Transport
Dans le sillage de leurs rivales asiatiques ou moyen‑orientales qui ont initié le mouvement, les compagnies européennes se sont lancées dans la course folle à la business‑class. Sièges sophistiqués, divertissements exponentiels, gastronomie étoilée : c’est à qui séduira, à coup d’investissements et d’originalité, les plus gros contributeurs. Point commun : dans l’air, le luxe suprême reste… l’espace !
Aurons-nous un jour, dans les avions, notre petite cabine individuelle bien douillette ou, au contraire, les vols supersoniques traversant la planète en un clin d’œil ne nous laisseront-ils plus le temps de regarder un film ? Les experts ne sont pas tout à fait d’accord sur la version de notre futur aérien, et la compétition dans le raffinement de la classe affaires a encore de beaux jours devant elle. Née dans les années 70, lancée par Air France, la classe « J », comme l’appellent les habitués, a connu différents cycles. Les compagnies européennes, longtemps focalisées sur l’outre-Atlantique, ont vite pris du retard par rapport à celles du Moyen-Orient et d’Asie-Pacifique, qui ont imposé un niveau hors du commun. Caracolant en tête des classements Skytrax, des noms comme Qatar, Emirates, ANA ou Singapore ont bousculé les habitudes. Aujourd’hui, la course est plus serrée, et les passagers qui ont le privilège de voyager dans les classes « avant » se sont habitués à recevoir des casques réducteurs de bruit et des pyjamas et à déguster de grands crus. On peut les soigner : selon l’Association internationale du transport aérien (IATA), cette frange de la clientèle représenterait moins de 10 % des billets mais, générerait 30 % des recettes ! Parfois encore plus : Korean Air, qui a décidé de dédier la totalité du pont supérieur de ses A380 à la classe affaires, lui attribue 50 % de son chiffre d’affaires. Alors que la classe économique rentabilise la cabine en rétrécissant les sièges, à l’avant de l’appareil, l’espace se déploie et les attentions redoublent. D’autant que la fréquentation de cette classe progresse aussi, de 5 % par an, en moyenne. Tout commence à l’aéroport, puisque le voyageur affaires, de plus en plus pressé, n’a plus envie de patienter pendant trois heures. Ce qu’on nomme le « parcours client » est donc simplifié au maximum. Les salons d’attente mettent ensuite le paquet pour faire passer le temps plus vite. Ambiance « comme à la maison » chez Korean Airlines ; ultraluxe assumé pour Finnair, Qatar et Singapore… Emirates va jusqu’à proposer des simulateurs de formule 1 et des consoles Xbox pour oublier l’attente.
Les marques s’envolent
A bord, on obéit à la règle des « 3 F » : « flat bed, full privacy, full access. » Comprenez lit à l’horizontale, intimité et libre accès au couloir. Les sièges se renouvellent plus vite que des smartphones. Pour l’instant, la mode est aux coques – Air Canada appelle la sienne « loge distinction ». Air France a investi près de 100 000 euros pour chacun de ses 2 000 nouveaux sièges business, Lufthansa évoque un investissement de 1 milliard d’euros réparti sur trois ans. Le prix des billets en business (de 3 à 4 fois celui de la classe économique) répercute ces investissements répétés et justifie que l’on couvre le passager de petites attentions… OpenSkies, filiale de British Airways, équipe le personnel de bord d’iPad lui permettant de connaître les préférences de chaque passager et même de leur souhaiter leur anniversaire ! Pour s’associer à l’image du luxe, les compagnies vont jusqu’à lancer des partenariats avec des marques : Finnair fait dessiner vaisselle et trousses par la designer finlandaise Marimekko, Qatar Airways y glisse des cosmétiques Armani, Air France offre des produits Clarins, La Compagnie préfère les soins Caudalie. Cathay Pacific vous sert du café Illy, tandis que Singapore Airlines a opté pour un service de table signé Givenchy.
