×
C’est au sud de Syracuse qu’Antonino Sciortino a trouvé son havre rêvé, dans les vieilles bâtisses d’une ferme abandonnée qu’il a investies, 2023 - TGL
C’est au sud de Syracuse qu’Antonino Sciortino a trouvé son havre rêvé, dans les vieilles bâtisses d’une ferme abandonnée qu’il a investies.
Marine Mimouni

Horlogerie

Ancien danseur, il est devenu l’un des designers les plus cool du moment

Horlogerie

L’ancien danseur et chorégraphe sicilien devenu designer spécialiste du « fer doux » souhaitait s’établir dans son île natale. C’est au sud de Syracuse qu’Antonino Sciortino a trouvé son havre rêvé, dans les deux vieilles bâtisses d’une ferme abandonnée qu’il a investies tout en conservant les murs écaillés qui font leur charme. Une maison pour y vivre et y créer.

Il faut d’abord quitter Noto (sud-est de la Sicile, près de Syracuse), abandonner sa splendeur baroque du XVIIe siècle et descendre les douces collines de la vallée de Tellaro, vers la mer. Après quelques kilomètres en direction de Pachino, il faut ensuite emprunter une route de campagne et se faufiler entre les orangers, les citronniers et de beaux champs de blé. Au bout de la route : le paradis.


À lire aussi : La difficile conquête du monde des architectes français


Le designer Antonino Sciortino, assis sous le portique de sa maison parmi plusieurs de ses œuvres en fil de fer, dont certaines sont des prototypes.
Le designer Antonino Sciortino, assis sous le portique de sa maison parmi plusieurs de ses œuvres en fil de fer, dont certaines sont des prototypes. MONICA SPEZIA / LIVING INSIDE

« J’ai découvert cet ensemble de maisons abandonnées il y a une vingtaine d’années, explique l’artiste Antonino Sciortino. C’est juste un peu plus bas que la maison où j’habitais. J’ai eu un coup de foudre pour le charme champêtre de cette ferme, les bruits de la ­nature et des machines agricoles qui nous font immédiatement voyager en été. Un soleil magnifique et la plage à proximité. J’ai compris que ce lieu pouvait devenir mien. »

Issu d’une grande famille de Bagheria (près de Palerme, dans le nord-ouest de la Sicile), Antonino Sciortino est un enfant créatif et éclectique. Jeune, il apprend le métier de forgeron dans l’atelier de son frère aîné et se passionne pour la danse. Ancien danseur et chorégraphe professionnel, il se tourne vers le design, quasiment naturellement.

Sous les poutres en bois trône une grande table conviviale, entourée de murs écaillés.
Sous les poutres en bois trône une grande table conviviale, entourée de murs écaillés. MONICA SPEZIA / LIVING INSIDE

En raison de sa flexibilité, le fer doux devient son matériau de prédilection, qu’il réinterprète de manière très personnelle avec une tonalité moderne. Il parvient à apporter à ses créations la légèreté éthérée typique de la danse. Le secret est sa technique du « fil cuit » ; le fer doux étant malléable et permettant la fabrication de mobilier et d’objets légers et doux, presque dansants. 

« Ma maison, la vraie »

Bien qu’il vive et travaille à Milan, il n’en reste pas moins un Sicilien authentique et ne peut rester trop longtemps loin de la mer et de sa terre natale. « Ce n’est pas une maison de vacances. C’est ma maison, la vraie ; j’y retourne aussi souvent que je peux », précise Antonino Sciortino.

Canapé sur mesure, prototype de pouf Girgenti (Baxter) et lampadaire Inchino (Serax), conçus par le propriétairedes lieux, et chaise en bois vintage.
Canapé sur mesure, prototype de pouf Girgenti (Baxter) et lampadaire Inchino (Serax), conçus par le propriétaire
des lieux, et chaise en bois vintage. MONICA SPEZIA / LIVING INSIDE

C’est une ferme sicilienne typique, aux murs de calcaire et de plâtre. Le bâtiment est composé de deux unités. La plus volumineuse date du XIXe siècle ; la seconde, à deux étages, est un ajout des années 50. Ensemble, ces deux bâtiments dessinent un « L ». Ils sont joints par une cour triangulaire.


