témoin de l’âge d’or de Goa. Direction Arpora, où la peintre Shireen Mody s’est retirée voilà presque quatre décennies. Pour la trouver, il faut emprunter une toute petite route qui s’échoue sous un immense figuier étrangleur, appelé ici « banian ». Là encore, des chiens patibulaires attendent le visiteur à la grille. Shireen Mody travaillait dans la publicité, à Londres, jusqu’à ce qu’elle fasse un gros ­burnout. Si elle a choisi Goa, c’est qu’elle ne voulait plus qu’on lui dicte sa manière de vivre. « En Europe, tout est décidé à l’avance et les gens ne s’en rendent même pas compte », estime-t-elle. Elle nous ouvre son atelier, encombré de toiles dans lesquelles l’ombre et la lumière jouent à cache-cache sur des feuillages de palmiers.

La peintre Shireen Mody s’est retirée à Arpora il y a presque quarante ans.
La peintre Shireen Mody s’est retirée à Arpora il y a presque quarante ans. Fabien Charuau

C’est l’heure du thé, mais elle préfère nous servir une vodka-glace. « Il n’y a pas très longtemps que j’ai le téléphone et les toilettes. Autrefois, il n’y avait pas de voitures, et le seul moyen de rencontrer du monde, c’était de se rendre au marché aux puces du mercredi, à Anjuna », raconte-t-elle. L’âge venant, Shireen Mody s’attriste de voir certains de ses amis partir, « à cause de ce foutu passeport biométrique » qui traque les étrangers sans visa. Elle se demande si la victoire du Brexit au Royaume-Uni ne va pas l’empêcher de voyager, elle, la citoyenne britannique que les Goanais regardent toujours comme une étrangère, alors qu’elle est née à Bombay. Demain matin, elle ira piquer une tête à Calangute, comme tous les jours. Puis elle retournera à ses couleurs et à ses pinceaux. Imperturbable.

 

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