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Dacia, le constructeur low cost du groupe Renault, a changé son image et conquis le marché européen grâce à une montée en gamme éclaire.
Dacia, le constructeur low cost du groupe Renault, a changé son image et conquis le marché européen grâce à une montée en gamme éclaire.
Marine Mimouni

The Good News // Motors

Comment Dacia est devenue une marque cool ?

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Le constructeur low cost du groupe Renault a changé son image et conquis le marché européen grâce à une montée en gamme éclaire. Avec le Bigster, il défie désormais les cadors de l’automobile.

II a beau tout faire pour cacher sa joie, on voit bien que Denis Le Vot, l’énergique directeur général de Dacia, jubile. Il y a seulement cinq ans, qui aurait parié que l’un des modèles de la filiale du groupe Renault, le Sandero, serait champion toutes catégories du marché européen ? Et qui aurait imaginé qu’un dérivé ultrasportif du Duster s’élancerait bientôt sur les pistes du Dakar avec, à son volant, le roi des rallyes Sébastien Loeb ? Pas grand monde.


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Constructeur automobile en vogue

Faire mentir les Cassandre et les sceptiques, cela a souvent été un puissant motif de satisfaction. On comprend pourquoi le dirigeant, joint en visioconférence pendant les essais du nouveau modèle Bigster, à Berlin, affiche un sourire de vainqueur. Avec ses équipes, il récolte les fruits d’une stratégie audacieuse et parfaitement exécutée, destinée à faire monter en gamme la marque ultralow cost originaire de Roumanie.

Avec son toit ouvrant et son habitacle virtuellement agrandi, le nouveau Bigster joue à fond la carte de la voiture familiale.
Avec son toit ouvrant et son habitacle virtuellement agrandi, le nouveau Bigster joue à fond la carte de la voiture familiale. DR

Sans renoncer au positionnement historique imposé par l’ancien président de Renault, Louis Schweitzer, qui a fait son succès : être moins cher que la concurrence. Tout a fonctionné comme dans un cas d’école. Les ventes ont progressé et des acheteurs plus aisés ont commencé à s’intéresser à ces voitures plus cossues, mieux équipées. « 50 % de notre croissance se fait par la conquête de clients qui se ruent sur nos nouveaux modèles haut de gamme », se félicite Denis Le Vot.

Spring, Sandero, Jogger, Logan, Duster… Chacun dans leur segment, les modèles de Dacia se sont fait une place. « Nous sommes devenus la première marque de vente aux particuliers en France, poursuit le dirigeant, 16 % de ceux qui achètent une voiture avec leur argent optent pour une Dacia. En Italie, nous vendons plus de voitures à des particuliers que Fiat. Désormais, on voit la marque dans la rue, particulièrement les nouveaux modèles. Souvent, votre voisin roule en Dacia ! » Le vilain petit canard des Carpates est donc devenu un acteur majeur de l’industrie automobile, représentant même 29 % des ventes totales du groupe Renault en 2023.

Territoire de marque

Tout est parti d’une impulsion donnée par Luca De Meo, le directeur général du groupe Renault, peu de temps après avoir pris ses fonctions en juillet 2020. « Quand je suis arrivé, c’était comme si une main était posée sur la tête de la marque, nous raconte-t-il. Au nom d’une sorte de hiérarchie verticale, Dacia ne devait pas concevoir des voitures plus grandes que la première Renault. Je pensais qu’il fallait casser cette approche. Selon moi, chaque marque doit avoir son propre territoire. C’est pourquoi j’ai pris la décision de faire une voiture du segment C comme le Bigster. »

Luca De Meo assume d’avoir poussé la marque sur les pistes du Dakar.
Luca De Meo assume d’avoir poussé la marque sur les pistes du Dakar. DR

Ce SUV long de 4,6 mètres est réalisé à partir de la plate-forme des Clio et des Captur de Renault. Il cible des concurrentes huppées comme la Peugeot 5008, la Nissan X-Trail ou la Volvo XC60. Mais en restant 20 % moins cher, selon Luca De Meo. Le dirigeant assume également d’avoir poussé la marque sur les pistes du Dakar.

« Il faut montrer que Dacia fait des voitures robustes, joue la gagne en compétition, argumente-t-il. Au début, les équipes n’y croyaient pas. Maintenant, tout le monde est très fier de cette participation. Je voulais leur donner la liberté de le faire. » Ce bouleversement culturel s’est aussi joué sur des symboles.

Le Sandrider sera au départ du Dakar 2025.
Le Sandrider sera au départ du Dakar 2025. DR

« Quand je suis allé en Roumanie pour la première fois, j’ai constaté que, sur un mur de la salle du board, Renault Group était écrit en grand et Dacia en petit, en blanc sur fond blanc, se rappelle Luca De Meo. Je leur ai demandé de faire l’inverse en vue de ma prochaine visite. Je leur ai aussi dit d’utiliser la couleur kaki, qui est celle de l’outdoor. En fait, je voulais qu’ils prennent en main leur identité. »

Créer de la valeur autrement

Au-delà de l’image, la réflexion sur l’évolution des produits a été décisive. « Évidemment, nous devons être plus compétitifs que nos concurrents, poursuit le dirigeant de Renault. Mais cela ne veut pasdire être cheap, cela veut dire créer de la valeur, mais d’une autre façon : pour le même prix, la voiture en donne plus. »

Spring, Sandero, Jogger, Logan, Duster… Chacun dans leur segment, les modèles de Dacia se sont fait une place.
Spring, Sandero, Jogger, Logan, Duster… Chacun dans leur segment, les modèles de Dacia se sont fait une place. DR

Certes, Dacia est devenue plus autonome dans son fonctionnement, mais le support du groupe reste déterminant. La marque peut piocher à volonté dans le stock de composants développé en France. Cela permet d’aller plus vite et de réduire les coûts. Cela simplifie aussi grandement la vie des concessionnaires Renault qui distribuent Dacia. Ce qui n’empêche pas, à l’inverse, Luca De Meo de solliciter le savoir-faire « low cost » des ingénieurs Roumains.

« Lorsque, dans l’équation d’un projet, le coût de la pièce, de la plate-forme ou de la technologie joue un rôle très important, j’ai tendance à me tourner vers les équipes de Dacia, dont le regard va être beaucoup plus simple, argumente-t-il. L’essence de l’ingénierie, c’est de faire plus avec moins. » Au moment où l’industrie automobile est secouée par les turbulences de la transition vers l’électrique, Renault peut se féliciter d’avoir réussi ce retournement. Un cas d’école.


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