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La banque Crédit Suisse et la Silicon Valley Bank ont récemment semé le trouble au sein de l’industrie financière, 2023 - TGL
La banque Crédit Suisse et la Silicon Valley Bank ont récemment semé le trouble au sein de l’industrie financière, 2023 - TGL
Marine Mimouni

The Good Business // Reports

La banque a-t-elle encore un avenir ?

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Deux débâcles bancaires, celles de Crédit Suisse et de la Silicon Valley Bank, ont récemment semé le trouble au sein de l’industrie financière. Faut-il y voir les prémices d’une nouvelle crise systémique mondiale ou le retournement plus ciblé d’un secteur qui opère principalement du côté de la Silicon Valley ?

Quel est le point commun entre les débâcles de Crédit Suisse Group AG et de Silicon Valley Bank (SVB) ? Une temporalité tout d’abord : quelques semaines seulement séparent la faillite de SVB du rachat de Crédit Suisse par son concurrent UBS. Au-delà d’un accord d’agenda, les deux établissements bancaires ont dû composer avec la fin des taux bas. Au point de remettre en cause l’avenir du secteur de la banque ?


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L’avenir de la banque remis en cause ?

© Expect best / Pexels.
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D’abord mise en place par la Réserve fédérale (Fed, aux États-Unis) en mars 2022 pour contrer l’inflation, la remontée des taux a ensuite été suivie par la Banque centrale européenne (BCE) à l’été 2022. L’augmentation des taux a mécaniquement fait baisser la valeur de marché des portefeuilles.

Contraints de déboucler en urgence leurs positions long terme, les deux établissements ont enregistré d’importantes moins-­values. La comparaison s’arrête cependant là. Figure historique de l’industrie bancaire helvétique, Crédit Suisse était depuis quelques années sous les radars des analystes et des autorités de régulation. Mettant l’avenir de la banque en défaut…

© Ono Kosuki / Pexels.
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« C’est une banque qui a longtemps bénéficié du secret bancaire et qui a ensuite cherché à nouer des partenariats à l’international dans un contexte de taux bas. Crédit Suisse a donc pris des risques très importants pour conserver sa clientèle fortunée », détaille Yamina Tadjeddine, professeure de sciences économiques à l’université de Lorraine, chercheuse au Bureau d’économie théorique et appliquée (BETA) qui ajoute, « finalement, pour Crédit Suisse, c’est le modèle stratégique qui a fait défaut ».

Professeur associé Finance à HEC Paris Jean-Édouard Colliard abonde : « Par sa situation, Crédit Suisse était identifiée comme une victime potentielle. » Depuis la fin du secret bancaire, l’établissement était clairement considéré comme « une banque à problèmes ». Les ressorts de la débâcle de SVB sont tout à fait différents. « L’impact spécifique de la SVB vient de son exposition sectorielle. Les entreprises de la Tech font aujourd’hui face à un retournement de cycle industriel », précise Yamina Tadjeddine. 


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© Adrien Olichon / Pexels.
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SVB, une « banque solide » 

Si la débâcle de Crédit Suisse qui, début mars, livrait des résultats en baisse, était prévisible, voire attendue par les analystes, celle de SVB l’était beaucoup moins. Dans le paysage bancaire, SVB était perçue comme une banque solide, avec beaucoup de dépôts.

Loin de l’image d’un établissement bancaire insolvable, SVB totalisait 175,4 milliards de dollars de dépôt, fin 2022. Ceux-ci ayant progressé de 86 % sur un an, largement portés par la bonne dynamique des entreprises de la Tech qui ont fait figure de valeur refuge durant la crise sanitaire. Bien que seizième du pays, SVB était le partenaire bancaire de près de la moitié des start-up américaines financées par capital-risque.

À tel point que la banque était devenue une carte de visite pour l’avenir des entrepreneurs de la Tech : « Avoir un compte à la SVB était un signe d’intégration à la communauté des entreprises innovantes. De plus, la banque proposait des événements et des rencontres entre investisseurs et entrepreneurs », explique Olivier Alexandre, sociologue, chargé de recherche au CNRS et auteur de La Tech. Quand la Silicon Valley refait le monde, aux éditions Seuil. 


