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The Good Business
De Audrey Teichmann à Jensen Huang, The Good Life dresse le portrait de 8 entrepreneurs inspirants.
The Good Life fait un tour d’horizon des entrepreneurs innovants et autres têtes pensantes qui nous entraînent vers le haut.
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1 – Jonathan Malgogne et Dylan Letierce
Les créateurs du chariot connecté
Ces deux entrepreneurs innovants et dirigeants de Knap, jeune pousse implantée près de Nice et incubée à MonacoTech, dont les solutions innovantes sont consacrées au secteur de la grande distribution, entendent faire rouler dans les allées des supermarchés un chariot intelligent inédit.
Connecté, ce dernier offre à ses usagers de le remplir en faisant eux-mêmes leur addition au fur et à mesure de leurs achats, et de sortir du magasin sans passage en caisse, après avoir scanné leurs articles sur l’écran de leur chariot et réglé leur note. Mais c’est surtout aux acteurs de la grande distribution que s’adresse ce chariot du futur, une machine à surveiller les faits et gestes de son utilisateur, équipée de caméras et de capteurs prompts à bloquer le chariot à la sortie du client à la moindre fraude.
Soutenus par Bpifrance dans le développement de leur projet, Dylan Letierce et Jonathan Malgogne ont réussi à lever des fonds – 3 M € – auprès d’un pool d’investisseurs de la distribution française, belge, anglaise et singapourienne. Protégé par quatre brevets internationaux, le système Knap Kart est un concentré de technologie robuste : chariot en fibre de carbone et alu, autonomie de 30 heures, écrans en verre trempé résistant à la pluie et au yoyo des températures.
2 – Denis Pernet et Audrey Teichmann
Les maîtres d’œuvre de l’art contemporain chez Audemars Piguet
Ils forment ce tandem de « cocurateurs » d’Audemars Piguet dont on loue la vision prospective, eux qui assument avec une passion non dénuée de rationalité leur mission d’identifier un ou deux artistes dont les œuvres feront leur entrée, souvent spectaculaire, à Paris, New York ou Venise.
Ces deux entrepreneurs innovants se définissent tous deux comme des conservateurs d’art à part entière, et ils n’ont de cesse d’apprécier que leur rôle de curateur chez Audemars Piguet Contemporary – dix ans d’engagement auprès des plus grands artistes internationaux, déjà plus de 60 expositions – soit résolument comparable à celui qu’ils exerçaient en amont de leur arrivée à la manufacture du Brassus, en 2018 pour Denis Pernet et en 2020 pour Audrey Teichmann.
Lui officiait au centre d’art contemporain de Genève. Elle fut, entre autres, cocommissaire des expositions d’architecture de la villa Noailles et directrice de la galerie genevoise Laurence Bernard. C’est d’ailleurs le vrai défi de cet engagement total de la manufacture du Brassus qui, sous la gouverne de son CEO, François-Henry Bennahmias, est passée, en dix ans, de grande signature d’horlogerie suisse lançant des ponts, tissant des liens entre la haute horlogerie et l’art contemporain, à partenaire influent d’Art Basel.
En effet, la manifestation laisse carte blanche aux artistes qu’Audrey Teichmann et Denis Pernet choisissent de faire entrer dans la lumière, alors même que la reconnaissance internationale de ces talents est encore en devenir. On leur doit, l’an dernier, l’incroyable installation immersive de l’artiste grec Andreas Angelidakis.
3 – Jensen Huang
Il crée les cerveaux de l’intelligence artificielle
Quand chatGPT donne des sueurs froides à ceux qui l’utilisent par ses connaissances sans frontières et, plus inquiétant encore, par sa finesse créative, ce n’est pas seulement au patron star d’OpenAI, Sam Altman, qu’il le doit, mais à l’un de ces entrepreneurs innovants, cet éternel jeune-homme taïwanais de 60 ans fondateur de Nvidia. L’écrasant leader des composants électroniques, à qui l’on doit 90 % des supercalculateurs d’intelligence artificielle, fournit à chatGPT les processeurs graphiques à l’origine de ses prouesses.
Nvidia, fondée en 1993, a d’ailleurs franchi aujourd’hui le cap des 1 000 Mds $ de capitalisation boursière ! Gratifié d’un doctorat honoris causa de la prestigieuse université nationale de Taïwan, cet expert doué pour les talks et les standing ovations incarne, au plus haut niveau, la revanche du hardware sur le soft. La revanche du calcul, des algorithmes, de la « vraie » puissance scientifique, celle des puces électroniques, sur les logiciels, les applis, les réseaux, tout cet environnement parfois plus invasif que réellement novateur.
L’aventure mouvementée de Jensen Huang a commencé dans un minibureau de Sunnyvale, dans la Silicon Valley, l’enfant taïwanais ayant immigré aux États-Unis dès l’âge de 9 ans. Le charismatique cerveau est arrivé par la petite porte, celle des jeux vidéo et des microprocesseurs.