C’est aussi par la gourmandise que l’on fidélise les passagers : les gâter de menus concoctés par des chefs est devenu banal. Air France sollicite régulièrement de grandes toques, comme Joël Robuchon, Régis Marcon ou Anne-Sophie Picq, ANA a fait appel à Pierre Gagnaire et à Toru Okuda, Qatar Airways à Nobu… Dernière nouveauté ? Les compagnies low cost se positionnent elles aussi comme actrices du voyage d’affaires. Easyjet et Ryanair proposent désormais des services pour upgrader leurs voyages.
Quelles autres innovations les compagnies aériennes s’apprêtent-elles donc à sortir de leur chapeau ? D’ores et déjà, on évoque la 3D sur les écrans ainsi qu’un fauteuil massant… Alors à bientôt pour de nouvelles aventures… planantes !
Un lit digne de la first
Qatar Airways
La compagnie du Golfe dessert 152 destinations au départ de Paris grâce à un excellent temps de connexion via le nouveau terminal de Doha, au lounge paisible et raffiné. Elle vient d’aménager la cabine intime de son nouvel A380, de seulement 48 sièges, en restant fidèle à son emblématique palette bordeaux‑gris souris, soulignée de marqueterie de bois verni. Dans une agréable répartition en 1‑2‑1, les sièges sont dotés de dimensions dignes d’une première classe : 2 mètres de long pour 76 cm de large. L’écran LCD permet de s’offrir une vraie cure de cinéma, avec pas moins de 155 films en français ! Et lorsqu’on a revu son James Bond préféré et dégusté un dîner signé Nobu ou Tom Aikens, on s’offre un verre au bar central. Quoi de mieux que de déguster un vieux cognac en plein ciel ?
Un lit très cocoon
ANA
La compagnie japonaise All Nippon Airways (ANA), qui vient de fêter les 25 ans de sa ligne Paris – Tokyo, a particulièrement soigné la cabine affaires de ses 787‑9 flambant neufs. Ses fauteuils‑lits, disposés en 1‑2‑1, sont de véritables cocons. On s’y endort en pyjama maison sur un moelleux surmatelas, casque réducteur de bruit aux oreilles et masque pour les yeux imprégné d’aromathérapie. Les pieds ne dépassent pas de la couette grâce à sa forme « grenouillère » et les poumons ne se dessèchent pas, puisque l’air est maintenu à un taux d’hygrométrie idéal. Les repas sont particulièrement soignés par des chefs 2 et 3 étoiles, tandis qu’au sol le salon propose des plats chauds servis à la carte. Grâce à sa joint‑venture avec Lufthansa, ANA propose désormais une offre démultipliée au départ des grandes villes françaises.
Couleurs froides, ambiance chaude
Finnair
Partant du principe que la route par le Nord est la plus courte, la compagnie finlandaise s’est résolument tournée vers l’Asie, se faisant une spécialité des correspondances calculées pour ne jamais excéder 45 minutes. On le regretterait presque, tant le salon de l’aéroport d’Helsinki, où l’on trouve douches et sauna, est séduisant avec son design scandinave. A bord du très silencieux et tout nouveau A350, une primeur européenne, qui vole pour l’instant vers Shanghai, et bientôt vers Pékin, Bangkok, Hong Kong, Singapour et New York, les sièges coque disposés en épi sont blanc glacier. La lumière d’accueil bleu polaire évolue au cours du vol, simulant une aurore boréale ou un lever de soleil selon le fuseau horaire. Marimekko a semé ses pois verts sur la trousse, sur les pantoufles et sur la couverture sous laquelle on se glisse pour déguster un cocktail Blue Sky. Vive l’hospitalité nordique !
Ça va mieux !
