Voyage
The Good Life vous donne les clés des lieux qui font bouger Zurich. Passages obligés. Deuxième étape, les bars et restaurants.
Bebek, jeune turc
A première vue, rien ne différencie ce loft-restaurant de ses congénères du 3e arrondissement de Zurich car tout, dans ce coin-là, est aussi bon que stylé – c’en est presque lassant ! Sauf que la cuisine de Bebek, avec ses kebabs de luxe et ses mezze corsés, vous raconte un Orient de rêve. Sauf que sa mezzanine, sorte de salon-bar à moquette de mémé, piliers de béton et lustre RDA, affiche un joli tonus décoratif. Et pour ajouter du panache à l’affaire, la clientèle un peu moins sage et un peu plus mode qu’ailleurs arrose tout cela de sauvignon libanais.
Maison Manesse, étoilé cool
Il fait bon vivre dans cette maison voûtée et charpentée d’Alt-Wiedikon quartier tranquille en pleine reviviscence, où Fabian Spiquel amuse les papilles du tout-Zurich. Vous en avez soupé du rösti tradi ? Le chef, en lieu et place des patates, le cuisine au rutabaga et l’agrémente de myrtilles. Un peu d’iode ? Voici du poisson-chat fumé au caviar d’omble. Une cuisine fun et pas (trop) ruineuse – c’est suffisamment rare dans cette ville pour qu’on le signale, d’autant plus lorsqu’elle est adoubée par le Guide Michelin.
Razzia, flamboyant
Quel spectacle ! Nous sommes ici dans un ancien cinéma auquel la designer Claudia Silberschmidt a insufflé une folie Belle Epoque à base de motifs floraux, de références helléniques, de fauteuils matelassés et de drôles d’incongruités, comme cette girafe taille réelle à pelage pied-de-poule qui nous toise. A l’heure du déjeuner, les notables viennent grignoter en voisins des mets fusion (jolie morue au wasabi, certes hors de prix, mais Zürich ist Zürich) et, le soir, tout le monde flambe sans compter. L’adresse emblématique du quartier BCBG-show off des bords du lac.
Lotti, bohèmissime
On est au cœur de la cité et pourtant, que la Zurich sérieuse et bancaire nous semble loin ! A l’intérieur, décoré de banquettes en skaï et de pubs d’antan, ou dehors, sur la délicieuse placette attenante, on savoure entre jeunes gens bon teint, mais relax, des recettes étonnantes – betteraves aux beignets de chou kale, tarte meringuée aux poires liquoreuses… – et, pourquoi pas, pour digérer le tout, un dé de limoncello maison qu’on se verrait bien faire durer tout l’après-midi. Comptez toutefois sur le service un chouia expéditif pour vous rappeler quand même qu’ici les affaires sont les affaires.
Smith and de Luma, carnassier
Affûtez couteaux et canines, vous voilà au nirvana des viandards : le boeuf, version Kobe ou Black Angus, et le jambon, pata negra en tête, jouent ici en catégorie compète, cuisinés à l’épure, à l’os si on ose dire, par l’Irlandais Alan Hamilton – que les végétariens ne se pincent pas le nez tout de suite, le risotto aux champignons n’en est pas moins honnête. Ajoutez à cela quelques atours manufacturiers – grosse tuyauterie, maxibaies vitrées – une clientèle tout en franges et en barbes de trois semaines, faune typique d’Alt-Wiedikon, et vous obtenez le plus looké des steakhouses.
Pratique
• TGV Lyria dessert Zurich au départ de Paris en moins de cinq heures et jusqu’à cinq fois par jour, à partir de 29 € l’aller. www.tgv-lyria.com
• Pour organiser votre séjour, l’office du tourisme de Zurich est une bonne source d’informations. www.zuerich.com
La Stanza, à la milanaise
Bien malin celui qui, sur les coups de 8 heures, parviendra jusqu’au comptoir : une haie de banquiers, buvant leur espresso serré et de seniors pomponnés croquant dans leur cannolo lui barreront le passage. Il faudra alors retenter sa chance à l’aperitivo, quand il est l’heure non pas du spritz – trop populaire ! – mais du negroni, et que les conversations perdent un peu de leur sérieux sur la terrasse adjacente. Enge, le quartier huppé où loge La Stanza, prend alors de beaux airs lombards. Bleicherweg 10. www.lastanza.ch
Volkshaus, rassembleur
Pas vraiment populaire, cette « maison du peuple » (Volkshaus, en VO) est d’abord un restaurant cossu dont on a scandé l’espace à l’aide d’élégants panneaux années 20. C’est aussi moins collet monté, un café envahi de lumière, où on traînerait des heures : une telle feuillette son Sonntagszeitung dominical, absorbée au point de laisser fondre son sorbet aux agrumes, un tel s’inquiète avec la serveuse du temps qu’il fait – trop chaud, en ce week-end de février –, ça flirte gentiment de table en table, ça socialise entre petites familles… Le centre névralgique, en somme, de l’über-bobo 4e arrondissement.
Lochergut, bien en vue
Il fut un temps, cette barre d’immeuble brutaliste des années 60 était aussi riante qu’un hiver soviétique. Mais les temps changent – et ici, ils changent à grande vitesse. Il y a toujours, au rez‑de‑chaussée, un supermarché discount, mais aussi, désormais – gentrification du quartier d’Aussersihl oblige –, le plus prisé des bars à terrasse. L’architecte d’intérieur James Dyer-Smith y mixe Art déco, modernisme et bimbeloterie, le restaurateur Yves Niedermayr y régale les clients de délices israéliens, et tout le Zurich hype s’y bouscule jusqu’à pas d’heure dans une ambiance est-berlinoise.
Acid, vitaminé
C’est dans ce bar de poche aux allures eighties, florilège de murs saumon et de chaises austères, que la branchitude de la Langstrasse, cœur battant du 4e arrondissement, atteint son climax. Lookés à la dernière mode, de beaux noctambules jouent des coudes autour d’un bloc de terrazzo qui fait office de comptoir, sifflent des moscow mules, servis ici plus piquants que la normale, se dandinent légèrement du buste au son d’une électro de bonne facture, s’apostrophent et se lancent des œillades : tout le monde se connaît et a même la politesse de vous considérer, vous, non Zurichois, comme l’un des siens.
Sphères, intello
Ce vaste loft synthétise tout l’ADN du quartier créatif d’Escher Wyss. Au pied d’un édifice industriel grisâtre, à un jet de pierre des lieux d’art en vue, on vient là pour feuilleter quelque ouvrage à l’espace librairie, pour se repaître d’avant-garde théâtrale au coin « scène » ou pour célébrer, autour d’une pinte, entre artistes et galeristes, le finissage d’une expo. Les hautes sphères de la culture, voilà ce que vous tutoyez ici.