Art
Lifestyle
The Good Culture
The Good News
Deux ateliers cachés au fond du département de l’Ain, au cœur de ce qui est communément appelé la « Plastics Vallée », se disputent historiquement un marché de niche. Si le secteur est lui aussi cannibalisé par l’Empire du Milieu, la version française de l’objet résiste vaillamment et suscite la convoitise des marques de luxe. Une petite boule de poésie made in France.
« Tout est blanc […] C’est l’hiver en été… » Si je vous dis que, pour son clip culte, Étienne Daho avait voulu sa boule à neige, vous me croirez ? Sa chemise noire sous un déluge de flocons, enfermée dans une boule modèle dôme, socle droit, fabriquée à Meillonnas, dans l’Ain : le summum du kitch ou du chic ?
A lire aussi : Art moderne : la plus grande collection au monde d’Alberto Giacometti investira l’ancienne gare des Invalides à Paris en 2026
Entre les deux, le cœur balance, mais bat toujours pour le petit objet lisse et rond aux facultés hypnotiques, qui fit fureur lors de l’Exposition universelle de 1889, à Paris. Cette invention serait attribuée à Pierre Boirre, directeur de la verre-rie des Lilas.
Il aurait lancé le « globe panoramique » en intégrant une scène miniature recouverte de neige dans une sphère en verre de sa conception contenant un homme avec un parapluie et imaginée comme presse-papier. Naissance d’une mode intemporelle.
La boule à neige : un objet de communication
Depuis, la petite boule transparente, qui a besoin du geste pour exister, n’a plus quitté les rayons des magasin de souvenirs, devenant aujourd’hui objet de communication contemporain. Guerlain, Chanel, Hermès, Audemars Piguet, Jean Paul Gaultier, Vuarnet, Swarovski, Maison Margiela…
Tous ont voulu la leur. Ariane space y a enfermé une fusée pour fêter un lancement etCitroën, une 2CV rouge. JR, branchissime plasticien, a même eu la sienne pour immortaliser son installation sur la pyramide du Louvre. Quoi de mieux pour marquer un événement, figer un concept ?
Chaque boule enferme un monde, raconte une histoire dans un cadre défini, comme au théâtre, dans le cube de la scène. Sans compter cette tentation irrésistible de la retourner sans fin pour voir la neige tomber… Même en été.
Reste à percer le mystère de la fabrication. Inutile d’insister auprès des deux chefs d’entreprise français : Christophe Bruot, 46ans, troisième du nom, et Jean-Luc Caron, gérant du groupe JLK. Chacun a sa recette secrète de colle, de liquide et de neige.
Chez Bruot, la formule neigeuse aurait demandé trois ans de perfectionnement. Car le secret d’une boule de luxe, c’est la transparence de sa coque et la vitesse de retombée des flocons. Éloge de la lenteur ! Pour le reste, on vous parlera étude mécanique, élaboration de programmes de machines-outils, presse à injecter, robots trois et six axes, imprimante 3D, imprimante numérique et soudure par ultrasons…
Et on vous entraînera dans des ateliers silencieux, où l’on entendrait la neige tomber et où sont assemblées à la main jusqu’à 500 boules par jour. Chacune des deux sociétés se sou-vient de commandes inattendues. Le modèle à l’effigie d’Emmanuel Macron, pour Bruot, qui, pour avoir répondu à une requête originale d’un concept-store parisien, s’est vu débordé de com-mandes devant le succès fulgurant de l’objet.
500 000 exemplaires d’un coup pour JLK à la suite de la demande du groupe Super U, désireux d’offrir à ses fidèles clients une boule en kit ! Souples et réactives, ces sociétés sont ouvertes à tous les caprices, y compris individuels.Vous voulez enfermer votre chat, la photo de votre amoureux ou votre dernière création sous globe ? Il n’y a qu’à demander.
Ces boules à neige ont-elles une cote ? Pas vraiment, mais leur prix élevé est souvent lié à la marque qu’elles abritent. Une boule Hermès (socle en authentique autruche) ou Chanel peut se revendre entre amateurs plusieurs centaines d’euros. Les artistes font également grimper les prix. La création d’Hervé DiRosa fut commercialisée15 000euros, avec le statut d’œuvre d’art.
Le plus grand collectionneur mondial de boules à neige, Andy Zito, vient quant à lui de mettre en vente la totalité de ses trésors pour 265 000dollars. Mais comme le souligne cet autre collectionneur français, Jérôme Montchal, ces boules fascinantes sont intéressantes, car ce sont des objets de peu. Une manière de s’offrir pour quelques sous les neiges éternelles. Et ça n’a pas de prix.
A lire aussi : Que vaut la collection d’art de Gérard Depardieu, aux enchères à Paris ?