L’enfance de Roberto Badin à Rio de Janeiro est bercée par les dessins animés nippons. Il voit alors le Japon comme « une planète lointaine » qui le fait fantasmer. Il s’installe en France dans les années 80, devient photographe de nature morte et il enchaîne les collaborations avec des marques de luxe et magazines de mode.
C’est en avril 2016 qu’il débarque au Japon pour la première fois. Sans trépied, sans lumière artificielle, il applique les principes qui ont fait son succès : un sens aiguisé du cadrage, une traduction ultra-réaliste de la lumière et un œil affûté pour repérer les couleurs qui vont ressortir au cœur du cliché. A son retour, l’éditeur Benjamin Blanck lui propose de publier sa série de clichés. Roberto Badin décline la proposition : il lui reste trop à découvrir de ce pays qui le fascine.
Alors, en 2018, il repart pour l’archipel. Cette fois, c’est la bonne ! Il publie, fin 2018, son premier livre : Inside Japan. Un carton ! La première édition est très vite en rupture de stock, et Benjamin Blanck édite une deuxième fournée. Suivent des expositions, dont la dernière en date, à L’Angle Photographies, à Hendaye (initialement prévue jusqu’au 6 décembre, elles est désormais visible en ligne).
6 questions à Roberto Badin, photographe :
The Good Life : Pourquoi le Japon ?
Roberto Badin : Je vois le Japon comme un pays calme, silencieux et solitaire. Loin du cliché de la foule de Shibuya que l’on décrit souvent. Pour moi, il y a une atmosphère de sérénité dans les rues. J’ai essayé de transcrire ces émotions dans mes images.
The Good Life : Photo d’architecture, photo de rue, reportage… Dans quelle catégorie classez-vous cette série ?
Roberto Badin : Photographie, tout simplement. C’est une histoire de regard, de placement dans l’espace et de sensibilité sur le moment. Je prépare mon voyage le mieux possible, mais je laisse une grande part d’improvisation une fois arrivé sur place. Claude Lelouch a dit une fois à propos de la réalisation de ses films, une phrase qui illustre parfaitement mon état d’esprit lorsque je prépare un projet: « Un film doit être préparé comme un hold-up. On a un plan pour le faire le mieux possible et après, on doit être prêt pour les surprises. »
TGL : Pourquoi avoir choisi cette photo pour la couverture du livre ?
R.B. : Le choix de la couverture était une évidence. She is not Alone est une image qui illustre parfaitement ma démarche et elle symbolise, en quelque sorte, mon approche de ce projet. En général, si mon travail peut sembler très structuré, généralement par un cadrage frontal et graphique, tout est naturel et spontané dans ma prise de vue. Comme sur toutes les images d’Inside Japan, je ne travaille pas avec un trépied et je n’utilise que des lumières ambiantes. Ce qui me fascine, c’est l’image en tant que morceau de réalité. Contrairement à ce qu’on peut penser, la fille sur l’image ne pose pas pour moi, mais pour ses amis à l’extérieur de mon cadre. La fille est comme en lévitation à l’intérieur de la photo. Je crois qu’inconsciemment j’ai eu envie de la placer dans un autre espace-temps.
Tarantino, Lynch et de Palma
TGL : Le cinéma semble avoir influencé plusieurs clichés de cette série…
R.B. : Quentin Tarantino, Brian de Palma et David Lynch font partie des cinéastes que m’inspirent toujours. L’architecture aussi est une source d’inspiration, sans oublier la littérature. Je me suis d’ailleurs inspiré de l’excellent livre de Jean-Marie Bouissou Esthétiques du Quotidien au Japon qui retrace l’histoire de cette esthétique si particulière. L’autre ouvrage qui m’a accompagné dans ce projet, d’un tout autre genre, est la bande dessinée Le Gourmet Solitaire de Jirō Taniguchi et Masayuki Kusumi qui traite l’histoire de la société japonaise à travers le prisme de la gastronomie. Au fil de mon voyage, toutes ces références ont enrichi mon imaginaire. Puis l’aspect narratif des images est venu spontanément.
TGL : Quelles sont les destinations que vous aimeriez couvrir comme vous l’avez fait avec le Japon ?
R.B. : J’ai toujours été curieux et toutes les destinations peuvent avoir un intérêt pour moi. En ce moment, mon regard se tourne vers les grands espaces. Peut-être parce que mon Brésil natal me manque énormément… Peut-être aussi parce que je vis depuis un peu plus d’un an au Pays basque où la nature est une source d’inspiration inépuisable.
TGL : Quel rôle joue la photo en cette période de pandémie ? Comment continuez-vous à travailler ?
R.B. : L’art et la culture me semblent indispensables en général, et plus particulièrement dans cette période inhabituelle que nous vivons. En ce qui me concerne, je continue à travailler autant qu’avant la pandémie. La seule différence est dans l’organisation et la réalisation des projets, car nous devons impérativement tenir compte d’une nouvelle façon de vivre.
Roberto Badin sur Instagram : @robertobadin / #insidejapan_project
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