Jensen Huang aime rappeler ses erreurs : celle qu’il a commise lors de son premier contrat avec Sega, en 1990, et qui a failli faire péricliter Nvidia ou, plus récemment, ce marché des smartphones que le roi des cartes graphiques a dû abandonner en 2015. Autant de sorties de route qui l’ont conduit sur le vrai chemin : celui de la conquête de l’intelligence artificielle.
4 – Leon Korosëc
Les Troupes d’élite valident son ski pliant
L’un de ces entrepreneurs innovants est un peu comme cette société slovène, Elan, qu’il dirige et incarne : discret et efficace, tout à la fois fidèle à certaines valeurs du passé et cependant superéquipé pour inventer l’avenir. Directeur de la division Winter d’Elan – plus de vingt ans qu’il est entré dans ce fief du ski de Begunje, où il s’est hissé au sommet sans zapper le moindre palier –, Leon Korosëc est ce dirigeant pointilleux et bienveillant qui a su faire passer Elan de la 14e à la 7e place sur ce marché du ski dominé par de grandes signatures comme Rossignol et Salomon.
Et c’est aussi sous sa gouverne qu’Elan a récemment remporté un pari technologique aux accents de prouesse avec six brevets déposés : avoir réussi là où tant d’autres ont mordu la poudreuse en créant le tout premier ski pliant dont la performance sécurisée séduit aussi bien les troupes d’élite de l’armée slovène alpine, dans sa version de premier ski de randonnée pliant, que les freeriders les plus véloces, avec un ski beaucoup plus léger.
L’ex-modèle classique de 172 cm est désormais capable de se ranger dans un étui du type de ceux utilisés pour les clubs de golf, où ses 93 cm trouvent à se nicher sans effort. Chez Elan, surprendre est une seconde nature. La révolution du ski parabolique, en 1995, c’est en bonne partie à la griffe slovène qu’on la doit…
Délibérément locale – ses skis sont fabriqués de A à Z dans son fief des Alpes slovènes – et internationale, et ce depuis l’aube de sa création, en 1945, quand un jeune menuisier et sauteur à skis exportait ses premiers modèles aux États-Unis, Elan continue plus que jamais de briller sur ses propres traces.
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5 – Norbert Karlsböck
Une station de ski autrichienne lui doit son modèle écologique
Alors que l’un de ces entrepreneurs innovants s’apprête à respecter l’heure sacrée de l’âge de la retraite et à déchausser de son poste de directeur de la station de Kitzsteinhorn et de son célèbre domaine skiable sur glacier, longtemps symbole d’une promesse infaillible de ski à toute heure de l’année, l’Autrichien Norbert Karlsböck draine sur son profil d’inconditionnel optimiste un flux d’éloges venant éclairer sa performance : avoir réussi à convertir, autant que possible, l’accès à ce glacier en altitude (3 000 m qui dominent le Land de Salzbourg) à des normes compatibles avec l’urgence d’enrayer le réchauffement climatique.
Habité d’une paisibilité à toute épreuve – même celle, si violente et meurtrière, de l’incendie du funiculaire dans un tunnel, un drame gravé dans toutes les mémoires –, cet ingénieur de plus de 60 ans n’a pas ménagé son énergie pour étouffer les émissions de CO2 : remontées mécaniques tournant à l’électricité verte, dameuses qui carburent à l’huile végétale, digitalisation maximale des technologies liées à la gestion de l’enneigement et à la préparation des pistes, navettes gratuites gare – pied des pistes (10 km). « Il faut transformer la station, enjoint celui qui y fut aussi maire. Et garder à la jeunesse son envie de voyager. Car les voyages ouvrent l’esprit et contribuent à la paix. »
6 – Octave Klaba
La big tech européenne, il y croit
« L’Europe a les moyens de proposer une alternative technologique respectueuse de nos valeurs. » Cette affirmation du roi mondial de la tech et du cloud est à prendre au sérieux, tant se concrétise son ambition de maître du numérique européen. Fondateur, en 1999, à Roubaix, d’OVH,
une start-up spécialisée dans l’hébergement de sites internet, devenue OVHcloud, le leader européen du stockage de données à distance, l’un de ces entrepreneurs innovants s’est récemment allié le concours de la Caisse des dépôts pour racheter le moteur de recherche Qwant, dont la mission est de respecter la vie privée des internautes.
