François Prost, Lyonnais de naissance, a fait ses classes à Bruxelles avant d’intégrer la Fabrica de Benetton en Italie puis de revenir à Paris en tant que graphiste et directeur artistique. Pour l’agence BETC il contribue, entre autres, au changement d’identité visuelle – unanimement salué – des Galeries Lafayette – en 2015. Passionné de photographie, il développe en parallèle son projet d’en faire son métier. Résultat : quatre séries réalisées entre 2013 et 2017 qui ont fait parler d’elles via des publications sur Fisheye, les Inrocks, National Geographic, entre autres. Elles font l’objet d’une exposition à la maison de production/galerie Superette, dans le 10e arrondissement de Paris, jusqu’au 16 novembre. On y retrouve After Party, qui présente, de jour, des façades kitsch de discothèques qui jalonnent les routes nationales de l’Hexagone et a fait l’objet d’une exposition à la Villa Noailles l’an dernier, Faubourg, dont les représentations neutres de grands ensembles d’Île-de-France les rendent plus humains, Champs Elysées, où les touristes sont photographiés à la descente de leurs bus façon paparazzi et Paris Syndrôme qui confronte la capitale à son double chinois, Tiandu Cheng.
François Prost arrive ainsi à interroger le visiteur sur sa notion du beau, argumente sur la poésie que peut dégager le superficiel et met en lumière le banal. Rencontre avec celui qui sortira son premier livre à la rentrée prochaine.
The Good Life : Comment est née cette idée de sublimer le banal, le kitsch ?
François Prost : Il me semble important de devoir sans cesse interroger la notion d’apparence sociale et tous les aprioris qui en découlent, de combattre les clichés. J’essaie de trouver des sujets qui remettent en question les jugements de valeurs, notre vision de la banalité. Puis j’ai une fascination pour le factice et toutes les maladresses qui en découlent, souvent révélatrices de vérité.
TGL : Comment avez-vous sélectionné les immeubles photographiés dans Faubourg ?
F.P. : Sur deux critères, leur emplacement géographique et leur aspect esthétique. L’idée était de montrer ces immeubles de manière légère, en faisant abstraction de toute la dimension sulfureuse qui leur est réservée dans les reportages TV racoleurs. Certains vont être détruits, c’est aussi une façon de les inscrire dans les mémoires.
TGL : Quel est celui qui vous a le plus impressionné ?
F.P. : Sans doute les tours dites « camembert » de Noisy le Grand, en Seine-Saint-Denis (la cité du Pavé Neuf NDLR). Leur forme cylindrique en béton dans lesquelles ont été creusés de petits trous carrés pour créer des fenêtres les rendent très intimidantes, on a du mal à réaliser que des personnes habitent à l’intérieur.
TGL : Quelle est l’histoire derrière la série Champs Elysées ?
F.P. : L’idée m’est venue quand je travaillais près du rond-point de l’Etoile. Je voyais ces bus défiler toute la journée et les touristes qui prenaient tous exactement la même photo de l’Arc de Triomphe. Un rituel qui a quelque chose de superficiel et qui me fascine. J’ai voulu rendre encore plus mémorable le moment qu’ils allaient vivre en les photographiant à la manière d’un paparazzi.
TGL : Enfin, qu’avez-vous ressenti la première fois que vous avez visité Tiandu Cheng pour la série Paris Syndrôme ?
F.P. : Le fait de retrouver un Paris reconstitué à 15 000 kilomètres de l’original est assez déconcertant. C’est comparable à ma première visite de Venise où le réel se mêlait à l’imaginaire d’une ville que j’avais vu dans de nombreux films, manuels scolaires ou magazines et que j’avais beaucoup fantasmée. Le plus étonnant, c’est que malgré la reconstitution à l’identique de Paris, cette ville n’a pas empêché ses habitants de vivre « à la Chinoise ». Cela m’a conforté dans l’idée qu’un lieu est surtout régi par ses occupants et que l’enveloppe architecturale n’a pas forcément tant d’emprise sur la manière d’y vivre.