Air France
Elue « compagnie s’étant la plus améliorée au monde » en 2015 par Skytrax, Air France a retravaillé sa cabine business dans ses moindres détails, en s’inspirant, notamment, de l’hôtellerie : il s’agit de se sentir comme dans son lit. Le siège coque des Boeing 777 (en attendant que les Airbus A330 et A380 suivent, d’ici à 2018), baptisé « un cocon en plein ciel », répond au critère d’excellence des « 3 F ». Ambiance chic à la française, cuir bleu, coffre de rangement rouge : on reste dans le style de la compagnie. La douceur est apportée par des lignes courbes, un oreiller (très)moelleux et une couette en duvet. Pour plus de réconfort encore, la gastronomie à bord est actuellement confiée au chef François Adamski. Quant aux supertrousses, dont le graphisme rappelle celles du Concorde, elles sont déjà collectors.
Bars célestes
Korean Air
La compagnie coréenne est la première au monde à dédier audacieusement la totalité du pont supérieur de ses A380 à une seule classe de voyage. Les 94 sièges Prestige Sleeper y offrent une expérience comparable à un appareil 100 % classe affaires. Les voyageurs sont séduits par le confort des sièges en cuir bleu ciel, dont la configuration a été conçue pour permettre aux passagers, côté hublot, d’accéder au couloir sans déranger leur voisin. Un superbe Prestige Class Bar Lounge, à l’avant, et un Celestial Bar, à l’arrière, invitent à se relaxer et à déguster
des cocktails aux recettes exclusives. La Vitrine Duty Free, véritable miniboutique, offre une pause shopping. Enfin, sur le plateau, le repas promet une qualité « de la ferme à l’avion ». Pratique pour les voyageurs d’affaires, le vol pour Séoul de 21 h, au départ de Paris, permet de préserver sa journée de travail.
Les pionniers
Emirates
Première compagnie aérienne à avoir commandé l’Airbus A380, en 2000, Emirates n’a cessé de perfectionner le confort à bord de sa flotte, la plus jeune du monde (complétée par des Boeing 777). Tout commence par le chauffeur, qui vient gracieusement vous chercher pour vous conduire à l’aéroport. A bord, priorité à l’intimité, avec un siège coque massant équipé de cloisons mobiles pour s’isoler et une grande table pour poser ses verre, dossiers et ordinateur. La moitié des appareils sont connectés au wi‑fi pour l’instant. Si l’on préfère socialiser, le bar propose canapés, lumière douce, boissons et en‑cas. Retour dans son cocon pour visionner un film ou zapper entre 2 186 chaînes de divertissement, tout en piochant dans son minibar perso. Il ne reste plus qu’à se laisser border dans son lit de 1,98 m de long par un équipage international et polyglotte, la signature de la compagnie.
Communiquer ou s’isoler
Cathay Pacific
Réputée pour ses salons d’attente particulièrement confortables et conviviaux, comme ceux qui viennent d’être revampés à Taïwan et à Hong Kong, la compagnie chinoise soigne également
les passagers à bord. Son siège, dans des tons blancs et champagne, est l’un des plus longs et des plus larges qui existent. La disposition en épi offre un espace privatif très apprécié, d’autant
qu’une extension sur le côté se déploie automatiquement lors du passage en mode lit, augmentant sa largeur. Les places centrales (en configuration 1‑2‑1) peuvent préserver leur intimité ou s’orienter l’une vers l’autre, sous la simple poussée d’un bouton, si l’on préfère discuter lorsqu’on voyage à deux et partager un repas concocté par l’un des grands chefs du groupe Mandarin Oriental, un régal.
Ambiance grand restaurant
Lufthansa
La compagnie allemande, qui vient de renforcer sa présence dans les aéroports français, a rénové ses cabines et changé 7 000 sièges en Business Class, proposant un lit entièrement inclinable de 1,98 mètre de long, avec une originale forme en V ménageant une véritable intimité. Une trousse signée Samsonite y est glissée, pleine de produits de la célèbre marque grecque Korres. Grâce au système FlyNet, les passagers peuvent accéder à Internet en wi‑fi et consulter des contenus en ligne, les dernières informations ou suivre des événements sportifs… Tout en prenant leur repas servi sur des tables individuelles mises en place par le personnel de bord, nappées de blanc, tandis que les plats et les boissons sont servis directement depuis la cuisine, ambiance grand restaurant. La compagnie allemande met les petits plats dans les grands.