Photo : Claude Nori, vacances en Italie

« La poésie naît de ces endroits inconnus, où peuvent se rencontrer des amoureux. » Dans son ouvrage intitulé Vacances en Italie, Claude Nori documente l’Italie éternelle, le dolce farniente, l’Italie où on rit très fort, où les juke-box animent les couchers de soleil sans fin sur la plage, l’Italie qui nous rend nostalgique des vacances passées en famille ou entre amis. Empreintes de poésie et d’insouciance, ses photographies racontent l’histoire d’un été passé sur les plages transalpines où le temps semble s’être arrêté.

Né à Toulouse en 1949, de parents émigrés italiens, Claude Nori découvre la photographie à 19 ans, alors qu’il se destine à devenir réalisateur après des études au Conservatoire du cinéma français. Il s’installe à Paris en 1974, où il se lie d’amitié avec le photographe Bernard Plossu. Avec son soutien et un groupe d’agitateurs et de critiques, il fonde les éditions Contrejour et publie les premiers livres d’auteurs de photographes de renom comme Denis Roche, Jeanloup Sieff, Luigi Ghirri, Edouard Boubat… Après avoir collaboré avec Vogue ou encore Daily Telegraph Magazine, il signe, en 1976, un livre préfacé par Agnès Varda, Lunettes. Le premier d’une longue série. L’Italie a toujours fait partie intégrante de la vie de l’artiste.

Chaque été, Claude Nori partait en famille, tôt le matin, dans la Simca Elysée bleue de son père, vers l’Adriatique et la Méditerranée, en espérant arriver avant le coucher du soleil pour ne pas rater son premier bain de mer. La tête remplie de souvenirs joyeux, il décide, en 1982, de photographier ces bords de mer italiens qui ont tant compté durant son adolescence.

En 1987, un premier ouvrage publié chez Contrejour, Vacances à l’italienne, rassemble une soixantaine de clichés.

Et en 2001, Un été italien, publié aux éditions Marval, est épuisé au bout de quelques mois. En 2017, Rahel Morgen et Reto Caduff, les éditeurs de Sturm & Drang, souhaitent en publier une nouvelle version. Claude Nori se laisse séduire par une réinterprétation plus actuelle de l’ouvrage.

L’édition française, publiée par Contrejour sous le nom de Vacances en Italie, reprend à l’identique la maquette des éditeurs suisses. L’artiste y documente de manière presque autobiographique ces plages transalpines, celles où il a été heureux, mais aussi des endroits inconnus, des villes aux noms évocateurs telles que Capri, Portofino, San Remo ou encore Stromboli.

L’Italie photographiée par Claude Nori est belle, brut, sans fard ni artifice, pleine d’insouciance.

Cette terre de prédilection qu’il aime tant, où le soleil libère les corps des vêtements du quotidien, plein de jolies filles en maillot de bain. « Ces petites villes n’avaient rien de particulier qui vaille une visite ou d’être référencées dans les guides touristiques pour sortir de l’anonymat, mais j’y ai vécu des jours heureux. » Pas de mise en scène, pas de mannequins, mais des rencontres simples et spontanées, des sourires idiots et des poses un peu maladroites.

A l’aide de son Canon autofocus en plastique, objet révolutionnaire à l’époque, Claude Nori capture des instants de vie, de bonheur, dévoilant ceux qu’aucun photographe n’avait choisi de montrer auparavant. « Les jeunes filles que j’ai photographiées étaient pour la plupart d’entre elles souvent loin des canons habituels des actrices ou modèles de l’italianité reconnue. »

L’authenticité de la photographie spontanée réside autour d’un accord tacite entre le photographe et ceux qu’il photographie.

Capturer l’instant de bonheur n’est donc pas simple, confie l’artiste. « Quelquefois, on devient le centre de l’attention, celui vers lequel les regards se posent avec curiosité et bienveillance, et l’on se fait un devoir de mettre en scène cette complicité. » Claude Nori, le photographe du bonheur, s’extrait ainsi du cadre et, sans avoir l’air de déranger, s’empare de la scène pour arrêter le temps. La disparition de son ami Luigi Ghirri, en 1992, marque pour l’artiste la fin d’une époque où la poésie et la légèreté quittèrent l’Italie qu’il aimait tant.

Face à l’objectif d’un Pentax 6 x 7 cm, l’insouciance laisse la place à une nostalgie créative, cette idée de confronter le présent au passé pour créer. Vacances en Italie livre un témoignage intimiste, d’une nostalgie du bonheur, d’un instant qui ne reviendra jamais. A travers l’objectif, Claude Nori tente de faire revivre ses souvenirs d’adolescent, témoigne de ce bonheur pleinement vécu et documente une époque particulièrement heureuse et insouciante d’un territoire.

« Je suis certainement devenu photographe afin de prolonger en toute impunité cette adolescence et en m’inventant une vie qui permettrait le plus longtemps possible de profiter de ses bienfaits. » En attendant de pouvoir rejoindre les plages italiennes, on se plonge dans l’ouvrage culte de Claude Nori qui laisse entrevoir sa dolce vita.

→ Vacances en Italie, Claude Nori, éditions Contrejour, 2018.


Lire aussi :

Photo : Go West, les Hamptons vues par Assouline

Photo : l’architecture brutaliste de Beersheba dans l’œil de Stefano Perego

Beau livre : le tour du monde des plus belles constructions en containers

En images : avions cloués au sol et aéroports en « lockdown » par Tom Hegen

Thématiques associées