Trente-deux ans déjà que cet entrepreneur star de 48 ans a débarqué en famille de sa Pologne natale pour prendre racine dans le nord de la France. Aujourd’hui comme hier, Octave Klaba n’a de cesse d’investir dans toutes ces pépites françaises que la planète observe, voire convoite : le calcul quantique de C12 Quantum, l’électricité éolienne de Poweend, ou encore l’intelligence artificielle de la pépite toulousaine Preligens, que la CIA voulut un temps s’approprier. Et puis il y a cette bataille du cloud, qu’Octave Klaba estime – provisoirement – perdue, et qu’il dit encore être en mesure de remporter, pour peu « que l’on veuille bien faire confiance à tous ces excellents services – Oodrive, Clever Cloud, Free Pro ou encore Scaleway – qui n’ont rien à envier au lobbyiste Microsoft. »
Vouloir, c’est pouvoir : le vieil adage semble habiter ce surdoué de la tech, toujours prêt à foncer, guitare électrique en bandoulière – sa collection de guitares est d’ailleurs à la hauteur de ses rêves –, sa chatte Pixel blottie sur ses genoux, avec logé dans un coin de sa tête le seul combat qui lui fit peur il y a dix ans, un méchant cancer de la colonne vertébrale. « On va encore renforcer la souveraineté numérique de la France et de l’Europe, plaide Octave Klaba. Il en va de notre liberté. »
7 – Paolo Cognetti
Le Sylvain Tesson du Val d’Aoste
L’un de ces entrepreneurs innovants est de ces rares écrivains d’aujourd’hui qui évoquent la montagne pour la célébrer sans la mystifier, une « montagne à vivre », où lui-même a trouvé refuge, il y a seize ans, quand sa plume ne le nourrissait pas encore, avant qu’il ne devienne ce Prix Strega 2016 l’équivalent du Goncourt en Italie – pour son roman Les Huit Montagnes, traduit dans trente langues, un sacre en son pays qui a valu à son auteur de recevoir, l’année suivante, le prix Médicis étranger, rejoignant ainsi le panthéon des grands écrivains explorateurs. Le refuge se niche à Estoul, « un hameau de quinze habitants en hiver, quand je n’y suis pas, où j’avais passé tous les étés de mon enfance », dit cet écrivain à la barbe rousse, qui se partage aujourd’hui entre le Val d’Aoste et Milan.
« Vivre à la montagne, c’est apprendre à vivre seul et libre, c’est en faire un sanctuaire de liberté, de félicité, de communauté, aussi, une montagne qui tourne le dos au conformisme de la ville », ajoute celui qui chérit la littérature américaine des grands espaces, celle de Jack London ou du naturaliste Peter Matthiessen. Le solide quadragénaire d’aujourd’hui n’avait pas 30 ans quand il sentit ses jambes flageoler sous le poids d’une vie d’auteur qui ne décollait pas.
Après des études de mathématiques avortées, la cofondation d’une petite société de production au sortir de l’école de cinéma Luchino-Visconti de Milan, se retirer du monde lui paraît alors la seule échappatoire. Il se découvre amateur d’une solitude qui le stimule. « La plaie, confiait-il récemment au journal Le Monde, c’était l’artifice, le partage virtuel, la connexion fébrile. »
Il écrit là-bas son premier roman qui marche, Le Garçon sauvage : un garçon qui lui ressemble comme deux flocons de neige monte un festival baptisé L’Appel de la forêt, et entraîne ses lecteurs vers les sommets vertigineux de l’Himalaya. « Mon rêve serait d’écrire un roman sans êtres humains. Pas sûr que j’y arrive », doutait l’auteur lors d’une conférence à la maison de la Poésie, à Paris. Pas sûr, non plus, qu’il n’y arrive pas.
8 – Valentine Godin
Une plate-forme verte pour entretenir les greens
Valentine Godin est ingénieure environnementale, fondatrice d’une jeune start-up belge, GVE Europe, dont l’innovation phare, une plate forme baptisée Maya, pourrait bien bouleverser, au bon sens du terme, le quotidien des gestionnaires de clubs de golf, eux aussi mis
au défi d’une transition écologique souvent exigeante et coûteuse.
L’ambition de l’application Maya : épauler les greenkeepers dans leur gestion par le biais de prédictions évolutives et personnalisées, un procédé – français, signé Turf-GS – qui puise sa sève dans cette révolution agricole qui met l’I.A. et les drones au service de la gestion des terres et des ressources naturelles. Facture d’arrosage allégée, gestion des intrants (sable, azote…) affinée et surtout prédiction des maladies.
Car Maya et son ingénieure pilote entendent directement répondre à un défi majeur : substituer aux pesticides des produits de biocontrôle naturels capables d’écarter le risque de maladies particulièrement redoutables pour la pratique du golf, la fameuse petite balle blanche ne daignant accomplir de longues distances que sur le velours d’un gazon parfait.
Forte d’une levée de fonds de 500 000 € l’an dernier auprès d’Invest BW, Valentine Godin se félicite que sa plate-forme innovante, lancée sur ses terres d’origine, au club de Rigénée, en Wallonie, soit en passe de séduire une centaine de golfs en Europe.
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