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Chris Dorley-Brown, « Drivers in the 1980s »

Autoportraits est l’un des rares projets de portraits du photographe anglais Chris Dorley‑Brown, fasciné par les visages des conducteurs coincés dans les embouteillages de l’East London pendant l’été 1987. Les voitures, les coupes de cheveux et les expressions des visages traduisent l’humeur de cette époque dans la Grande‑Bretagne de Margaret Thatcher. Et cela redevient follement tendance avec le retour des 80’s !

Chris Dorley-Brown a grandi à Ryde, une ville sur la côte sud de l’Angleterre. Pendant la Seconde Guerre mondiale, son père s’était lié d’amitié avec Conrad Barnack, photographe allemand et fils d’Oskar Barnack, qui avait inventé la photographie argentique 35 mm lorsqu’il travaillait pour Leica. Ensemble, ils avaient l’habitude de visiter son appartement à Munich. « Il était orné de tirages originaux encadrés de Brassaï, Cartier-Bresson et Capa… c’est ce qui a sans doute contribué à éveiller mon intérêt pour la photographie », se souvient-il. Encouragé par ses parents, il déménage à Londres pour poursuivre cette discipline, son premier amour.

Il y rencontre Red Saunders, artiste photographe, batteur et fondateur du mouvement Rock Against Racism, avec qui il a travaillé quelques années à Soho, dans le secteur de l’impression. « Red m’a donné un appareil Nikon FM2, a déchiré quelques pages de son Rolodex et m’a dit de suivre ma propre voie, que la photographie était la seule chose que je voulais faire. » C’était la fin des années 70, il se passait beaucoup de choses sur le plan culturel et politique. C’était « une époque formidable pour être jeune et à Londres », ajoute-t-il.

En 1984, Chris Dorley-Brown s’installe dans son studio d’Hackney et commence à travailler sur des projets de longue haleine qui documentent les changements et les bouleversements sociaux.

« Une année, j’ai travaillé dans trois hôpitaux différents pour photographier des patients recevant diverses formes de traitement. » Thèmes qu’il continue d’explorer aujourd’hui.

« La photographie est une sorte d’anthropologie visuelle ou un dispositif sociologique par lequel quelqu’un qui, comme moi, est “académiquement inapte” peut explorer légitimement le paysage personnel et universel et relier l’histoire, le présent (et le futur ?) », estime le photographe autodidacte.

Dans son cas, il s’agirait de l’influence continue de la Seconde Guerre mondiale, du développement du mouvement moderniste et des conflits politiques et raciaux polarisés en Europe. Autrement dit, il se définit comme un « type ordinaire avec un appareil photo qui [se] promène dans l’est de Londres et aime faire des photos ».

Toutes les photos de la série Autoportraits ont été prises au cours d’une période de quatre heures en mai 1987, entre Hackney et la City.

Initialement, il était en route pour photographier la vente des actions de l’une des entreprises privatisées par Margaret Thatcher, en l’occurrence Rolls-Royce, mais il n’est jamais arrivé jusqu’au bâtiment où se déroulait la vente.

Instinctivement, il a pris des photos de l’embouteillage qu’elle provoquait. « Il faisait chaud, donc les conducteurs avaient leur vitre baissée et ils semblaient être captifs comme des animaux en cage. Je pouvais m’approcher et les shooter un par un », se souvient-il. Presque toutes les images ont fini dans le livre Drivers in the 1980s (Book 6 : East London Photos Stories), qu’Ann et Martin de Hoxton Mini Press ont pris l’initiative de publier et de transformer en une histoire.

Depuis mars 2020 et le début de la pandémie, Chris Dorley- Brown photographie davantage dans le centre de Londres que dans l’East End. Aujourd’hui, il travaille sur un nouveau livre avec les éditions Overlapse, qui a publié aussi son livre sur l’expérience de guerre de ses parents, The Longest Way Round, en 2015. Il y incorpore des images allant du Brexit à l’épidémie de Covid, et sera, par conséquent, sombre dans son ton et sa nature. « J’ai hâte de revoir la lumière », révèle-t-il. Nous aussi !


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