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© Pixabay / Pexels.
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Fin de l’abondance pour la Tech

Le coup fatal porté à SVB provient d’un effet de contagion. La banque investit une grande partie des dépôts dans des obligations souvent adossées à des créances hypothécaires d’agences fédérales. Le plan mis en place par la Fed afin de lutter contre l’inflation a induit une remontée des taux d’intérêt. SVB a liquidé en urgence ses placements, enregistrant de fortes moins-values. En vendant ses titres, la banque a accusé une perte de 1,8 milliard de dollars.

Pour compenser ses pertes, SVB a cherché à opérer une augmentation de capital. Il n’en fallait pas moins pour créer la panique parmi les clients : sur la seule journée du 9 mars, SVB a reçu 42 milliards de dollars d’ordres de retrait de la part de clients alarmés.

Mise en banqueroute, la banque a finalement été rachetée par First Citizens, tandis qu’une garantie fédérale a été apportée afin de permettre aux déposants de récupérer l’intégralité de leurs fonds. Un événement qui, pour Jean-Édouard ­Colliard, rappelle que « le premier actif d’un établissement bancaire est la confiance de ses déposants. Une perte de confiance peut toucher un grand nombre de banques solvables mais fragiles ».


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© Tima Miroshnichenko / Pexels.
© Tima Miroshnichenko / Pexels. DR

Des licornes aux cafards rampants 

S’il ne signe pas le début d’une crise systémique, l’épisode SVB est néanmoins annonciateur d’une nouvelle ère pour le secteur de la Tech. Quel avenir pour la banque ? « Il faut bien avoir à l’esprit que la politique de remontée des taux instaurée par la Fed a pour vocation de contrer l’inflation en asséchant les financements. Le futur est donc désormais moins valorisé », souligne Jean-Édouard Colliard.

Il y aura nécessairement moins de liquidités disponibles, c’est-à-dire moins de crédits aux ménages et aux entreprises. À l’heure où les rendements des placements non risqués redeviennent rémunérateurs, les investisseurs n’ont plus nécessité à aller chercher du rendement auprès d’entreprises naissantes au potentiel de réussite hasardeux. Le modèle du capital-risque, particulièrement développé outre-­Atlantique, est également affecté.

© Lukas / Pexels.
© Lukas / Pexels.

« Il faut bien avoir à l’esprit que les capital‑risque se positionnent sur des entreprises pour une période de temps relativement longue. Qu’en sera-t-il pour ceux qui sortiront de leurs investissements dans six ou huit ans ? » s’interroge Éric Bleines, directeur général de Swiss Life Gestion Privée.

Dans ce contexte, les capitaux se concentrent à présent sur des projets aux perspectives de rentabilité à moins long terme. « L’argent est désormais payant. Pour les spécialistes du ­capital-risque âgés de moins de 40 ans, c’est une véritable nouveauté », constate Olivier Alexandre. Il faudra donc distinguer les entreprises de la Tech qui ne sont en fait que des usages de la Tech (Instagram, Airbnb…) des entreprises DeepTech qui portent des révolutions techniques et logicielles.

© Anna Nekrashevich / Pexels.
© Anna Nekrashevich / Pexels.

« Si la Tech qu’on pourrait qualifier de “paillettes”, celle des applications BtoC, qui ont eu le vent en poupe dans les années 2010, est déjà affectée par la baisse des investissements ; les entreprises de ­DeepTech, en revanche, continuent de lever des fonds. Les sous-secteurs de la cybersécurité, de la robotique et les entreprises travaillant en collaboration avec des programmes de défense embauchent et bénéficient d’un afflux d’argent depuis le début de la guerre en Ukraine. Les stratégies changent : les licornes rentrent au paddock, tandis que les investisseurs valorisent les “cafards”, ces équipes qui dépensent lentement, mais qui travaillent intensément sur des solutions à l’abri des regards. L’avenir dira s’il s’agit d’une simple parenthèse ou d’une profonde reconfiguration », conclut ­Olivier Alexandre.  


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