À lire aussi : Architecture et design : Studio KO lance une galerie en ligne


Côté pile : la zone de vie. Un salon, une cuisine, un portique central à la place de l’écurie, et l’atelier de l’artiste, où ce dernier peut créer de manière plus détendue, loin de la grisaille du nord de l’Italie et des mondanités milanaises. Côté face : les chambres, d’une rare douceur. 

Ⓒ Monica Spezia/Living Inside.
Ⓒ Monica Spezia/Living Inside.

L’architecture se love dans le paysage au milieu des jacarandas bleus, des oliviers, des bananiers, des agaves, des caroubiers et d’autres plantes endémiques, notamment des succulentes et des cactées, la grande passion -d’Antonino Sciortino. Pour faire de sa maison un havre de paix à son image, le designer a demandé à son ami l’architecte Corrado Papa de l’accompagner pour les travaux de rénovation. Son brief ? Aussi clair qu’une eau de source : rien ne doit changer. « La beauté était déjà là, à l’intérieur, il suffisait de la redécouvrir en supprimant le superflu », note Antonino Sciortino, comme si cela allait de soi.

Ainsi, les murs écaillés le sont restés. Aucune adjonction de peinture ne pouvait les améliorer. Les plafonds de roseaux et de plâtre révèlent les poutres en bois d’origine de la chambre. Ici et là, les traces des plaques de ciment, issues des nouvelles interventions, s’ajoutent à la patine du temps qui passe.

Dans son atelier, Antonino Sciartino travaille le fil de fer, son matériau de prédilection, qui entre dans la composition de ses sculptures comme dans ses pièces de mobiliers, tables ou assises.
Dans son atelier, Antonino Sciartino travaille le fil de fer, son matériau de prédilection, qui entre dans la composition de ses sculptures comme dans ses pièces de mobiliers, tables ou assises. MONICA SPEZIA / LIVING INSIDE

À l’entrée de la maison, l’ambiance est très Il cielo in una stanza (« le ciel dans une chambre », titre d’une chanson de 1960 interprétée par la chanteuse italienne Mina) : la ruine sans plafond se transforme alors en un charmant salon à ciel ouvert. « Elle ressemble beaucoup, à la célèbre église Santa Maria dello Spasimo de Palerme, précise Antonino Sciortino. Au prix de perdre un peu de volume, j’ai préféré le laisser comme ça. » 

Autoproductions et prototypes 

À l’intérieur, les pièces sont volontairement vides, peu meublées. Seuls quelques éléments en fer forgé et de rares objets habitent les volumes ; presque tous conçus par Sciortino et choisis parmi ses autoproductions et des prototypes de ses créations en série pour les entreprises avec lesquelles il collabore.

Table basse Sticchite, en fer et béton,et sculpture en tôle Ciu Ciu créées par Antonino Sciortino (Serax), lampe Bellhop (Flos) et, au mur, œuvre Gabbia d’Oro.
Table basse Sticchite, en fer et béton,
et sculpture en tôle Ciu Ciu créées par Antonino Sciortino (Serax), lampe Bellhop (Flos) et, au mur, œuvre Gabbia d’Oro. MONICA SPEZIA / LIVING INSIDE

Des objets au design épuré qui auraient toujours pu faire partie de la maison. « Idem pour la piscine, qui ressemble à une vieille ­gebbia [réservoir, en sicilien, NDLR], et le belvédère qui manquait et qui est là aujourd’hui. » C’est un balcon en bois soutenu par de fines poutres en acier qui jouxte la façade de la maison avec vue sur la plaine agricole et ses couchers de soleil. L’endroit préféré d’Antonino Sciortino. 


À lire aussi : Les créations rebelles de Freddy Mamani

Voir plus d’articles sur le sujet
Continuer la lecture