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BD : Lefranc, mystère dans le bush africain

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La Rançon, le 31e album des aventures de Lefranc, le personnage de BD créé en 1952 par Jacques Martin, saupoudre un récit d’aventures classiques de considérations géopolitiques et nous entraîne, cette fois-ci, en Afrique du Sud.

Septembre 1954. L’histoire du 31e album de la BD Lefranc commence en Afrique du Sud, dans la province du Transvaal. Geert Van Dijck, riche propriétaire terrien afrikaner, découvre un rhinocéros tué par balles dans la réserve naturelle qui porte son nom. Crime de braconnier ou acte de malveillance ? Tavares, le régisseur, penche pour la deuxième hypothèse. Les cornes de l’animal sont toujours en place, et ce n’est pas la première fois qu’un comportement crapuleux est constaté. Selon lui, tout se passe comme si l’on voulait faire fuir les touristes et porter atteinte à la réputation du parc.

Décembre 1954, gare de Strasbourg. Guy Lefranc, le reporter bien connu, accueille son ami Jeanjean à l’arrivée du train. Quelques heures plus tard, alors qu’ils visitent la cathédrale, le hasard les conduit à faire connaissance avec Eline Van Dijck, la petite-fille de Geert. Elle accomplit un tour d’Europe en compagnie de sa préceptrice, Ruth Laan, et d’un garde du corps qui n’est autre que Tavares. En réalité, son grand-père, victime de menaces, a tenu à la mettre à l’abri, loin de l’Afrique du Sud.

Ses craintes sont fondées. Bientôt, Eline est enlevée, Ruth reçoit une balle dans l’épaule et Tavares disparaît mystérieusement… La Rançon est le 31e album de la BD Lefranc, créée en 1952 dans l’hebdomadaire Tintin par Jacques Martin, le « père » d’Alix. L’action se déroule deux ans après celle de La Grande Menace, l’album fondateur, et se situe elle aussi en Alsace.

À la manière de Blake et Mortimer, autre série classique de la BD franco-belge, les aventures de Lefranc sont confiées, en alternance, à deux duos d’auteurs. François Corteggiani et Christophe Alvès se partagent ainsi les rênes de la série avec Roger Seiter et Régric, qui signent ce nouvel épisode. Une formule rodée depuis Cuba libre, 25e titre de la saga, après que divers scénaristes et dessinateurs s’étaient succédé. Jacques Martin, qui n’avait réalisé à part entière que les trois premiers albums, avait pris l’habitude de confier le dessin à d’autres, puis de déléguer le scénario à différents auteurs.

Dans La Rançon, Lefranc quitte la France pour le Transvaal, en Afrique du Sud, où il doit élucider une affaire d’enlèvement. Ed. Casterman.
Dans La Rançon, Lefranc quitte la France pour le Transvaal, en Afrique du Sud, où il doit élucider une affaire d’enlèvement. Ed. Casterman. CASTERMAN

Pas d’Axel Borg, le grand méchant de la BD Lefranc, en vue !

Cette nouvelle aventure a quelque chose de reposant pour Lefranc et pour la sérénité du lecteur. À la différence de Londres en péril, le héros n’est pas confronté à une menace terroriste orchestrée par une organisation d’anciens nazis. S’il est de retour en Alsace, siège de l’action de La Grande Menace, il peut visiter la ville avec Jeanjean en toute tranquillité, sans se trouver obligé de déjouer les plans d’un complot projetant de détruire Paris.

Cette fois, pas d’Axel Borg – le méchant de la série – à l’horizon. Dès l’origine, Jacques Martin avait pris l’habitude de faire reposer le sort du monde libre sur les épaules de son personnage principal, à la fois journaliste au Globe, redresseur de torts et sauveur de la planète. Il faut bien reconnaître qu’il avait placé la barre assez haut avec l’histoire inaugurale, le titre La Grande Menace faisant allusion à une bombe nucléaire.

« Il m’était difficile, après avoir traité d’un enjeu aussi considérable, de revenir dans les albums suivants à des intrigues plus anodines », expliquait l’auteur dans Avec Alix. L’Univers de Jacques Martin (éd. Casterman). D’où une série de périls tous plus effrayants les uns que les autres, mêlant vilains virus, armes chimiques et guerre économique, avec quelques années d’avance sur la marche du monde et nos calamités contemporaines.

« Non seulement je suis un observateur attentif de l’actualité, mais j’essaie aussi de prévoir l’évolution des phénomènes qui m’intéressent. (…) Je crois avoir souvent fait preuve de clairvoyance dans mes prévisions », notait Jacques Martin dans le même ouvrage, sans fausse modestie et avec une certaine lucidité.

Géopolitique et humanisme

Dans La Rançon, Lefranc délaisse les frimas de l’Alsace pour le climat plus accueillant du Transvaal. Avant de s’envoler pour l’Afrique du Sud, il prend soin de se débarrasser de Jeanjean et demande à l’inspecteur Renard de le ramener à Paris. Bâti sur le modèle d’Enak, le compagnon d’aventures d’Alix, le jeune scout est un garçon sympathique, certes, mais plutôt encombrant dans le feu de l’action. Attention, notre héros n’est pas là pour s’offrir un safari !

Il doit composer avec une police du Transvaal corrompue et d’odieux suprémacistes blancs. Au passage, il prend conscience des conditions de vie révoltantes dans les townships de Pretoria et croise un certain Olivier Tambo, allusion transparente à Oliver Reginald Tambo, qui fut un compagnon de lutte de Nelson Mandela.

Mais Lefranc ne joue pas les héros solitaires. Il doit s’associer à Tavares, à l’African National Congress (ANC) et aux services secrets soviétiques pour apporter un dénouement heureux à cette histoire, qui entremêle la grande aventure classique, la géopolitique et l’engagement humaniste. En attendant le retour d’Axel Borg…


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